Par Mgr Tony Anatrella, psychanalyste et consulteur du conseil pontifical pour la famille

Jacques Arsac : Il est nécessaire que je vous présente Monseigneur Anatrella, parce que l’image qu’en ont donnée les journaux récemment n’est guère fidèle. Monseigneur Anatrella est consulteur du conseil pontifical pour la famille, et aussi du conseil pontifical de la santé. Il y a été appelé parce qu’il est psychanalyste, spécialiste en psychiatrie sociale. Il est diplômé de psychologie avec un DEA et diplômé de l’École des Hautes Études en Sciences Sociales après avoir étudié l’ethnopsychiatrie et l’ethnopsychanalyse, et la psychiatrie Sociale. Il a une longue expérience dans les institutions psychiatriques. Il enseigne la psychologie à Paris au Centre Sèvres et à la Faculté libre de philosophie et de psychologie, et principalement la psychologie juvénile et sexuelle. Il donne aussi des cours à l’Institut Jean-Paul II à Rome.

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Monseigneur Anatrella a publié de nombreux ouvrages. Je vais tenter de les regrouper par thèmes. Trois ouvrages traitent de l’adolescence : « Interminables adolescences » en 1988, « Adolescences au fil des jours » (1991), « Entre adultes et adolescents » (1995). Plusieurs ouvrages traitent d’amour et de sexualité « Le sexe oublié » (1993) « L’amour et le préservatif » (1995), « l’Eglise et l’amour » (2000), « Époux, heureux époux » (2004). Autre thème important, la différence sexuelle : « Non à la société dépressive » (1997), « La différence interdite » (1998) « Le règne de Narcisse » (2005). Mais il y a aussi un ouvrage sur la drogue et la toxicomanie « La liberté détruite » (2001). Ce panorama de son oeuvre montre bien les axes majeurs de la recherche de Monseigneur Anatrella. Il a toujours su la conduire avec prudence et un grand respect des personnes. Il a beaucoup écrit sur l’homosexualité, mais on n’a jamais pu le taxer de propos homophobes.

À la demande du Vatican, il a participé récemment à la rédaction d’une Instruction demandant la vigilance sur les tendances homosexuelles des séminaristes. C’était plus que n’en pouvaient supporter certaines associations. Elles eurent donc recours à l’arme de Don Basile. L’affaire est devant la justice puisque Mgr Anatrella a porté plainte. Mais comme l’a si bien noté Beaumarchais, c’est un piège redoutable dont on ne sort jamais totalement indemne.

C’est précisément parce que notre société est ébranlée sur ce plan de la différence sexuelle que l’AES a pris le risque de ce cycle « homme et femme Il les créa ». Monseigneur Anatrella avait donc une place toute indiquée dans ce cycle, en raison de l’importance de ce thème dans ses travaux. Nous allons donc avoir le privilège d’entendre un spécialiste de réputation internationale nous parler des différences homme/femme et de l’homosexualité.

Tony Anatrella : Je vous remercie de m’avoir invité à réfléchir aujourd’hui sur le thème « La différence homme/femme et l’homosexualité. »
Il y a peu de lieux d’expression libre aussi bien dans les médias que dans le cadre de conférences pour évoquer les questions qui se posent. La plupart d’entre-elles se déroulent en milieu fermé, replié sur des groupes de militants qui tentent de s’autoconvaincre de la pertinence du mariage entre personnes de même sexe. Ou, à l’aide de pseudos enquêtes comportementalistes, d’affirmer gratuitement que les enfants vivant dans un contexte homosexuel ne posent aucun problème. La pensée est ainsi gelée et anesthésiée pendant que les responsables politiques se laissent fasciner par l’influence des associations et de quelques sondages. Je travaille ces questions depuis de nombreuses années et s’il est difficile de se faire entendre, je constate que mes études et mes concepts servent de base à d’autres travaux anthropologiques et argumentaires politiques. Je vais donc m’exprimer en essayant de réfléchir au-delà des clichés convenus et entretenus complaisamment par les médias. Si chacun est libre de vivre comme il le souhaite, une autre question serait de vouloir modifier l’organisation et les logiques sociales du mariage et de la filiation au nom des exigences de la vie privée qui n’ont pas nécessairement à faire droit pour la société. Tel est l’essentiel des enjeux.

Les revendications pour le mariage entre personnes de même sexe et l’adoption des enfants, voire l’aide médicale à la procréation (AMP) pour des femmes lesbiennes semblent paradoxales et contradictoires face à ce qui structure les personnes et les sociétés fondées sur la différence sexuelle. Cette nouvelle situation pose de nombreux problèmes surtout lorsque l’on tente d’inscrire dans la loi civile un double système antinomique. Comment une société peut-elle se maintenir en étant aussi divisée sur l’essentiel ? Je vous propose d’y réfléchir en précisant que nous avons l’habitude d’entendre ces revendications de façon compassionnelle alors que je vais tenter de réfléchir de façon conceptuelle et structurelle. Précisons également qu’il n’est pas question de juger des personnes, mais bien d’examiner quelques uns des enjeux de ces revendications.

Quelle forme de sexualité la société doit-elle instituer ?

Lorsque l’on parle de mariage et de l’adoption des enfants par des personnes homosexuelles, de quoi parle t-on ? Quel est l’intérêt pour la société et quel est l’intérêt de l’enfant ? La société doit-elle redéfinir le couple, le mariage et la famille à partir d’une orientation sexuelle ?

Puisque nous sommes confrontés à des questions essentielles, ne faut-il pas s’interroger sur ce qui est commun à l’humanité et participe de ses invariants ? L’histoire nous le rappelle souvent, lorsque l’on transgresse l’un de ces invariants, nous risquons de déstabiliser le cadre porteur de la société dans ses principes de base. Pour mémoire, rappelons que ces invariants humains sont la prohibition de l’inceste et du meurtre, le respect de la différence sexuelle et des générations, le primat de la réalité objective et rationnelle sur la subjectivité. Quand une de ces lois est enfreinte, toutes les autres sont dévalorisées et peuvent ne plus être respectées. La loi civile en vient parfois à transgresser plusieurs de ces invariants. Un état de fait qui suscite inconsciemment de l’insécurité qui s’exprime à travers de la violence, notamment chez les plus jeunes. La question qui se pose est de savoir si ces lois sont à la libre disposition du législateur ? Une orientation sexuelle peut-elle être un fondement sur lequel s’organise le lien social ? La réponse politique à cette question procède d’un constat réaliste. L’origine de la société et de l’histoire repose sur le lien constitué par un homme et une femme car ils représentent les deux seules identités sexuelles objectives qui composent l’humanité dans son universalité.

En effet, la société a besoin de la relation de couple formée entre un homme et une femme. La notion même de couple vient du terme latin « copula ». Or il n’y a qu’un homme et une femme qui forment un couple et qui copulent. La notion de couple n’est pas applicable à la relation entre personnes de même sexe. Dans ces conditions, comment peut-on en parler ? Dans les nombreuses études que j’ai consacrées à cette question, j’en suis venu à désigner ce type de relation en lui appliquant le concept de « duo ». Ce concept est mieux adapté pour nommer une association monosexuelle. Il correspond davantage aux caractéristiques psychologiques qui structurent ce genre de relation de l’identique à l’identique, fondée, entre autres, sur une motivation spéculaire – c’est-à-dire dans le regard fermé sur son propre corps dans une sexualité en miroir -. Dans un système relationnel que je qualifie du réflecteur, où le même se mire à travers le même dans l’impossibilité de concevoir un autre, il y a certes deux personnes, mais il n’y a pas de place pour l’altérité conjugale et pour la procréation entre elles. Pourquoi soutenir cette idée ? Tout simplement parce que la vie conjugale et la procréation dépendent de l’homme et de la femme, et que le sens de l’altérité s’acquiert lorsque le sujet accepte et intériorise la différence sexuelle.

Le couple formé par un homme et une femme signifie socialement et institutionnellement l’altérité sexuelle à l’origine de l’union conjugale, de la procréation et de la famille. L’enfant a aussi besoin de ce couple pour comprendre sa naissance, se situer dans la généalogie d’une filiation et dans la cohérence de la succession des générations. Dans le couple homme/femme on conçoit l’autre avec un autre, alors que dans le duo monosexuel on voudrait « faire » un autre avec du même. Comment est-ce pensable et possible ? La différence sexuelle a toujours été un des invariants humains pour fonder le cadre porteur de la société. En laissant supposer que le couple, le mariage et la famille peuvent se définir en dehors de cette référence, c’est tout le cadre porteur qui, au fil du temps, va se fragiliser et se découdre.

Qu’est-ce que l’homosexualité ?

Je veux tout d’abord énoncer un principe, préciser une question de méthode et signifier le problème social qui se pose.

Un principe. Les homosexuels ont souvent été maltraités et cela est encore vrai dans certains pays où l’homosexualité est considérée comme un délit. Il faut s’élever contre cette idée et contre des mesures indignes. Il faut également dénoncer des agressions verbales et physiques comme cela est vrai à l’égard de quiconque. Il est impertinent de reprocher à une personne ses tendances intimes. Chacun doit pouvoir être accepté et reconnu dans ce qu’il est. De même qu’il doit encore être autorisé de penser l’homosexualité, d’analyser un type de relation et de critiquer des idées et des revendications sans pour autant être taxé d’homophobie. (Nous pouvons penser en particulier au député Christian Vaneste dont la condamnation pour propos homophobes pose de nombreux problèmes. Il est regrettable de ne pas voir les enjeux de cette affaire.)

Une question de méthode. Chercher à comprendre comment se présente l’homosexualité ne signifie pas que l’on porte un jugement sur des personnes. Nous voulons simplement dégager des structures et les questions qui se posent.

