Par Bertrand Macabéo, Administrateur Directeur Général de Kompass International

Jean Gandois constatait, il y a 15 ans : « La famille éclate, les villages disparaissent (désertification rurale) et avec eux leurs clochers ; Dans ce contexte, l’Entreprise doit accepter de jouer le rôle de catalyseur social ».
Dans le paysage économique marqué par 2 crises majeures sur les 10 dernières années, est-il encore souhaitable et possible de demander à l’entreprise d’assumer cette mission ?
• Si l’on considère que Famille et Entreprise sont les 2 piliers de la société civile, il convient absolument de les protéger, de favoriser leur(s) épanouissement(s) et leur(s) équilibre(s).
• Les Jeunes ont des aspirations familiales et professionnelles différentes des générations passées. Les Dirigeants se doivent d’écouter leurs messages pour mieux les accueillir et assurer la pérennité de leurs entreprises.
La responsabilité sociale de l’entreprise est au cœur de ce débat ; Elle procède de la capacité du Dirigeant à répondre aux attentes légitimes des actionnaires, à celles de ses collaborateurs qui ont leurs contraintes personnelles et familiales, en veillant à être juste avec chacun ; Nous étudierons les pistes qui s’offrent à lui.
Comment assumer pleinement ses fonctions de Dirigeant et maintenir une vie familiale équilibrée ? Autre dilemme du dirigeant auquel nous essaierons de répondre.

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Bernard Lacan : Bertrand Macabeo, nous sommes très heureux de vous recevoir aujourd’hui dans notre cycle de réflexion sur « la famille, un atout pour la société ».

Vous êtes triplement qualifié pour alimenter notre réflexion sur les rapports de l’entreprise avec la famille :

Tout d’abord, vous êtes père d’une belle famille. Une famille de 4 garçons, dont l’aîné a dépassé la trentaine, (ce que j’ai d’ailleurs du vous faire répéter, car vous cachez bien vos presque 56 ans).

Ensuite, vous êtes le brillant patron d’une grande entreprise au cœur de la modernité,

Enfin, vous exercez au niveau national des responsabilités importantes dans le mouvement des Entrepreneurs et dirigeants chrétiens, dont vous dirigez en particulier la très intéressante revue bimestrielle.

Traçons rapidement les étapes qui ont constitué cette triple légitimité :
Né à Talence en 1956, vous êtes diplômé de l’Ecole Supérieure libre des sciences commerciales appliquée (option contrôle de gestion), puis du diplôme d’Etudes comptables supérieures.

Vous débutez votre carrière au contrôle de gestion chez Thomson CGR, puis vous devenez Directeur Général de la filiale au Brésil avant de regagner la mère patrie comme Directeur de succursale région Ouest, puis Conseiller du Vice-président finances Europe de Général Electric CGR.

En 1992, vous changez de corporation pour devenir Directeur Général de Kompass. Vous êtes aujourd’hui Administrateur Directeur Général de Kompass International et Président des 7 filiales du Groupe. Témoignage de la confiance que vous inspirez, vos pairs vous ont porté à la Présidence du syndicat des annuaires de France. Dans le même temps, vous devenez un membre très actif et éminent du Medef d’abord et du Patronat chrétien.

La lecture de la rubrique du Who’s Who vous concernant, permet de constater qu’assumer vos responsabilités professionnelles et familiales ne vous empêche pas de lire, de jardiner, de pratiquer le tennis, le ski, la chasse, le golf, la voile et le marathon. Nous avons vraiment de la chance d’avoir trouvé un créneau dans l’emploi de votre temps.

Mais m’attachant à lire jusqu’au bout cette longue et élogieuse rubrique j’ai été perplexe d’apprendre que vous portez un intérêt particulier aux collections de chapeaux. ! Vous nous éclairerez peur être sur cet aspect insolite de votre vie.

Revenant au cœur de notre sujet de ce soir, quelles sont les relations des 2 piliers de notre société : la famille et l’entreprise ?
Les épanouissements de l’un et de l’autre sont-ils contradictoires. Chacun ne peut-il se développer qu’au détriment de l’autre ?

