par Jean-François Lambert, Maître de conférences honoraires en Neurosciences à l’Université Paris 8

Pour les neurosciences cognitives, la pensée, l’esprit, la conscience sont des phénomènes dont l’étude relève exclusivement des sciences de la nature. Une telle naturalisation de l’esprit procède d’une triple réduction : réduction de l’esprit à la cognition, réduction de la cognition au calcul, réduction du calcul à un mécanisme. Si l’on admet cette triple réduction, alors oui, l’esprit (ou ce que l’on désigne comme tel) est « mécanisable ». Mais, il convient d’interroger chacune des trois étapes de ce raisonnement. On verra que l’esprit accède à des vérités qui échappent au calcul, que le calcul n’est pas la vie, qu’une machine n’est pas un organisme, que simuler n’est pas être et que le résultat d’un calcul ne fait sens qu’au terme d’une interprétation qui n’est pas intrinsèque à la physique du système mais implique l’existence d’une entité non réductible au mécanisme (un interprète). On ne sait toujours pas comment une configuration neuronale devient un état mental. Ainsi, l’information ne suffit pas à rendre compte de ce qui la rend (ou non) signifiante. Quelque chose (nous) échappe !