Un problème social. Vouloir faire de l’homosexualité un modèle social à travers l’institutionnalisation d’un type de « couple » et de « famille » pose et posera à long terme de nombreux problèmes psychologiques et sociaux.

Problématique de l’origine

Comment définir l’homosexualité ? Elle correspond à l’attrait sentimental et érotique à l’égard des personnes de même sexe. Elle a toujours existé et existera toujours. La question est souvent posée afin de savoir d’où provient cette tendance sexuelle ? Sans avoir à entrer dans les détails, on peut soutenir que l’origine de l’homosexualité est davantage d’ordre psychologique qu’hormonale, neurologique ou génétique. Un gène ne crée pas une tendance psychique qui relève d’autres facteurs. Jusqu’à présent la plupart des études ont toujours invalidé une origine biologique de l’orientation sexuelle. Les nombreuses hypothèses psychologiques mises en perspective par Freud sont confirmées et renouvelées par l’expérience clinique. Cette dernière a considérablement fait progresser l’élaboration de la théorie psychanalytique au sujet des origines et de l’économie psychique de l’homosexualité. Elle participe d’un faisceau de diverses problématiques liées

- à la relation primordiale à la mère lorsque l’enfant fait corps avec elle,

- au stade du miroir, c’est-à-dire à l’identification spéculaire,

- au conflit de la bisexualité psychique et à l’intériorisation de la différence sexuelle

- à l’élaboration de certaines pulsions partielles

- à la problématique identificatoire au parent du même sexe

- à la relation d’objet homosexuel de l’enfance

- au complexe d’Œdipe

- au remaniement de la sexualité pubertaire, etc.

Autant de conflits qui se traduisent par des fixations dans lesquelles le sujet s’empêche de s’acheminer vers l’hétérosexualité. Il existe plusieurs formes d’homosexualité dont quelques-unes peuvent se remanier vers l’hétérosexualité alors que d’autres sont irréversibles. Certains qui ont connu une période homosexuelle peuvent changer ou se contenir et s’assumer dans l’hétérosexualité, pendant que d’autres vivront l’inverse. Il faut y voir ici un mouvement de la bisexualité originelle de la psychologie humaine qui reste plastique. La bisexualité psychique correspond au fait d’intérioriser l’autre sexe et d’être dans un dialogue interne avec lui.

La problématique psychologique

Dans le développement psychologique, il est utile de rappeler que l’enfant, comme l’adolescent, vit un « choix d’objet homosexuel », c’est-à-dire qu’il s’identifie au parent et à des partenaires de même sexe pour conforter son identité sexuelle et acquérir, de ce fait, de la confiance en lui. Il éprouve aussi des attraits électifs et exclusifs, prélude aux désirs sexuels, dont son père et sa mère sont les premiers objets. On parlera ici de désirs homosexués ou hétérosexués de la phase oedipienne à l’égard des parents. L’enfant connaît une forme de séduction sexuelle ambivalente, dont il n’est pas toujours conscient. En revanche, il ne faut pas confondre la relation dite « d’objet homosexuel » et l’homosexualité. C’est lorsque ce type d’identification et de désir primitif se fige, ou que l’enfant s’enferme dans le stade du miroir au point de retrouver le sujet de même sexe que lui, ou qu’il est dans la crainte et le déni de la différence des sexes, ou qu’il se fixe dans le stade phallique en se réfugiant dans la fascination de son propre sexe en le confondant avec le phallus, que le sujet risque de s’orienter vers l’homosexualité quand il érotise la relation aux personnes de même sexe que lui. Lorsqu’il prend conscience de cette inclination, il la vit à travers un sentiment d’angoisse et de culpabilité psychique. Au moment de l’adolescence ou de la postadolescence, des jeunes viennent consulter afin de vérifier si cette orientation est transitoire ou relativement structurée.

Dans l’expérience clinique, on constate souvent que l’homosexualité est l’expression d’une dépression masquée. La personnalité est fragilisée par un manque d’étayage de son identité et d’un sentiment d’échec de ne pas pouvoir rejoindre intimement la personne de l’autre sexe. Certains s’engagent dans un travail psychothérapique afin de mieux se connaître, de se libérer de cette angoisse et d’apprendre à vivre avec ce qu’ils sont. Dans certains cas, l’homosexualité peut être le symptôme d’un problème particulier qui, en se remaniant, permet à la personnalité de s’organiser autour de l’hétérosexualité.

Si l’homosexualité est présentée comme « un trouble de l’identité sexuelle », elle n’est pas une maladie mentale. Au-delà d’une difficulté à se reconnaître ainsi, l’homosexualité est souvent source de créativité intellectuelle, sociale et artistique. On peut faire l’hypothèse que l’attitude festive que l’on rencontre dans ces milieux peut être une façon de compenser une souffrance à être.

Un conflit entre identité et orientation sexuelle

L’homosexualité est souvent présentée comme une « identité » et un « choix ». Dans une perspective constructiviste, chacun choisirait son orientation sexuelle qui définirait son identité. Ou bien elle serait un donné de naissance, il y aurait ainsi une « nature » homosexuelle. Les choses ne sont pas aussi simples. En réalité, il s’agit d’une tendance que le sujet cherche à articuler avec son identité sexuelle alors qu’elle présente une incohérence. Une tendance sexuelle n’est pas le résultat d’un choix au sens rationnel et volontaire du terme. Elle est plutôt une inclination, une posture, de la vie affective qui s’est élaborée dans la vie psychique du sujet lors de l’organisation des représentations sexuelles de l’enfance et de l’adolescence.

Autrement dit, si l’identité sexuelle est un donné de fait que nous recevons à la naissance : nous sommes homme ou femme, l’orientation sexuelle, quant à elle, se construit, elle est acquise en fonction des âges de la vie psychique de chacun. L’enfant et l’adolescent sont engagés dans un travail interne afin de reconnaître, d’accepter et d’intégrer leur identité sexuelle, et, dans le meilleur des cas, il y a continuité entre l’identité et l’orientation sexuelle. Mais lorsqu’une tendance sexuelle est recherchée pour elle-même, en dysharmonie avec l’identité sexuelle, elle est le symptôme d’un conflit intrapsychique.

Le discours actuel entretient une confusion entre l’identité et les orientations sexuelles. Il n’y a que deux identités sexuelles et une multitude de tendances sexuelles qui sont le résultat de l’élaboration plus ou moins réussies des pulsions partielles, des premières identifications et des désirs primitifs. Nous pouvons citer, par exemple, le voyeurisme enfantin qui cherche inconsciemment à voir la nudité de ses parents et qui sera sublimé, c’est-à-dire transformé, en fonction supérieure à travers la curiosité intellectuelle et le plaisir de voir les amis et la personne aimée. Le voyeurisme, comme orientation sexuelle, peut être recherché pour lui-même en se clivant sur la sexualité de l’adulte. Ainsi, l’homosexualité est sur le registre des tendances et non pas sur celui de l’identité, elle est même en conflit avec cette dernière qui produit son émergence. Une situation qui n’est pas toujours facile à accepter et qui peut se déplacer autour de revendications politiques.

La théorie du gender comme négation de la différence sexuelle

La théorie du gender (c’est-à-dire le genre) envisage une autre définition du genre sexuel en présentant le féminin et le masculin dans une relation de dominant/dominé et dans l’indétermination des sexes. Encore fort mal connue de l’opinion publique française, elle se présente comme une nouvelle libération sociale et subjective de la personne et nous promet l’émancipation subjective de la différence sexuelle.

Du point de vue sociologique, le gender soutient que les identités sexuelles dépendent de la culture et des rôles sociaux attribués aux uns et aux autres par une culture. Dans cette perspective, les identités masculines et féminines ne sont que des constructions sociales. La différence des sexes n’étant pas plus importante que la couleur des cheveux. Avant d’être un homme ou une femme, nous serions d’abord des êtres humains. Or l’être humain en soi n’existe pas, il n’y a que des hommes et des femmes. Nous verrons plus loin ce que vaut une telle affirmation.

Du point de vue psychologique, la théorie du gender laisse entendre que chacun construit son « identité » et qu’il peut même en changer en fonction des fluctuations de ses tendances. La plasticité de la sexualité humaine serait due à sa bisexualité initiale que la société oblige à refouler. Cette idée mérite d’être discutée, car si l’état premier de la sexualité humaine passe par une phase de bisexualité psychique, ce qui permet à l’enfant, répétons le, de s’identifier à l’autre sexe afin d’intérioriser le sens de l’altérité sexuelle, cela ne veut pas dire qu’il est porteur des deux sexes et que l’état premier des représentations pulsionnelles est la fin de la sexualité humaine.

La thèse irréaliste du gender se traduit aujourd’hui en termes politiques. C’est dans ce contexte idéologique que des requêtes paradoxales sont exprimées pour exiger le droit au mariage entre des personnes de même sexe et à l’adoption des enfants au nom de l’égalité des citoyens devant la loi. Or si nous sommes égaux, nous ne sommes pas tous engagés dans les mêmes situations. Connaissons nous encore le sens des mots et ce que parler veut dire ? L’égalité des personnes ne se confond pas avec la similitude et la ressemblance. Nous assistons à une dérive égalitariste qui fausse le sens même de l’égalité. Ainsi, l’association de deux personnes de même sexe ne représente pas le sens de l’altérité sexuelle, de la parenté et de la succession des générations. L’enfant ne peut se différencier subjectivement qu’à travers la différence sexuelle incarnée par son père et sa mère. Le déni du corps et de la procréation par l’union des deux sexes, laisse entendre que seuls les sentiments et la volonté de « posséder » un enfant sont suffisants pour être « parent » au singulier et sans sexe. La question est de savoir dans quelle structure relationnelle on va engager l’enfant plutôt que de savoir s’il sera entouré affectivement ?