N’y a-t-il entre entreprise et famille qu’une cohabitation « alimentaire » subie, pesante, méfiante, voire tumultueuse ou jalouse ?

Le développement de l’entreprise ne peut-il se faire qu’en entamant chaque jour davantage la sphère d’épanouissement de l’homme et de la famille. Inversement la réalisation du bonheur familial doit-elle sous- entendre que chacun de ses membres ne peut apporter à l’entreprise qu’une contribution distanciée, restreinte, en deçà de son potentiel d’implication et de compétence ?

La famille et l’entreprise peuvent-elles trouver des espaces mutuellement bénéfiques d’harmonie et d’efficacité conjointe. Au prix de quelle démarche ?

Quelle est en particulier la marge d’action du chef d’entreprise ?

Lors de la rencontre que J-P Guitton et moi avons eue avec vous, vous aviez évoqué avec beaucoup de simplicité les réponses concrètes que vous apportez à ces questions dans la vie de tous les jours à la tête de votre entreprise. Je vous avais senti guidé par une attitude d’écoute véritable des hommes et femmes dont vous avez la responsabilité et par une recherche de justice tout à fait compatible avec l’efficacité. Vous nous aviez également dit les réflexions que vous conduisez avec les dirigeants chrétiens sur le bien commun.

Autant dire que nous avons été bien inspirés sur le conseil de Jean-Luc Bour de vous prier d’intervenir pour nous dire pourquoi et comment l’entreprise et les familles peuvent dépasser le stade du « Je t’aime, moi non plus ».

Bertrand Macabéo : Permettez-moi, tout d’abord, de vous féliciter pour le choix du cycle 2011-2012 de votre Académie « La famille, un atout pour la société », car comme nous le disait Hervé Mariton au mois de Décembre, « il n’y a hélas plus beaucoup de légitimité à parler de la famille ;
Il est urgent de lui redonner une définition juridique, convaincu qu’il n’y a pas de fatalité, mais que c’est à nous de prendre la main ! »

Je commencerai donc mon propos par une question simple : Nous… c’est qui ?

Est-ce l’État ? Nous y reviendrons plus tard mais, à mon sens, il s’agit au 1er chef de chacun d’entre nous dans notre sphère privée (familiale, amicale…) et dans notre vie professionnelle ; Souvenons nous de cette phrase de John Kennedy : « Ne demande pas ce que ton Pays peut faire pour toi mais demande toi ce que tu peux faire pour ton Pays ».
Nous pouvons saluer fort heureusement le rôle de nombre d’associations d’entreprises – Entreprise et Progrès -, l’OCHRES – Observatoire chrétien de l’entreprise et de la Société -, une académie comme la vôtre, et bien d’autres Universités, Écoles…

Vous ne m’en voudrez pas d’évoquer les EDC –Entrepreneurs et Dirigeants Chrétiens – dont je suis membre actif depuis 20 ans, et dont l’une des vocations est d’aider ses 2000 membres à sortir de « sa solitude de Patron », à réfléchir en équipe à « Comment concilier sa vie de Dirigeant et sa vie de Famille ? », à chercher à porter un regard bienveillant sur ses collaborateurs en tentant de reconnaitre la présence du Christ dans le visage de l’Autre.

Mais vous m’avez demandé de parler de mes convictions profondes, de mon expérience de chef d’entreprise ; je vais tenter de me livrer à l’exercice en sollicitant par avance votre indulgence car à mon sens il n’y a pas Une vérité mais autant de vérités que de situations d’entreprises, de familles et d’hommes ;

Ma première conviction est que Famille et Entreprise sont les 2 socles fondamentaux de la société civile :

La famille car, très concrètement, ce sont encore les couples mariés qui créent en majorité la famille en donnant naissance à des enfants, leur apportant un cadre d’éducation scolaire, sociale, (voire culturelle et artistique s’ils en ont les moyens) en cherchant à les préparer à leur vie d’adultes de demain.

J’ajouterais que ce sont les familles qui, en se multipliant, assurent la pérennité d’une nation, qui doit porter la même attention aux jeunes, aux aînés ainsi qu’aux étrangers en situation régulière.

