Par Mgr Emmanuel Lafont, évêque de Cayenne

En introduction, il nous faudra souligner la réalité complexe de la pauvreté, à la fois socio-économique, carence grave des biens matériels et sociaux, réalité relative qui n’a pas le même sens sous les différentes latitudes, cumul de précarités qui conduit à une altération grave des liens sociaux et donc à un processus d’exclusion.
La pauvreté dans la Bible regardée dans l’histoire
1. Dieu s’est révélé à Moïse comme celui qui écoute le cri des esclaves et descend pour les libérer. Dieu veut être adoré par des gens qui sont libres. (Exode 3)
2. La période des juges suivra, avec l’utopie d’une société égalitaire où les biens sont – ou devraient être – pour tous. (Josué 24, Deutéronome 15, Lévitique 25)
3. La création du Royaume de David entrainera des disparités sociales (1 Samuel 8) contre lesquelles s’élèveront les prophètes, au nom d’un Dieu qui a toujours le souci des pauvres (Elie, cf. 1 Rois 21 ; Amos 4,1-3 ; Isaïe 1, 10-20).
L’expérience de l’Exil montrera que le salut vient pour celui qui, au milieu d’un monde marqué par l’injustice et le péché, cherche la pauvreté du cœur, l’humilité et la sagesse (cf. Psaume 73).
Jésus viendra proclamer la Bonne Nouvelle qui est d’abord un cri d’espérance pour les pauvres, les malades, les prisonniers, les femmes et les enfants (Luc 4,18-20 ; 6,20-24 ; cf. le Magnificat de Marie 1,46-55) ; pour lui, le Royaume de Dieu advient lorsque les gens sont guéris, pardonnés, restaurés dans leur dignité et sa prédication aura une dimension économique essentielle : le vrai disciple ne peut qu’avoir un cœur de pauvre et une grande solidarité avec les pauvres. L’argent est un bon serviteur mais un mauvais maître (Luc 16,9-13).
L’Église des premiers chrétiens souligne bien que la Bonne nouvelle, qui est pour tous, est joie et espérance pour les exclus et les pauvres, exigence pour les autres de se mettre à leur service cf. Luc 19,1-10 ; Actes 2,42-47 ; 4,32-36).
Une Église dont les pauvres se sentent exclus n’est pas l’Église du Christ
Tous sont appelés. Vivre l’Évangile consiste à « ne plus considérer comme sien ce qui nous appartient » (Actes 4, 32) mais à le mettre au service de tous.
En se mettant à l’écoute des pauvres : qu’ils nous parlent ! En vivant dans une plus grande proximité avec eux. En regardant le monde par en bas (cf. St Louis ; Dietrich Bonhoeffer). En vivant une solidarité qui n’est pas sans tensions. En reprenant tout cela dans la prière, avec la lumière de la Parole de Dieu.