Dans la loi, la différence des sexualités coexiste ou remplace progressivement la différence sexuelle comme l’exige la théorie du gender. La Constitution pour l’Europe à l’article II-81, § 1 (p. 23), rejetée par les français, est imprégnée de l’idéologie du gender lorsque l’on demande aux États membres la reconnaissance « des orientations sexuelles » au nom de la non-discrimination tout en la confondant avec le respect de la race, des origines ethniques et de la religion qui font partie, eux, des droits fondamentaux. L’orientation sexuelle est ainsi présentée comme un droit et une qualité intrinsèque de la personne humaine. Ne serait-il pas davantage pertinent de distinguer l’appel au respect de chaque personne et de l’égalité des citoyens, du fait de vouloir faire d’une « orientation sexuelle » un modèle social parmi d’autres qui pourrait participer à la définition du couple et de la famille ? Le langage est ainsi manipulé pour accréditer la thèse que toutes les formes d’associations affectives peuvent déboucher sur le mariage et la famille.

Les médias et les fictions télévisées jouent un rôle considérable pour diffuser cette idéologie. Lors d’une série télévisée où l’un des personnages demandait conseil à une amie, afin de savoir s’il devait quitter sa femme et ses enfants pour s’installer avec un transsexuel, elle lui répondit : « Tu devrais savoir que l’amour n’a pas de sexe ». Comment soutenir l’idée d’un amour asexué ? Toute l’idéologie actuelle, portée par la théorie du gender, du déni de la différence sexuelle, du corps et de la procréation à partir de l’homme et de la femme est résumée dans cette étrange formule.

Le gender est une théorie idéaliste et désincarnée qui oublie que l’être humain en soi, et asexué, n’existe pas. Faut-il rappeler, une fois de plus, une évidence de toujours : nous ne participons à l’humanité qu’en étant homme ou femme dont le lien est source de vie conjugale et de vie familiale. L’existence de chacun d’entre nous procède de cette union. Cette idéologie profite, pour s’imposer, du climat intellectuel de la suprématie de l’individualisme et du subjectivisme, et de la confusion des identités et des relations entre les hommes et les femmes au nom de la parité pour imposer un égalitarisme complet. Elle donne lieu à un tel engouement qu’elle fascine de très nombreux intellectuels, et notamment des sociologues et des psychanalystes.

Ainsi on fragmente la société en fracturant le sens du bien commun pour légiférer à partir de revendications subjectives. Lorsque la loi cherche davantage à valider les mœurs d’une époque plutôt que d’en appeler à l’intérêt général et au sens objectif de réalités universelles, il n’est pas étonnant que chacun veuille sa loi pour reconnaître des intérêts singuliers qui ne relient pas à la société. Celle-ci n’est pas le résultat de la somme des intérêts particuliers.

Le mariage devient une reconnaissance des sentiments

La loi civile a pour fonction d’organiser des réalités universelles et objectives dans le souci de l’intérêt général. Doit-elle légitimer des sentiments et des mœurs particulières en matière sexuelle ? L’État doit-il s’immiscer dans la vie affective des citoyens ? La société doit-elle prendre en compte les orientations sexuelles pour organiser autrement le conjugal et le parental ? Une orientation sexuelle représente-t-elle une réalité nécessaire à la société pour redéfinir le couple et la famille ? Comment peut-elle devenir une référence pour engager des choix de société ? Ne relève t-elle pas d’une problématique psychique particulière qui demeure une question privée et ne concerne pas le champ politique ? Au nom de l’égalité, faudrait-il légaliser toutes les orientations sexuelles et fabriquer légalement toutes sortes de « couples » et de « familles » ? Comment concevoir qu’une tendance pulsionnelle soit légalisée et devienne une institution ? Certains franchissent ce pas en affirmant que puisque l’homosexualité existe, il convient « de reconnaître légalement ces unions et de rendre possible l’adoption des enfants ». Dans une vision purement gestionnaire et superficielle des réalités humaines, on confond et on met sur le même plan des unions de nature et de finalité différentes. Toujours dans une mentalité où règne la confusion des idées et des sentiments, on mélange des situations particulières, qui ont toujours existé, et ce qui préside aux références permettant la représentation objective et universelle du sens du couple et de la famille. L’introduction de normes contradictoires dans le droit est toujours une source de conflits et d’incohérence sociale dont le coût se paie à plus où moins long terme.

Le lien social fondé sur la conjugalité et la famille ne peut s’organiser qu’à partir d’une norme unique qui est celle de la relation de couple formée par un homme et une femme. Le couple et la famille constitués autour d’un double système de référence contradictoire ne peut que déboucher sur une scission sociale. Le mariage concerne l’association de l’homme avec la femme. La société ne peut être qu’hétérosexuelle car elle a essentiellement besoin de leur union qui, dans le mariage, symbolise l’altérité sexuelle, le sens de la différence et de la filiation. L’homosexualité représente socialement la recherche du même et du semblable alors que la société a besoin de la représentation de la différence afin de se construire et de durer dans le temps.

Le lien conjugal repose sur une élection amoureuse. Mais dans une société où de nombreuses personnes veulent davantage trouver une fondation plus solide sur leur vie affective que dans l’engagement dans le mariage, celui-ci perd son caractère objectif d’engagement entre un homme et une femme au bénéfice du culte de l’intimité affective. La loi sur le divorce (allant jusqu’à la répudiation légale avec la catégorie du divorce pour altération définitive du lien conjugal) facilite aussi cette dévalorisation du sens de l’engagement et donc du mariage. Que devient une société où des hommes et des femmes ne savent pas s’engager et socialiser leur lien affectif en se reliant juridiquement à la société à travers le mariage ? Celui-ci devient uniquement une sorte de reconnaissance sociale des sentiments qui attachent plus ou moins durablement les personnes entre elles. Autrement dit, on laisse entendre aux citoyens que le mariage n’est qu’un acte par lequel la société viendrait valider un état affectif unissant deux personnes. Dans ces conditions, on comprend que le mariage soit revendiqué pour légitimer n’importe quelle forme d’association sentimentale entre deux personnes. Ce curieux acte d’adoubement affectif demandé à la société n’a rien à voir avec la dimension objective et symbolique de l’engagement matrimonial.

Pour éviter de multiplier les confusions qui sont toujours source de violences, il serait temps de rappeler que le mariage ne concerne que l’homme et la femme et de l’inscrire explicitement dans le Code civil .

Le droit à l’enfant ou le droit de l’enfant ?

En France, le pacte civil de solidarité (Pacs voté en 199) a créé une niche juridique qui permet à des associations militantes de revendiquer le mariage et l’adoption des enfants par des homosexuels. J’avais souligné cette évidence au moment du vote de cette loi qui était déniée par le Garde des sceaux de l’époque. Selon ses dires, il s’agissait d’un simple aménagement technique du droit alors qu’en réalité on touchait à l’un des fondements de la société. La double revendication des associations s’appuie sur des raisons idéologiques qui veulent que le couple, le mariage et la filiation ne reposent plus sur la différence des sexes et sur le corps mais sur les « orientations » sexuelles et la « volonté » d’être parent. Autrement dit, l’acte charnel pour concevoir un enfant est dévalorisé au bénéfice de la volonté de l’obtenir dans n’importe quelle condition : l’adoption ou l’insémination artificielle. L’essor de ces techniques nous donne l’illusion que l’on peut désincarner la sexualité procréatrice. Cette vision est soutenue par ceux et celles qui ont une aversion pour cette rencontre intime. En réaction à leur désintérêt sexuel pour l’autre sexe, ils bâtissent des théories, où l’on prétend dissocier la filiation biologique (un enfant est né de), d’une filiation juridique (un enfant est fils de) et d’une filiation sociale (un enfant est élevé par). Ces trois types de filiation peuvent coïncider mais on peut aussi les séparer, nous dit-on, en sachant que la filiation biologique ne donnerait pas forcément des droits sur l’enfant. D’ailleurs, selon ces militants, il faudrait remplacer le livret de famille par le livret de l’enfant afin d’affirmer que l’enfant peut avoir plusieurs « parents », et, dans ce cas, on parlera surtout de « parentalité » c’est-à-dire de tous les adultes qui participent à son éducation et non plus de la parenté partagée par un homme et une femme, et la ligne directe et collatérale de la parenté fondée sur les liens du sang et la succession des générations. Dans l’espoir de modifier la réalité on change le langage en parlant comme on vient de le voir de parentalité au lieu de parenté, de famille recomposée qui n’existe pas puisque l’enfant n’a qu’un père et une mère ou enfin d’homoparentalité, qui est un néologisme et laisse entendre que l’on pourrait être parent à partir d’un seul sexe.

De nombreux responsables politiques (surtout en cette période) sont séduits par cette conception individualiste de la famille alors que plus de 80% des enfants vivent avec leurs deux parents et que 62% des couples restent mariés. Quelle est donc cette urgence à vouloir redéfinir la filiation à partir de l’homosexualité ? Les associations militantes le revendiquent afin, nous disent-elles, de « protéger les enfants qui n’auraient aucune protection juridique en cas de décès du parent ». N’y a t-il pas ici une certaine forme de mauvaise foi intellectuelle ? La plupart des enfants qui vivent dans un contexte homosexuel ont été conçus par un homme et une femme qui se sont séparés pour cause d’homosexualité de l’un des deux parents. Le parent en question continue d’assurer ses responsabilités éducatives. Les enfants nés de ce couple sont donc dans la sécurité juridique puisque, comme les autres, ils sont bien rattachés à leurs parents.