L’Entreprise car ce sont nos entreprises qui produisent 98% de la richesse nationale, et ce avec tout le respect que j’ai pour la fonction publique.

A ce propos, je voudrais positionner le contexte : Savez-vous que 98% des entreprises en France sont des PME de moins de 100 salariés (95% comptant moins de 200 salariés) ?

Alors me vient l’envie de pousser un coup de gueule !

J’en ai assez de lire dans la presse les histoires de Patrons Voyous, de dirigeants avec des salaires indécents !

Certes il en existe et il faut les combattre, mais pourquoi ne parler que de quelques « énergumènes » alors que 6 millions d’entrepreneurs honnêtes se lèvent chaque matin avec pour préoccupation de développer leurs entreprises, les sauver parfois, protéger leurs emplois et ce au prix d’énormes sacrifices personnels financiers et familiaux ; Sachez que la moyenne de rémunération de ces « patrons » est de 5500€ par mois, et soyez convaincus que, pour la grande majorité d’entre eux, devoir licencier est une rude épreuve.

Je vous propose donc d’aborder notre Thème « Entreprise et Famille » sous 4 angles :

- Qu’est ce que la Famille ?

- Qu’attendent nos Jeunes ?

- Quelle est, ou doit être, la Vocation de l’entreprise aujourd’hui ?

- Comment concilier vie familiale et vie professionnelle des collaborateurs, et comment le Dirigeant doit répondre personnellement à ce dilemme.

I – La famille :

Le Larousse (1 volume) nous répond : « Ensemble constitué par le père, la mère et leurs enfants, le chef de famille étant celui ou celle auquel incombent la responsabilité et l’entretien des enfants mineurs ».
Définition un peu sèche et hélas peu d’actualité lorsque nous savons que 50% des couples parisiens divorcent (33% en France) et que 25% des enfants (soit plus de 2,5 millions) vivent en situation monoparentale.

Intéressant en revanche de constater que cette définition parle d’enfants mineurs car, dans le contexte économique difficile que nous vivons, nous savons que nombre d’enfants majeurs vivent encore chez leurs parents.

Au-delà de ces contradictions entre la définition du dictionnaire et la vie réelle, les maîtres mots pour réussir une famille sont : amour, bienveillance, écoute, attention à l’autre et ses difficultés, communication entre parents et avec les enfants.

En cela, la famille doit être le lieu d’apprentissage du Bonheur, de l’ouverture aux Autres.

II – Que ressentent nos Jeunes et qu’attendent-ils de demain ?

Reconnaissons tout d’abord que nos jeunes vivent dans un monde beaucoup plus compliqué que celui que nous avons connu à leur âge du fait de la mondialisation, du contexte économique, du chômage, de la mixité culturelle et de la surinformation dont ils sont abreuvés par le biais d’Internet et des réseaux sociaux .

Samuel Rouvillois – Prêtre sociologue – nous dit : « Les jeunes sont des désespérés ouverts alors que nous sommes des optimistes frustrés ».
Sur le plan familial, nul doute que nombre d’entre eux craignent de s’engager dans le mariage de peur de faire partie des 50% d’échecs.

Notons également que la vie sexuelle précoce qu’ils connaissent peut provoquer des ruptures et des blessures affectives graves.

N’oublions pas non plus qu’il est actuellement impossible à un jeune parisien d’accéder à la propriété d’un studio et à plus forte raison d’un 2 pièces s’il n’est pas aidé par son entourage familial.

Sur le plan professionnel, très nombreux sont ceux qui craignent de s’engager dans la vie active d’une part parce que les places sont chères -le chômage des jeunes ne cesse de croître- et d’autre part de peur de connaître le chômage que, pour nombre d’entre eux, leurs Pères ont expérimenté.

Dans le cadre de la préparation des Assises 2012 des EDC qui se tiendront à Lyon le mois prochain, notre Président m’a demandé de créer et animer un Groupe de travail chargé de définir le Thème de ce grand rendez-vous biannuel – thème qui sera « Entreprendre en Espérance ».

Conscient de la nécessité pour les entreprises de mieux accueillir les Jeunes pour mieux assurer leur propre pérennité, j’ai souhaité lancer une enquête auprès d’étudiants en universités, écoles de commerce et ingénieurs, BTS… Des 1200 réponses reçues, il ressort que cette génération (moyenne d’âge 23 ans) considère que les 2 crises financières récentes ont généré un très fort sentiment de défiance vis-à-vis du monde de l’entreprise et ont révélé une véritable crise sociale, sociétale et culturelle mondiale.

Ils regrettent que les collaborateurs ne soient qu’une variable d’ajustement pouvant être sanctionnée en cas de délocalisation de l’entreprise ou de demande de l’actionnaire.

Il s’agit donc pour eux de remettre l’Homme au centre des préoccupations, l’homme salarié et également l’homme de la société civile car nous disent-ils « L’entreprise devrait aussi s’engager dans des actions ciblées de responsabilité sociale ».

Ces jeunes futurs diplômés nous confient par ailleurs que si l’ambiance de travail et la rémunération sont des attentes essentielles, ils souhaitent accorder à leur vie professionnelle une place équivalente mais pas supérieure à celle réservée à la vie privée, à la famille, aux loisirs… Profond changement par rapport à notre génération pour qui la réussite professionnelle était un objectif majeur au prix de biens des efforts !

Enfin, ils attendent du Dirigeant qu’il réponde à ces défis en étant l’homme porteur de sens et de nouveaux repères.

En ce sens, ils donnent raison à Jean Gandois -ex Président du CNPF – qui nous disait, il y a 15 ans : « La famille éclate, les villages disparaissent et avec eux leurs clochers ; l’Entreprise doit donc accepter de jouer le rôle de catalyseur social ».

III – Venons-en à l’Entreprise :

Je ne vous rappellerai pas que l’entreprise est une communauté d’hommes et de femmes unis autour d’un même projet communément appelé « le projet d’entreprise » ; Ce projet, porté par le Dirigeant définira les produits que l’entreprise souhaite lancer sur le marché au service de ses clients ; Il intègrera les effectifs nécessaires et les compétences utiles à sa bonne fin.

Ce projet sera bien sur valorisé par un « business plan » chiffré qui devra être avalisé par ses actionnaires.

Tout ceci est très simple et se trouve dans tous les manuels de management ; les choses se compliquent à 2 niveaux :

– d’une part lorsqu’il s’agit de mettre en musique cette stratégie.
Je n’évoquerai pas la concurrence qui, à mon sens, est une donnée saine dans une économie libérale à condition qu’elle se joue à armes égales… ce qui n’est pas toujours le cas avec certains pays comme la Chine.

Je ne reviendrai pas sur la difficulté à trouver des capitaux, problème sur lequel l’Etat s’est penché en prenant des décisions utiles : loi TEPA, nouvelle mission confiée à Oséo ces derniers jours par le Gouvernement.

Nous resterons centrés sur les Hommes de l’Entreprise :

Un des rôles essentiels du Dirigeant sera d’expliquer le projet à ses équipes, fixant le cap à atteindre et demandant à l’encadrement intermédiaire et aux collaborateurs leur contribution et suggestions sur le ou les meilleurs chemins à emprunter.

Cette Participation des Collaborateurs au projet d’entreprise est une donnée essentielle pour rendre chaque salarié Acteur et coresponsable de sa réussite.

Il devra également les informer des enjeux, des bénéfices attendus, car personne n’en voudra à une entreprise de faire des bénéfices, et la façon dont ceux-ci seront répartis ; Nous y reviendrons.

- 2ème difficulté : Mettre en musique sa stratégie dans le contexte économique actuel :

Salariés et Dirigeants sont confrontés à ce que nous pouvons appeler un nouveau « village planétaire », liant toujours plus le sort des Pays entre eux, imbriquant toujours davantage les différents facteurs – humains, environnementaux, économiques-, le tout étant amplifié par l’accélération permanente de l’information. La concurrence mondiale est féroce notamment avec des disparités énormes de cout du travail (facteur 100 à 200 parfois entre Chine et France).