La vraie question porte sur les enfants que certains voudraient adopter (il n’y a que 4% d’enfants adoptés par des célibataires en France mais on ne sait pas combien par des homosexuels) ou qui seraient obtenus par insémination artificielle dans des pays où la loi l’autorise pour des femmes seules. Dans ce cas l’enfant a un seul « parent », la mère. Autrement dit, certains se mettent dans une situation illégale pour ensuite demander à la société de les régulariser. Cette manipulation qui prive délibérément l’enfant à naître d’un père pour ensuite demander aux tribunaux qu’il soit adopté par la compagne de sa mère – au motif qu’il doit être protégé en cas de décès de sa mère -est une supercherie. On utilise, une fois de plus comme avec le Pacs, un argument morbide pour faire fléchir la loi face à des demandes inquiétantes pour le bien de l’enfant. Le législateur doit-il être soumis aux injonctions de ceux qui militent pour le « droit à l’enfant » alors que celui-ci ne sert pas l’intérêt de l’enfant ? Son intérêt supérieur est de pouvoir naître entre père et mère et non pas uniquement d’être enveloppé affectivement par deux personnes de même sexe. Le critère affectif est souvent retenu à tort comme le seul critère déterminant par quelques tribunaux pour accorder l’autorité parentale ou favoriser l’adoption dans un contexte homosexuel. Des décisions qui ne sont pas conformes en 2007 à l’état de la législation française et qui sont annulées par la Cour de cassation. Des militants voudraient modifier le droit français en alignant le régime des concubins en matière d’adoption sur celui des époux. En effet, en se mariant l’un des conjoints devient automatiquement le parent de l’enfant si celui-ci n’a pas un autre parent. L’extension aux concubins de ce droit, lié au mariage, aurait l’avantage d’être aussi celui des « concubins » homosexuels puisque la loi leur reconnaît le concubinage. D’autre part on considère dans cette logique, que l’on pourrait accorder automatiquement l’autorité parentale à son concubin. De façon pernicieuse, on utilise l’argument de l’intérêt de l’enfant à être relié juridiquement à ces deux adultes homosexuels en cas de décès du « parent ». Il s’agit plus ici de reconnaître le « droit » à l’enfant dans n’importe quelle condition que d’avoir le souci de ses réels intérêts psychologiques et sociaux. Actuellement, ce sont les intérêts subjectifs des adultes qui priment sur les intérêts objectifs de l’enfant.

En bonne logique des invariants humains, la conception comme l’adoption des enfants doivent reposer sur un critère de sexualité. Sinon nous donnons droit, au nom des bons sentiments, à des trafics et à des brouillages dans la filiation dont nous ne voulons pas mesurer les conséquences sur la psychologie des générations à venir et sur le lien social. Il serait imprudent et irresponsable de légiférer pour des cas aussi particuliers et très minoritaires, qui remettent en question la dimension objective de la filiation. Nous le voyons bien, l’enjeu est purement idéologique afin de faire reconnaître une orientation sexuelle comme un « modèle » de couple et de famille comme un autre. La filiation est ainsi instrumentalisée au service de mœurs particulières et privées lorsque l’on se déclare favorable à l’adoption et à l’insémination artificielle, quels que soient le statut matrimonial et l’orientation sexuelle.

Il est inquiétant de constater que de nombreuses publications, destinées aux enfants dès l’école maternelle, parlent de « familles » (au pluriel) dans lesquelles il y a deux papas ou deux mamans ; ce qui est un mensonge social. Dans certaines situations, la fiction juridique de la filiation vient se substituer à une absence de père ou de mère comme dans le cas de l’adoption. Mais doit-on en faire une norme en dehors d’une relation partagée entre un homme et une femme qui est à l’origine de la procréation et de la filiation ? Ne risque t-on de déshumaniser la filiation en réduisant la procréation à une fabrique de chair humaine en dehors de l’histoire conjugale d’un homme et d’une femme ? Doit-on « fabriquer » un enfant pour le plaisir d’être enceinte ou pour s’affirmer aux yeux des autres ? Doit-on légitimer l’idée de « faire » un enfant « pour soi » ? Comment ne pas voir que ces situations infligent une violence aux générations futures ? Violence qui se retournera contre la société. Nous connaissons déjà les effets psychologiques et sociaux du divorce sur les enfants, les adultes et le lien social. Des personnalités juvéniles présentent des troubles de la filiation, du self, sont insécurisés et hésitent à s’engager. Le divorce qui produit la décomposition familiale est aussi, pour une part, à l’origine de l’insécurité qui altère le lien social. Faut-il ajouter avec de la « parenté » homosexuelle des troubles de l’origine et de l’identité qui se manifesteront dans les personnalités une fois devenues adultes et dans plusieurs années sur le lien social. Sur un tout autre plan, il a fallu des années pour réaliser l’ampleur des erreurs dont était porteur le marxisme à travers le communisme alors que la pensée dominante et les intellectuels de l’époque restaient aveugles. Un changement de paradigme qui remet en cause des structures essentielles de l’humanité produit ses effets dévastateurs sur le long terme.

Dans cette mentalité, toutes les dérives sont envisageables. Le gouvernement espagnol, après avoir accepté le mariage et l’adoption des enfants par des homosexuels, fait réécrire le Code civil par des juristes pour supprimer toutes les notions d’homme et de femme, d’époux et d’épouse, de père et de mère afin de concevoir un mariage et une filiation fondés sur l’indistinction sexuelle. Progressivement la France accorde toujours davantage au Pacs et aux concubins les attributs juridiques du mariage, au point de vider celui-ci de sa signification institutionnelle et de le réduire à un contrat identique à un contrat de location. Dans ces conditions pourquoi ne pas supprimer le mariage civil qui devient de plus en plus une coquille vide ? Le Pacs est l’image des précarités affectives contemporaines. Il favorise la perte du sens de l’engagement comme en témoigne l’augmentation du nombre de Pacs et la diminution des mariages. Pour des raisons électoralistes, ne risque-t-on pas de faire de même en fabriquant de la « parenté » homosexuelle ce qui est irréaliste et va à l’encontre de l’intérêt de l’enfant ? Comment ne pas voir qu’en trichant ainsi avec la réalité, la loi va créer de nouveaux problèmes sociaux à venir ?

Conclusion

D’un point de vue psychologique, la différence sexuelle est la première limite que l’enfant rencontre. Inscrite sur le corps, elle permet le développement d’une pensée qui tient compte des vérités objectives. Si je suis une fille, je ne peux pas être un garçon et réciproquement. Donc je ne suis pas tout à moi tout seul. Dans le meilleur des cas, l’intégration de la différence sexuelle permet de se relativiser à l’égard de l’autre. Grâce à la présence du père, elle permet à l’enfant de se différencier de sa mère, non seulement sexuellement mais également subjectivement. Il n’est pas prisonnier d’une relation en miroir.

D’un point de vue social, dire que tous les citoyens sont égaux devant la loi signifie-t-il que toutes les situations affectives ont vocation à être instituées ? Est-ce discriminatoire de rappeler que le mariage et la filiation ne concernent que le lien reposant sur l’homme et la femme ? La filiation ne peut pas se définir à partir du désir de l’adoption : c’est l’adoption qui doit se définir à partir d’un couple générationnel et des intérêts de l’enfant. Cet enfant qui a besoin d’un père et d’une mère, et de la lisibilité de la filiation qui procède d’un homme et d’une femme, comme l’ont montré l’expérience humaine et toutes les études psychologiques sérieuses. S’il peut arriver, dans certains cas, que la filiation soit une construction juridique, ce sont néanmoins les liens du sang, enracinés dans le corps, qui restent la norme en la matière. La réalité des désordres familiaux vient souvent nous rappeler cette vérité intrinsèque à l’humanité de même que l’intérêt croissant suscité par les recherches généalogiques dans une société qui se morcelle.

Il est étonnant de voir que la société est plus sensible aux intérêts psychologiques de l’adulte qu’au souci premier de l’intérêt de l’enfant. Ce déplacement se comprend au regard des motivations contemporaines des adultes qui désirent davantage un enfant pour s’accomplir et s’épanouir, que pour assurer la succession et le renouvellement des générations. Dans ce contexte égocentrique, l’enfant n’est pas désiré pour lui-même. L’enfant à tout prix et par tous les moyens devient ainsi une revendication prioritaire.

Comment faire croire à un enfant qu’il a deux « papas » ou deux « mamans » ? Sous le prétexte de ne pas grever le droit de certains à être « parents », on crée une nouvelle discrimination (pour reprendre un cliché moral à la mode) en privant l’enfant de son droit de disposer d’un père et d’une mère qui soient un homme et une femme. N’en doutons pas, cette discrimination sera handicapante pour son avenir psychologique dont les problèmes apparaîtront sur le long terme une fois le sujet devenu adulte. Elle sera également handicapante pour la représentation de la filiation dans la société.

C’est pourquoi, en terminant, je veux rappeler que la différence sexuelle joue un rôle psychologiquement structurant. Elle permet à l’enfant d’accepter son identité sexuelle en s’identifiant au parent de même sexe.

- Le garçon se sent homme comme son père, la fille femme comme sa mère.

- L’enfant découvre l’autre sexe à travers ce qu’il sent du désir de ses parents. Il sera difficile pour le garçon d’aimer une femme s’il ne sent pas que son père aime les femmes, et réciproquement pour la fille.

- L’enfant a besoin d’être soutenu par le parent de même sexe et d’être ouvert à l’altérité par le parent de l’autre sexe.

Le corps sexué des parents et le désir qui circule entre l’homme père et la femme mère est décisif pour comprendre de quel désir sexuel l’enfant est né. Dans une relation monosexuelle, l’enfant est en dehors de l’intimité du champ corporel des adultes qui s’occupent de lui, il ne procède nullement de leur vie sexuelle puisque celle-ci est dans l’incohérence de la procréation. S’il vit entre deux personnes de même sexe et de personnalités distinctes, leur relation n’est pas significative du sens de l’altérité puisqu’ils sont dans un face à face du semblable au semblable. Avec le même, il est impossible de concevoir un autre. La situation sera toute différente dans le cas d’un enfant adopté par un homme et une femme qui représentent un couple générationnel, même si leur sexualité est inféconde. Ils sont dans l’altérité sexuelle dont l’enfant a besoin pour se développer, de même que la société, afin de durer dans la mixité de l’homme et de la femme, source de vie et d’avenir.