S’il appartient donc au dirigeant actuel de « fixer le cap », il lui revient plus que jamais de donner du sens à l’action de ses collaborateurs, de les comprendre, les motiver, d’attirer et fidéliser les talents.
Alors que faire ?

Je ne voudrais surtout pas vous infliger une liste de recettes, mais il me semble que le Dirigeant doit veiller à des axes essentiels, qu’il devra revisiter régulièrement.

J’en décrirai sept :

1 – Au 1er chef, il donnera du Sens à son action en montrant au quotidien le rôle et la place de chacun dans la création de valeur de l’Entreprise.
Par des actes simples et sincères : Saluer chacun lors de réunions ou rencontres dans les couloirs.

En utilisant ce que j’appelle le « Management by walking » : toutes les semaines je visite les bureaux de notre siège social pour prendre le pouls de l’entreprise, poser des questions aux uns et aux autres, comprendre leurs difficultés.

En instaurant un management « humain » : Un décès d’un membre de la famille d’un collaborateur peut faire l’objet d’un mot de sa hiérarchie, d’envoi de fleurs voire d’une présence d’un représentant de l’entreprise, si toutefois l’intéressé l’accepte… car il ne faut pas être intrusif !

En organisant des « conventions annuelles » pour informer l’ensemble des collaborateurs des résultats de l’année et des perspectives à venir, et en imaginant d’autres événements du type « fêtes de Noël » où les enfants sont invités à venir visiter les bureaux où leur Maman ou Papa travaille.

2 – Il cherchera à mettre en place une politique de Ressources humaines claire et transparente :

-  Affirmer et faire prendre conscience au management intermédiaire que le collaborateur en tant qu’Homme ou Femme mérite respect et qu’à ce titre il a droit à un Entretien individuel au moins annuel avec sa hiérarchie, entretien qui sera structuré, sincère soulignant les points forts de l’individu, sans craindre de dire clairement les axes de progrès nécessaires.

-  Accueillir de la même manière tout collaborateur quelles que soient sa couleur, sa race ou religion, à condition qu’il respecte les règles civiques et le règlement intérieur en vigueur ; Une petite enquête confidentielle m’a permis de constater il y a 3 ans que nos 220 Collaborateurs en France sont issus de 24 nationalités (ne le répétez pas, je ne devrais pas le savoir).

-  Tenir à l’égalité des sexes, et des rémunérations hommes-femmes : Chez Kompass 45% des membres du Comité de direction sont des Femmes. Nous devons encore progresser sur l’égalité des rémunérations Hommes-Femmes dont les revenus moyens semblent etre inférieurs de 10% à ceux des Hommes.

-  Apporter une attention aux plus faibles : Dans ces périodes de faible inflation mais de crise économique imposant des évolutions de rémunération limitées, veiller à assurer aux salaires les plus bas le plus fort pourcentage d’augmentation.

-  Accueillir les Jeunes qui feront l’entreprise de demain : à minima par des stages non pas « photocopie » mais de vrais stages avec de vraies missions, et par les contrats d’apprentissage : J’insiste sur ce point car il s’agit non seulement d’une nécessité mais d’un devoir citoyen que toute entreprise devrait s’imposer. Les EDC ont lancé à ce sujet un Manifeste, il y a 3 mois qui a déjà recueilli l’adhésion de plus d’1 millier d’entreprises.

-  Bien sur faciliter le travail et l’évolution des collaborateurs par la formation interne et externe.

3 – Il fixera des règles internes claires qui devront être connues de tous :

-  Règles de respect, d’exemplarité et proximité.

-  Interdire et punir le harcèlement moral – je ne parle bien sur pas du harcèlement sexuel-. J’ai du récemment licencier un collaborateur pour ce type d’agissement.

-  Règles de politique salariale et de distribution des résultats : A ce titre, j’ai demandé à mon Conseil d’administration que les bénéfices soient répartis en : 1/3 pour l’actionnaire, 1/3 pour les salariés (au travers de l’intéressement, augmentations au mérite…) et 1/3 pour l’entreprise qui a besoin d’investir pour assurer son développement… ce qui fait 3 tiers… après que l’entreprise ait payé son juste tribut à l’Etat par l’impôt sur les sociétés.