ÉCHANGE DE VUES

Janine Chanteur : Monseigneur, je vous remercie vivement pour cette communication qui éclaire tant de problèmes actuels. J’ai longtemps vécu avec des étudiants et je sais à quel point ils sont de plus en plus perturbés par les questions que vous avez posées devant nous. Et pourtant, je me suis vu refuser en France la publication d’un livre parce que j’y parlais d’homosexualité. C’est au Canada qu’une amie canadienne l’a finalement publié. La liberté de penser et d’écrire est une question qui nous est donc désormais posée. Or, il est dit dans la Bible que la faute des pères retombera sur les enfants.Cela peut s’appliques aux revendications homosexuelles comme à ce qu’on appelle « la libération de la femme » ; laquelle, à mon sens, est complètement ratée. Chacune des deux est contradictoire. On ne peut pas demander à la fois la reconnaissance d’une différence et, en même temps, se déclarer identique. Il y a donc là une incohérence qui doit être assez difficile à vivre.

Pour en revenir à la faute des pères, il me semble que la façon dont les hommes se sont comportés au cours des siècles avec les femmes d’une part, et le traitement qu’ils ont réservé aux personnes homosexuels d’autre part, ont été bien lamentables. Mais la révolte des opprimés, qui en est la conséquence, est devenue insensée. Peut-être fallait-il que la faute des pères retombe en effet sur les enfants, c’est-à-dire que les choses finissent mal : à la place d’un dialogue constructif, certains refusent encore de mettre en question les erreurs passées et les autres ne se contentent plus d’être reconnus, ils revendiquent un égalitarisme destructeur.

Tandis que j’exerçais mon activité de professeur, j’ai également été psychanalyste pendant vingt-cinq ans. Je me suis aperçue que, chez les homosexuels, la souffrance que nous éprouvons tous, plus ou moins consciemment, parce que nous sommes des êtres finis, s’aggrave ; ils ne savent pas qu’ils se situent dans l’humain avec un manque fondamental : la confrontation à l’autre (un homme ne pourra jamais être une femme, une femme ne pourra jamais être un homme). Ceux qui viennent en psychanalyse peuvent arriver à retrouver leur identité sexuelle. Mais ce n’est ni facile, ni certain. Et par malheur, il y a, vous l’avez dit, des psychanalystes qui les confortent dans leur carence en leur disant : « vivez votre homosexualité », barrant ainsi leur liberté. Ce problème de la souffrance des homosexuels devrait être pris en compte, précisément par ceux qui ne le sont pas.

Je n’ai ni solution, ni recette pour remonter vraiment jusqu’à la source de l’homosexualité. La psychanalyse suffit-elle ? Je ne crois pas. Peut-elle suffire à des personnes pour qui l’humain n’a pas créé homme et femme ? Ils sont évidemment nos frères. Nous ne pouvons pas, parce que nous sommes hétérosexuels, les laisser tomber.

Ma question est : y a-t-il, à votre avis, une voie d’approche devant une souffrance différente de celle que nous connaissons tous et pour laquelle il nous faudrait quand même avoir des moyens autres que la pharmacopée ?

La deuxième (mais je vous ai sans doute mal compris) concerne l’adoption. Pour un enfant adopté, l’adoption par un couple véritable, c’est-à-dire un homme et une femme, n’est-elle pas une chance ?

Tony Anatrella : Je souscris bien volontiers à ce que vous venez de développer et notamment à votre conclusion. L’enfant a surtout besoin du couple formé par un homme et une femme pour recevoir des matériaux psychiques et symboliques qui l’aident à se développer.

Vous avez évoqué cette souffrance spécifique des personnes homosexuelles. Là aussi je vous rejoins dans le sens où cette souffrance est l’expression d’une autre organisation de la vie psychique, de la vie affective et sexuelle de ces personnes. Celle-ci s’établit avec une difficulté à l’égard de la différence sexuelle. C’est pourquoi leurs demandes sont souvent contradictoires et ne sont pas dans la logique de ce que représentent le couple, le mariage et la filiation.

Mais dans le contexte actuel, et en dehors des cercles de certains psychanalystes dans lesquels on réfléchit sur ces questions, il est difficile de s’exprimer ainsi socialement. Pourquoi ? L’objection classique se trouve résumée en ces termes : « les homosexuels souffrent à cause de vous, à cause de la société, parce qu’elle ne les reconnaît pas. Acceptez légalement le mariage et l’adoption des enfants par des personnes homosexuelles au même titre que pour un couple formé par un homme et une femme, il n’y aura plus de problèmes. Les jeunes ne se suicideront plus ».

Cette vision simpliste, purement gestionnaire et manquant de finesse dans l’analyse des enjeux, ne rend pas compte du problème. À savoir que lorsqu’un jeune découvre qu’il a cette appétence qu’il n’a pas choisie, au sens rationnel du terme, c’est bien malgré lui, il en souffre. Pourquoi ? Parce qu’il sent qu’il ne peut pas rejoindre l’autre dans sa différence sexuelle. Il se sent coupable, non pas d’une faute morale, mais d’une impuissance psychique à aller jusque-là. S’il pouvait changer, il modifierait bien volontiers sa disposition intime.

Dans le même mouvement, cette posture est le symptôme d’autre chose. Elle renvoie le sujet à son histoire subjective confrontée à la problématique de son identité et de l’élaboration de ses représentations pulsionnelles. C’est-à-dire, à ses premières expériences libidinales qui le conduisent à organiser son lien sexuel en cohérence ou en discontinuité avec son identité sexuelle. Dans mes recherches sur ce sujet, j’ai essayé de décrire le conflit qui peut se mettre en place entre l’identité masculine ou féminine qui est un donné de base que le sujet a à intérioriser et l’orientations sexuelle qui résulte de la transformation des pulsions partielles sous le primat de la génitalité. J’ai évoqué dans ma conférence les différents faisceaux psychiques à l’origine de l’homosexualité. On peut donc comprendre que cette orientation est un choix acquis sur la base d’une problématique libidinale de l’enfance et de l’adolescence. Autrement dit, l’homosexualité est le symptôme d’une problématique interne que certains sujets tentent de faire taire, de masquer ou de déplacer sur un autre terrain que la scène psychique comme pour calmer une souffrance indicible.

Il est possible que la souffrance liée à la découverte de cette tendance puisse se traiter. Mais chez certains patients qui ont fait un travail analytique sur eux-mêmes, cette souffrance demeure sans être prégnante ni inhibante. Dans le contexte actuel, il est difficile de s’interroger sur ce vécu. On cherche à le masquer à travers des revendications politiques ou des pratiques festives. La question est simplement réduite à l’égalité des droits des citoyens devant la loi pour le mariage et l’adoption des enfants. Or si nous sommes tous égaux, cela ne signifie pas que toutes les situations dans lesquelles se trouvent les citoyens sont égales. Il n’y a rien de discriminatoire, pour reprendre ce cliché à la mode qui évite de penser, de rappeler que la différence sexuelle étant l’un des fondements fondateurs de la société, le couple, le mariage, la filiation et l’adoption des enfants ne se définissent que dans une relation partagée par un homme et une femme. Il faut bien un homme et une femme pour concevoir et éduquer un enfant. Laisser se développer la fiction d’un mariage et de l’adoption d’enfants par des personnes de même sexe ne sert ni l’intérêt de la société, ni celui de l’enfant. Cette fiction contribue à brouiller les repères de base de la société.

Mais revenons à l’interrogation suscitée par la découverte d’une tendance homosexuelle. Je reçois en consultations des hommes et des femmes qui me disent : « Je viens vous consulter parce que je me retrouve dans ce que vous écrivez, l’homosexualité est, pour moi, un problème et j’ai envie de m’interroger à ce sujet ». Ils doivent lutter contre le discours social qui nie l’évidence du problème psychique que pose ce type d’orientation.

La psychanalyse, me semble-t-il, a des outils pour travailler cette question aussi bien d’un point de vue anthropologique pour la société que d’un point de vue clinique à partir du vécu du sujet. Mais encore faut-il que le sujet accepte de s’interroger sur lui-même et travaille ce symptôme, voire éventuellement sur ses résistances. Ce dernier point peut être plus délicat parce que ce symptôme peut servir de bouclier protecteur à tout un édifice. Et parfois, toucher à ce symptôme risque de provoquer l’effondrement du reste.

On comprend l’hésitation du praticien. Dans certains cas, il va davantage travailler sur l’angoisse, sur le sentiment de culpabilité et l’image de soi plutôt que de mettre en question une structure qui maintient une certaine unité du sujet. A partir du travail accompli, par exemple, sur l’angoisse, il sera possible d’évaluer les autres opportunités et la façon dont le sujet se réaménage psychologiquement. Il est tout à fait possible que lors d’une psychothérapie ou d’une cure analytique, la problématique à l’origine de l’homosexualité se restructure vers l’hétérosexualité et laisse tomber le symptôme.

La question va aussi se poser : « comment vivre avec ? » La première réponse est de s’assurer de l’estime de soi. Fort de ce besoin, il est important que le sujet puisse s’accepter et s’estimer au lieu de déplacer cette évaluation qui relève de lui-même et de sa façon de se voir à travers le regard d’autrui plutôt que d’entrer dans une escalade de revendication à la reconnaissance en affirmant : « reconnaissez et acceptez notre différence ! ». Alors que l’on sait bien que ces différences, sans porter de jugement qualitatif sur les personnes, représentent une sorte de négation de toutes les différences, à commencer par celle de la différence sexuelle.