4 – Respecter les partenaires sociaux de l’entreprise :

-  Maintenir avec les partenaires sociaux de vrais échanges sur la marche de l’Entreprise, savoir les écouter :

Il y a une dizaine d’années j’ai suggéré une représentativité de chaque département au sein des différents collèges du Comité d’entreprise et des Délégués du personnel, afin que nos séances de travail intègrent les préoccupations de l’ensemble des salariés.

En 2011, nous avons fait l’acquisition de 7 filiales étrangères et avons été amenés dans ce cadre à engager une petite réorganisation de notre siège français en supprimant 8 postes.

J’avais bien sûr demandé aux membres du Comité de direction de me faire leurs recommandations individuelles pour leur département, suggestions que nous avons consolidées et que j’ai arbitrées.

Nous avons présenté ce projet au Comité d’entreprise appuyé d’une note circonstanciée de 12 pages.

Chaque Directeur a informé personnellement les collaborateurs concernés, expliquant les mesures d’accompagnement que nous mettions en place ; j’ai tenu également à tous les rencontrer.

Après débats et concertation en interne qui ont duré quelques jours, le CE nous a remis des suggestions fort pertinentes qui nous ont permis d’éviter 2 licenciements.

En définitive, sur les 8 postes supprimés nous avons eu à gérer le départ de 3 personnes dont 2 sont en cours de reclassement.

5 – Communiquer et motiver : Facile à dire… plus difficile à faire !

- Nous organisons des réunions régulières, conférences téléphoniques, newsletters mensuelles informant l’ensemble des collaborateurs sur la marche de l’entreprise, les lancements de produits, les succès de telles ou telles équipes, les points de vigilance…

- Se tenir à l’écoute de chacun : ce que j’appelle la politique du « bureau ouvert » tout en respectant la hiérarchie.

- Organiser l’accueil des nouveaux entrants, par une formation initiale chez Kompass de 8 jours à minima , 15 jours pour les commerciaux.

- Organiser des « Petit-déjeuner direction » : 1 heure tous les 2 mois avec une quinzaine de collaborateurs représentant chaque service sans thème ni ordre du jour mais avec 2 seuls objectifs :

– que les salariés des différents départements se connaissent mieux, reconnaissent mieux l’utilité du travail de l’autre, partagent mieux leurs difficultés (fameux clivage commerciaux –fonction support) ;

- poser toute question à la DG avec un mot d’ordre : pas de question interdite.

- Promouvoir la promotion interne en France et à l’étranger et favoriser les carrières « atypiques » : Notre directeur Production est un ex commercial, notre directeur Marketing fut commercial en France, DG Espagne, puis DG USA avant de nous rejoindre au siège international à Paris.

6 – Dans la mesure du possible et de ses moyens, le Dirigeant mettra en place une politique sociétale en collaboration avec les collaborateurs.

C’est ainsi que, après concertations avec nos salariés, nous avons décidé de planter 1 arbre à chaque contrat de vente signé, opération menée sous l’égide de l’ONU : Une façon également d’associer nos Clients à nos actions !

En 3 ans, nous en avons planté 50 000 arbres en Indonésie pour un coût unitaire de 25cts d’Euro soit moins de 5000€ par an. Cette opération a eu un impact très fédérateur et mobilisateur pour nos équipes.
7 ème axe et sans doute le plus important : Jouer la confiance et chercher à procurer du bonheur aux collaborateurs dans leur travail.

Favoriser la subsidiarité plutôt que la délégation de responsabilité.

Oser la Confiance : Je dis parfois à mes enfants que je préfère être trahi plutôt que ne pas faire confiance…et grâce au Ciel j’ai rarement été trahi.

Car nous savons qu’un collaborateur heureux dans son travail est un collaborateur motivé, plus efficace et qui, de ce fait, a plus de chance d’être heureux dans sa vie privée.