Instituer légalement ce type de relation ne va pas favoriser le soulagement de la souffrance. Il s’agit d’un soulagement purement superficiel en déplaçant la problématique psychique sur la scène sociale. Comment ne pas voir que cela peut créer des dommages sur les psychologies individuelles et favoriser des effets collatéraux sur la société, et sur le lien social ?

Je fais l’hypothèse dans mon livre, Le règne de Narcisse, des effets collatéraux provoqués par un changement de paradigme sur le sens du couple, du mariage et de la filiation si l’on s’inspire de l’homosexualité. Notamment, lorsque l’organisation sociale finit par brouiller la filiation en permettant l’adoption entre personnes de même sexe. Nous oublions que l’adoption ne peut pas être à la merci des fantasmes et du principe de plaisir déconnecté de la réalité. L’enfant n’est pas un droit.

Henri Lafont : Je vous remercie de la manière dont vous nous avez aidés à réfléchir. Mais vous avez ouvert une sorte de boîte de Pandore car nombre de questions surgissent après vous avoir entendu.

Normal ou anormal. Vous avez dit : « ce n’est pas un malade mental ». Or, nous venons d’entendre parler de la souffrance presque intolérable de ces personnes, souffrance pour laquelle ils doivent recourir à un psychologue, ou à un médecin voire à un psychiatre.

Il y a cinquante ans, les ouvrages de médecine traitaient l’homosexualité comme une pathologie. Aujourd’hui, on ne le dit plus. Et vous avez admis : « ce n’est pas une maladie mentale ». Il semble cependant que vous ayez tout de même évoqué des faits, des situations qui amènent à considérer que ce sont au moins des malades ; un malade de l’être ou un malade mental, c’est vrai que ce n’est pas pareil, mais il y a tout de même un lien. Cela m’intéresserait que vous développiez, ce lien.

D’autre part, on connaît, j’ai connu des hommes qui ont fondé une famille, ont eu des enfants, et puis qui sont partis, ont quitté épouse et enfants pour vivre avec un autre homme. Alors, cette homosexualité est-elle une tendance qu’ils avaient négligée, qu’ils avaient cherché à vaincre ou est-ce une sorte de passage, comme on connaît des hommes qui ont à la fois une vie homosexuelle et des relations hétérosexuelles ? (Il y a une expression populaire pour parler de cela…). Cette forme clinique, peut-on dire, de l’homosexualité serait intéressante à examiner parce qu’elle pourrait amener à suggérer que l’homosexualité n’est pas un trouble invincible de l’identité puisqu’il est alternatif.

Et puis, comme on l’a souligné, l’activité sexuelle des homosexuels, féminins ou masculins, est inféconde en tant que l’enfant, s’il en est, ne peut être le fruit direct de l’union des partenaires. Mais, cette infécondité des homosexuels n’est pas très différente de celle des couples hétérosexuels qui gèrent leur fécondité comme si la sexualité et la fécondité étaient étrangères l’une à l’autre, dissociées et dépourvues de lien nécessaire. Et le recours de plus en plus fréquent à la procréation médicalement assistée laisse entrevoir qu’un jour on voudra ne plus avoir d’enfant qu’à travers la PMA.

Mais ma question porte surtout sur : pathologie ou non ? et sur ce curieux passage ou alternative homosexuel/hétérosexuel.

Tony Anatrella : La classification des maladies et en particulier des maladies mentales a varié au cours de l’histoire et surtout ces dernières années sous l’influence de courants d’idées venus d’Outre-Atlantique et qui a donné lieu au DMS IV (Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux). Il s’inspire de l’idéologie de la statistique et du comportementalisme plus que de la psychologie dynamique inspirée par la psychanalyse. Grâce à elle nous avions une vision plus profonde des pathologies mentales et des troubles du comportement.

Aujourd’hui nous avons une conception beaucoup plus restrictive fondée sur un chiffrage des comportements et sur la neurobiologie pour classer les pathologies mentales. On ne parle plus de conflits intrapsychiques qui résultent de divers facteurs, mais des grandes affections psychiatriques comme la schizophrénie, la paranoïa, les troubles bipolaires. Il est évident qu’à l’examen clinique et symptomatique, avec l’homosexualité nous ne sommes pas dans ce cas de figure. C’est pourquoi et à juste raison on ne peut pas dire que l’homosexualité est une maladie mentale.

En revanche, en termes de psychologie dynamique, et quand on examine aujourd’hui certains manuels de psychopathologie destinés à la formation des psychopathologues, l’homosexualité reste classée dans les troubles de l’identité sexuelle ! Si vous reprenez le manuel de Bergeret, le plus récent, par rapport au Manuel de Psychiatrie de Paul Bernard avec lequel j’ai commencé à travailler à l’hôpital Sainte-Anne, nous sommes effectivement dans la problématique psychologique de l’identité.

Dans les études que j’ai pu réaliser, je présente l’homosexualité comme la conséquence d’une immaturité foncière de l’organisation sexuelle, ce qui ne retire rien à la valeur des personnes : chacun est libre d’organiser sa vie comme il l’entend. Mais il est devenu politiquement incorrect de formuler les choses ainsi. Pourtant, c’est bien la structure qui semble apparaître à l’examen. Freud dans ses travaux, notamment dans Trois essais sur la théorie de la sexualité, en a décrit certains aspects. Je prolonge tout simplement ses observations cliniques et je les actualise en tenant compte de la clinique contemporaine. Actuellement, on ne veut pas entendre ce point de vue. L’homosexualité ne poserait aucun problème psychique. En revanche, si on reconnaît qu’il existe un problème intrapsychique de l’identité sexuelle cela voudrait dire qu’on l’interprète en termes de maladie et donc de soins, voire de chimiothérapie. Il est évident que ce type d’orientation ne relève pas de ce domaine de soin. Dans cette perspective, puisqu’il n’y a pas de médicaments à prescrire ou de réadaptation sociale à opérer à travers des thérapies comportementalistes, nous ne sommes pas dans l’ordre de la maladie. De ce fait, on s’interdit de penser les problèmes psychiques qui se posent et l’intrapsychique se trouve lui-même liquidé. C’est pourquoi, ceux qui veulent s’interroger sur eux-mêmes et sur leur orientation sexuelle ont parfois du mal à rencontrer des praticiens qui acceptent de les entendre autrement qu’en validant bien superficiellement ce qu’ils vivent. Ils les encouragent à « passer à l’acte ».

Dans ce système divers problèmes psychiques et de comportements sont exclus de tout champ nosographique. On se prive d’outils de réflexion comme ceux de la psychanalyse qui ont largement influencé la psychiatrie. Mais celle-ci a tendance à se définir de plus en plus en termes biologiques. Certes cette dimension a son importance, mais elle reste insuffisante. De ce fait, nous nous empêchons aussi, et plus largement, de comprendre les phénomènes de psychopathologie du quotidien qui enveniment les relations familiales, sociales et professionnelles. A la place on invente de véritables usines à gaz idéologiques à travers le « harcèlement moral », « la discrimination » et la « victimologie » qui masquent de nombreux troubles psychologiques. Il ne s’agit pas de nier de réels abus qui existent par ailleurs, mais de souligner qu’au nom d’un « égalitarisme » inquiétant on cherche à valider tous les comportements sans aucun discernement. Ainsi dans l’entreprise, les cadres se plaignent d’avoir de plus en plus de mal à réguler des comportements qui sont surtout significatifs de problèmes personnels (voire d’une psychopathologie personnelle sans être de la maladie mentale) et qui sont mis sur le compte des autres. La moindre observation à l’égard de ces personnes est de suite interprétée comme du « harcèlement moral », de « l’abus de pouvoir » ou de « l’emprise ». Nous sommes en train de fabriquer une société paranoïaque.

C’est dans ce contexte d’annulation d’une grande partie de la psychopathologie – au sens de conflits internes qui ne sont pas reconnus ni traités – qu’il faut comprendre la déclassification d’un certains nombre de troubles psychiques qui ne représentent pas pour autant des troubles psychiatriques. Si l’homosexualité n’est pas de l’ordre de la pathologie mentale, elle procède néanmoins d’une problématique psychologique particulière. Derrière les plaintes de certaines personnalités homosexuelles, on constate toujours un fond dépressif, c’est-à-dire un manque d’étayage. Et ce manque d’étayage renvoie souvent à des problématiques de la relation primordiale.

Parler de relation primordiale ne veut pas dire que les parents soient systématiquement à l’origine de la tendance l’homosexualité. C’est plus compliqué. Il peut y avoir une interférence entre l’inconscient et l’attitude des parents. Il s’agit d’un effet de structures psychiques et non pas d’une faute. Certains parents se culpabilisent à tort. En revanche, l’orientation sexuelle dépend aussi et surtout de la façon dont le sujet va traiter ou pas les diverses problématiques que j’ai évoquées dans ma conférence. Nous sommes là devant l’autonomie psychique de l’enfant. On le constate déjà chez le nourrisson : dès le départ, il manifeste sa relative autonomie psychique à l’égard de l’adulte, même s’il a besoin de lui pour se nourrir, être protégé et sécurisé. En un sens, il dévore l’adulte pour nourrir sa vie psychique. Il y a un phénomène de cannibalisme au début de la vie qui se manifeste à travers la psychologie orale. L’enfant en a besoin pour s’appuyer sur l’adulte. Parfois, on observe un trouble de l’étayage dans la personnalité homosexuelle qui se manifeste par un besoin de compenser à travers la réassurance avec une personne de même sexe que soi.

Enfin, si personnalités s’inscrivent très clairement dans cette orientation sexuelle, nous rencontrons également des personnalités plus ambivalentes. Notamment des gens qui se marient, qui deviennent pères ou mères de famille tout en étant porteurs au fond d’eux d’autres désirs. Certains n’en sont pas conscients, ils n’en deviennent conscients que sur le tard. D’autres étaient conscients et arrivaient à le contenir pour vivre une vie hétérosexuelle et puis souhaitent vivre une relation homosexuelle. Je reçois des hommes mariés, pères de famille, qui viennent consulter parce qu’ils ont des pratiques homosexuelles auxquelles ils souhaitent mettre un terme. Dans le meilleur des cas, grâce à une psychothérapie, ils parviennent à ne plus passer à l’acte et à rester dans la cohérence du choix de vie qu’ils ont fait. Ils en sont plus heureux et plus libérés intérieurement.

En général, ce sont les pervers qui ne consultent pas et qui instrumentalisent la relation à l’autre. Et comme ils sont dans l’instrumentalisation de la relation à l’autre, ils ne s’interrogent pas sur eux, ils ne se remettent pas en question. Il y a ainsi des homosexuels pervers comme il y en a qui ne le sont pas et qui vont chercher à s’interroger sur eux-mêmes.

Il y a également le cas de personnes qui se sont mariées et qui, vers 30-35-40 ans, découvrent qu’elles sont des attirances parfois irrésistibles à l’égard de personnes de même sexe (des hommes et des femmes). Le latent devient conscient. Ce phénomène est souvent précédé par une dépression de laquelle la personnalité de certains va relativement se dégager en se réélaborant psychologiquement dans l’homosexualité. Ainsi, une femme a quitté son mari et ses enfants pour aller vivre avec sa kinésithérapeute qui s’occupait d’elle alors qu’elle était dépressive.

Lors de la publication de mon livre Le règne de Narcisse, j’ai participé à une émission sur Europe 1 en début d’après midi. Le standard a été fortement sollicité. De nombreuses questions ont été formulées et des controverses se sont exprimées. La journaliste a aussi sollicité des témoignages en demandant que des adultes ayant vécu leur enfance avec des personnes homosexuelles puissent nous dire ce qu’ils en pensent. Une femme de 70ans a téléphoné de Belgique. Elle nous a fait le récit suivant (je cite de mémoire) : « Ma mère a quitté mon père pour vivre son homosexualité avec une femme. J’ai très mal vécu cette situation. J’ai raté quatre mariages. Et sur toutes les photos qui me restent de ma mère, j’ai découpé avec une paire de ciseaux tous les visages de sa compagne que je ne supportais pas. Je regrettais la présence de mon père, d’un homme. Je n’ai jamais vécu au sein d’un couple formé par un homme et une femme. Je ne sais pas ce que c’est qu’un couple homme-femme. J’ai élevé ma propre fille comme j’ai pu. Je n’ai pas de références, je suis privée de l’image de voir un homme et une femme s’aimer et vivre au quotidien auprès d’un enfant. » Cette situation illustre bien les enjeux que j’ai soulignés.

J’ai élargi ma réponse à votre question en partant de la problématique de la maladie mentale pour souligner les modifications du classement des affections pour en venir à la reconnaissance d’un trouble de l’identité et aux changements qui peuvent intervenir dans la personnalité et les questions qui ne manquent pas de se poser aux enfants. Autant de questions qui sont négligées dans les revendications actuelles. Au lieu de laisser entendre que toutes les pratiques sont possibles, il serait souhaitable d’avoir le courage de dire : cette situation pose un problème qui mérite réflexion.

Jacques Hindermeyer : Est-ce que vous avez une idée – on n’en parle jamais dans la presse – du nombre d’homosexuels dans notre pays, ou tout au moins une proportion ?

Vous avez parlé de maladie : on ne la soigne pas. Je vais vous raconté ce que j’ai vécu. Un de mes malades gravement handicapé de naissance m’a dit un jour : « Est-ce que vous pourriez me conseiller parce que j’ai l’impression que j’ai des tendances homosexuelles. » Je n’ai pas de compétence en la matière, je l’ai adressée à un confrère qualifié. Et cette personne, quelques mois après, est revenu me remercier en disant : « On m’a fait des dosages, on m’a fait un traitement hormonal et je suis guéri, de ces tendances tout au moins ». Il faudrait revenir sur la question des chiffres.

Tony Anatrella : Il serait important de connaître le diagnostic sur la situation de ce patient pour savoir le traitement qui lui a été donné. Nous savons depuis longtemps que l’homosexualité ne se traite pas à l’aide d’hormones. Les américains au siècle dernier avaient tenté de le faire sans succès. Certains ont voulu voir une cause hormonale, d’autres liée à la taille de l’hypophyse et à présent, pour d’autres encore, elle serait en rapport avec un gène…

Père Gérard Guitton : Ma question voudrait faire apparaître un point d’histoire. Je ne suis pas historien. Mais il me semble, si l’on se réfère à la littérature d’il y a cent ou cinquante ans, à certains romans qui pouvaient décrire des situations réelles, je pense, que les homosexuels voulaient rechercher une différence. C’était souvent une différence d’âge : un homme de quarante ans avec un jeune de vingt ans ; une différence par la culture : quelqu’un qui était très cultivé avec quelqu’un qui l’était moins ; différence même par l’origine géographique… C’était une différence un peu artificielle sans doute, mais qui recherchait tout de même une différence dans l’identification interpersonnelle.

Alors qu’aujourd’hui, quand on lit la presse, les revendications, etc. j’ai l’impression qu’il y a beaucoup plus de relations du même au même, en fait très narcissique. Le garçon qui est étudiant vivra avec le copain qui est dans le même cours que lui etc.

Donc, il n’y a plus cette recherche de différence. Est-ce que ce n’est pas une nouvelle fois une dérive supplémentaire de la relation homosexuelle qu’on voit de plus en plus depuis vingt ou trente ans ? J’aimerais avoir votre point de vue sur ce point. Je vous remercie.

Annick Doulcet : Je vous trouve très sombre et je me dis que nous sommes en pleine décadence. On le voit bien avec l’évolution de la législation sur le mariage, la famille …

Est-ce que cette banalisation de l’homosexualité ne va pas entraîner sa multiplication ? Autrefois certains avaient des tendances homosexuelles, mais ne s’affichaient pas.

Et, toujours dans une perspective d’avenir, est-ce que l’on peut guérir de l’homosexualité ? Que dire des associations qui se créent un peu partout en ce moment sur ce sujet ?

Puis, quel est le devenir de ces enfants qui sont élevés dans ces structures qui ne sont pas normales ? Vous avez parlé de cette personne de 70 ans, c’est un cas un peu particulier. Mais si cela se multiplie, est-ce que ces enfants vont reproduire les schémas qu’ils ont autour d’eux ?

Tony Anatrella : Les chiffres sont surestimés. La dernière enquête relativement fiable qui a été faite il y a quelques années – l’enquête du Professeur Spira – montrait qu’il y avait 2 à 3% de personnes qui avaient eu au moins une fois une expérience homosexuelle dans leur vie. Si l’on retire de ces chiffres : les essais et les erreurs de la période juvénile, ceux qui ont vécu provisoirement sur ce mode et ceux qui contiennent la tendance tout en se mariant, les pourcentages de ceux qui s’inscrivent exclusivement dans cette orientation représentent un faible pourcentage. La dernière enquête de l’INSEE indique qu’il y a en France : 33 000 unions de personnes d’un même sexe. Cela concerne 60 000 personnes.

On peut donc faire l’hypothèse que la population vraiment concernée par l’homosexualité reste minime. Les chiffres que l’on nous présente, sont des chiffres militants qui ne reflètent pas la réalité. Il s’agit d’un phénomène qui se veut dominant sans être majoritaire, ce qui n’est pas la même chose. Le rôle des minorités actives est aujourd’hui prépondérant. Nous avons l’impression d’être en présence d’un fait massif alors qu’il reste très marginal. Le discours social et notamment l’importance des fictions, des débats et de l’actualité où se trouve largement évoquée l’homosexualité et mis en scène par la télévision, donne l’impression d’un mouvement majoritaire. Les choses ne sont pas aussi simples. En revanche, les idées ainsi véhiculées jouent un rôle considérable sur les représentations sociales. Elles sont soutenues par des institutions comme la télévision qui joue un rôle de magistère. Celui qui a le pouvoir de l’image a le pouvoir sur les esprits. N’oublions pas qu’il existe souvent un décalage entre l’image sociale et le comportement individuel. Ce que nous voyons et ce que nous fait penser la télévision ne représente pas ce qui est vécu en réalité. Il faut donc être effectivement prudent sur l’ampleur du phénomène.

Vous revenez sur le fait de savoir si l’homosexualité peut se soigner, je déplace la question et je répète que, dans bien des cas, cette économie affectivo-sexuelle peut se modifier. Les sujets y parviennent par eux-mêmes ou en se faisant aider grâce à une psychothérapie. Tout dépend aussi de la nature de le structure de l’homosexualité puisqu’il existe différentes formes d’homosexualités. Les exemples de réaménagements ne manquent pas. Mais ils sont mal tolérés dans le discours social actuel. On accepte volontiers qu’un homosexuel devienne un hétérosexuel, mais qu’un hétérosexuel devienne un homosexuel, c’est impossible ! C’est une hérésie !

Nous sommes dans une mentalité qui sépare la sexualité de la procréation. Le fait que la sexualité soit ou devienne inféconde prépare l’idée d’une conception technique de l’enfant, voire de son adoption. En effet, la sexualité inféconde est aujourd’hui valorisée à travers la contraception et la mentalité abortive mais aussi parce qu’elle rencontre l’infécondité des hétérosexuels. Celle-ci risque de devenir un fait objectif quand on sait que l’homme a perdu 50% de son pouvoir fécondant à cause du mode de vie contemporain. Le professeur Atlan nous promet, d’ici quelques années, la machine à fabriquer les bébés ! Il affirme que dans cinquante ou cent ans nous serons capables de fabriquer des bébés à l’extérieur du sein maternel. Les revendications pour obtenir des enfants autrement que grâce à la rencontre sexuelle entre un homme et une femme, laissent aussi supposer qu’ils peuvent être exigés dans n’importe quelles conditions et notamment en dehors de la différence sexuelle et de l’histoire relationnelle entre un homme et une femme. L’enfant serait ainsi à la libre disposition de chacun. L’intérêt de l’enfant a-t-il encore un sens dans un tel système ?

L’homosexualité peut-elle influencer des jeunes ? Nous sommes en présence d’un discours social qui est porteur en faveur de l’homosexualité et qui peut fragiliser des personnalités qui ne se sont pas encore complètement organisées dans leur économie sexuelle. Autrefois des personnalités pouvaient contenir leur homosexualité sans la faire apparaître, alors qu’aujourd’hui le discours social, le cadre porteur de la société fragilise ces personnalités au point qu’elles se disent : « plus rien ne me retient ». Certes, les personnalités pouvaient parfois en souffrir, mais elles vivaient de nombreuses gratifications qui permettaient de compenser largement. Aujourd’hui, nous sommes en présence de personnalités qui sont dans un flou psychologique, à fleur de peau et peu structurées. L’idée que l’homosexualité peut se réaliser plutôt que s’interroger sur soi va avoir des conséquences sur les plus jeunes et entraîner d’autres souffrances.

Je le constate dans mes consultations. Il y a des jeunes de 20-30 ans qui s’interrogent sur leur identité sexuelle et qui se disent : « peut-être faut-il que j’ai des expériences homosexuelles pour savoir si je le suis ». Ce n’est pas l’expérience qui va les aider à discerner leur orientation intime mais la réflexion sur eux-mêmes. Certains viennent en disant : « je me pose des questions » et, à l’examen clinique, on constate qu’ils n’ont pas du tout envie de construire leur vie autour de l’homosexualité. Il s’agit davantage d’un problème de représentation de leur sexualité que d’un désir réel. Mais comme la société valorise cette représentation, la problématique psychique est complètement faussée pour être traitée sur son véritable terrain. Ils se disent : « peut-être que je le suis sans le savoir ». Ou certains rencontrant quelques échecs amoureux avec une femme, ou une femme avec un homme, se disent : « si je ne réussis pas avec une personne de l’autre sexe, c’est peut-être que je suis homosexuel ». Il est étrange de s’interroger de cette façon alors qu’il serait souhaitable de comprendre à quoi correspondent des échecs sentimentaux avec des personnes de l’autre sexe. Sans doute parce que le paradigme est passé dans le discours social. C’est comme si l’homosexualité devenait un critère d’évaluation et que l’on devait davantage se définir par rapport à cette orientation que par rapport à l’hétérosexualité.

L’homosexualité est même devenue un critère d’évaluation de la politique, puisque, pour une part, les élections vont se baser sur cette référence.

Enfin, en ce qui concerne des déplacements historiques, vous disiez : « autrefois les homosexuels recherchaient des différences », même si ces différences posaient problème. Aujourd’hui, nous sommes dans un autre dilemme comme on l’observe lors de la Gay Pride. Certains homosexuels qui sont associés à un partenaire s’identifient l’un à l’autre comme dans la psychologie des jumeaux. Ils se ressemblent physiquement, ils ont la même coupe de cheveux, ils s’habillent de la même façon. Nous sommes bien dans un phénomène de « jumellité » c’est-à-dire de fascination dans le miroir de l’autre. Ce qui est également un trait de l’époque contemporaine, très narcissique.

Vous me posiez également la question sur le devenir de ces enfants ?

Nous pouvons faire l’hypothèse qu’un des problèmes qui peut se poser est celui de la continuité entre sexualité et procréation. C’est-à-dire : « Comment on fait les enfants ? D’où je viens ? À partir de qui ? » Et comme la réponse sera en discontinuité avec la sexualité humaine, ne va-t-on pas produire à la fois des pathologies identitaires et des pathologies à caractère psychotique ?

Soyons clairs. Cela ne veut pas dire que nous aurons affaire à des psychotiques. Mais nous serons peut être en présence de personnalités à caractère psychotique qui auront du mal à développer une relation au réel. C’est-à-dire qu’elles approcheront davantage le réel à partir de leur imaginaire que de rendre compte du réel pour lui-même. En étant plus ou moins inadaptés à la réalité, elles en souffriront parce que cette réalité ne sera pas dans la droite ligne de leur imaginaire. Elles peuvent éventuellement développer cette vision des choses là où elles ont vécu avec des adultes qui, finalement, vivent leur sexualité uniquement à travers des scénarios imaginaires qui ne tiennent pas compte du réel ; à savoir qu’il y a des hommes et des femmes et que l’enfant procède d’un homme et d’une femme.

Autrement dit, quand on n’a pas le sens de la vérité de la différence sexuelle, comment peut-on avoir le sens des autres vérités de la réalité ? Ou encore, c’est comme si l’imaginaire avait plus d’importance que le réel. Comment ne pas voir que l’on scinde ainsi la psychologie. Il est vrai que le terrain est déjà préparé pour que cela soit possible. Notamment à travers les jeux vidéos, les jeux de rôle où des adolescents s’enfermant dans le virtuel souffrent dans la relation qu’ils développent au réel.

D’autre part, ces enfants n’auront pas fait l’expérience intime d’un couple formé par un homme et une femme. Ne risquent-ils de reproduire le même modèle ? Une enquête réalisée aux États-Unis, présentée sur la chaîne de télévision Arte au printemps 2005 – c’est rare que Arte ait le courage et l’objectivité sur ces questions – indiquait que 40% des enfants élevés dans ce contexte-là pouvaient devenir homosexuels. Des jeunes de 25/30 ans interrogés pour l’émission le reconnaissaient en affirmant : « comment voulez-vous que nous fassions autrement ? Nous avons toujours vécu dans ce climat avec des adultes. Pour nous, vivre notre « amour », c’est le vivre de la même façon que les adultes avec lesquels nous avons vécu. » Autrement dit, ils ne font qu’exprimer combien les jeunes se développent en s’identifiant aux adultes qui s’occupent d’eux.

Si on laissait un enfant seul sans interactions humaines pour se développer, il ne pourrait pas vivre et s’accomplir à la différence de l’animal. Nous sommes le fruit de nombreux acquis en particulier grâce au processus de l’identification. Par conséquent l’enfant devient, pour une part, à l’image de la nourriture psychique qu’il a reçue. Bien entendu un enfant vivant dans un contexte homosexuel pourra développer d’autres images et d’autres exigences, comme l’aspiration à la différence sexuelle, mais elle sera plus difficile à vivre et à réaliser dans une situation aussi incohérente. Elle provoquera surtout de nombreux effets collatéraux néfastes pour les sujets et la société. Pourquoi faire aussi compliqué quand on peut faire simple dans la logique des besoins de l’enfant ?

C’est pourquoi, comme je l’évoquais, je pense que la société gagnerait à réfléchir à ces questions de façon structurelle et pas uniquement de façon sentimentale et compassionnelle. La plupart des responsables politiques n’ont pas le recul ni les instruments conceptuels pour penser ces revendications au nom de l’homosexualité. Les uns veulent régler le problème en aplatissant toutes les structures en jeux en favorisant le mariage et l’adoption des enfants. Les autres disent « non » au mariage et à l’adoption mais se proposent d’élargir le Pacs en lui donnant les mêmes droits que ceux du mariage. Ce qui revient au même et participe à la confusion générale. Ces projets sont affirmés au nom de montages intellectuels douteux : « l’égalité de tous au nom de l’amour ». En est-on sûrs et sur quoi repose ce semblant de générosité qui ne sait plus faire les distinctions les plus élémentaires ? Est-il nécessaire d’inscrire la confusion sexuelle dans la loi ? Le droit dépend t-il des sentiments particuliers ? Le législateur doit-il organiser les différentes formes d’attachements des citoyens au nom des seuls sentiments ? Des tendances sexuelles partielles sont-elles fondatrices du lien social ? Cela ne traduit-il pas une insécurité générale pour que l’espace de liberté se réduise en demandant à l’État de gouverner la sexualité des citoyens en dehors de ce qui est nécessaire à la société ? La société a surtout besoin pour se renouveler de la relation de couple formée par un homme et une femme et qui ouvre à la procréation et à la famille éducative. Le reste est du domaine privé et n’a pas à être organisé socialement. En parlant dans mon livre du règne de Narcisse, je voulais souligner l’importance du triomphe de la perversion, notamment qui instrumentalise et détourne le sens du mariage et de la filiation, lorsque l’on s’imagine que l’on peut se libérer des lois de l’espèce humaine. Le législateur se rend t-il compte qu’il fabrique des lois pathogènes sur le couple et la famille ? Nous sommes dans un monde qui transgresse les limites dans lesquelles l’humain se structure et se civilise. On s’étonne par la suite que dans cette perte des repères de la société, la dépression et le mal-être individuel gagnent du terrain. L’individualisme contemporain dans lequel le sujet se prend pour l’objet et la fin de tout au mépris des lois psychiques inhérentes au développement humain, nous prépare à divers dérèglements comme en témoigne la violence chez des jeunes et de nombreux faits divers où toutes les limites sont franchies. Jouer avec les structures fondatrices de la vie humaine, mène à la déstabilisation des personnes et à la fragilisation du lien social. Que nous ayons le souci des personnes, des cas particuliers, bien sûr, mais encore faut-il savoir où se définit la norme, c’est-à-dire à partir de quelle réalité la société s’organise, aussi bien pour le couple que pour les enfants ? Or la société pour son avenir et pour l’intérêt de l’enfant ne peut être qu’hétérosexuelle. Fabriquer un double système de normes contradictoires prépare les problèmes sociaux de demain.

Séance du 8 février 2007