Au-delà de ces 7 axes il conviendra bien sur que le Chef d’entreprise sache prendre le temps nécessaire à la prise de recul, seul dans son bureau, ou avec des personnes de son choix – coach, son équipe EDC…

A ce propos, les EDC ont créé un certain nombre de commissions de travail permanentes qui produisent des travaux utiles à la réflexion de nos membres ; la Commission Source a édité récemment des fascicules remarquables sur « L’entreprise au service de Qui » ou « Etre juste en Entreprise ».

Nous avons monté avec des amis EDC un groupe qui a travaillé pendant 9 mois sur ce qui est devenu un petit dépliant intitulé les « 7 questionnements du dirigeant Chrétien », le premier d’entre eux étant « 
Qu’attend de moi le Christ aujourd’hui » et le dernier « Qu’est ce que j’attends du Christ aujourd’hui » les cinq autres questions invitant nos membres à réfléchir sur leur comportement au quotidien,, le type de relation existant dans leurs entreprises, le mode de gouvernance…en nourrissant ces réflexions d’extraits liturgiques ou bibliques.

IV – Comment concilier Vie familiale et Vie professionnelle ?

L’entreprise a besoin de profit pour se développer, assurer l’emploi de ses collaborateurs, et en accueillir de nouveaux ;

Le temps de travail a été réduit avec les 35 heures il y a plus de 10 ans, la crise économique actuelle impose une charge de travail accrue pour chacun, créant stress et fatigue….

Dans ce contexte jusqu’où peut aller le Dirigeant sans porter atteinte à la vie de couple et de famille ?

Regardons d’abord ce point sous le regard du salarié :

La précarité de l’emploi est une réalité ; les entreprises doivent rechercher autant que faire se peut à favoriser les CDI au détriment de CDD.
Faire en sorte de ne pas organiser de réunions de travail tôt le matin ou tard le soir : Chez Kompass pas de réunion collective démarrant avant 9H ou après 17H (sauf rares exceptions).

Chaque individu a ses contraintes et sa vie personnelle ; Il faut savoir parfois faire du « sur-mesure » :

Créer une souplesse horaire pour les collaborateurs dont certains effectuent 3 heures de trajet par jour (problème essentiellement parisien).

Tenir compte des contraintes familiales, notamment des mères, en favorisant le télétravail et le temps partiel à condition que les objectifs fixés soient respectés : 30% de nos collaboratrices production travaillent en télétravail et 20% en temps partiel ; nous leur demandons en échange une présence minimum d’une journée par mois au bureau pour faire le point avec leur hiérarchie et rencontrer leurs collègues.

Accompagner les séniors en créant souplesse autant que faire se peut : Ma DGA de 55 ans m’a demandé la semaine dernière de passer à 80% de son temps de travail payé 80%, ce que j’ai accepté, après réflexion, en réorganisant sa mission et en nous laissant la possibilité de revenir à 100% si les conditions l’imposaient (actionnaires, évènements majeurs…).

Aider les séniors Managers parfois « essoufflés » à transmettre leur savoir faire d’Expert et non plus de Manager au lieu de se séparer d’eux.

Veiller à favoriser une séparation nette entre vie personnelle et vie professionnelle en évitant les échanges de mails durant le week-end et les congés.

Lors d’une promotion, mutation d’un collaborateur, s’inquiéter préalablement de l’impact que cette évolution aura pour sa famille ; Nous souhaitons rencontrer le conjoint avant toute décision d’expatriation d’un collaborateur.

Comment le dirigeant peut lui aussi concilier sa vie de famille et sa vie professionnelle ?

Le conjoint a un rôle essentiel par sa bienveillance, son discernement dans les périodes difficiles, son écoute parfois, sans parler bien sur de sa présence auprès des enfants, sa difficile mission d’assurer le quotidien du foyer.
Problème se pose quand les 2 époux travaillent avec des responsabilités importantes.

Et pire encore lorsque les 2 travaillent dans la même entreprise… qu’ils ont créée ensemble !

Sur un plan plus intime, vous m’avez demandé de m’exprimer sur la difficile conciliation des rôles de Père et Patron ?

Le patron a la chance d’avoir un rapport contractuel avec ses collaborateurs qui fixe des règles claires de droits et obligations de chacun et les sanctions éventuelles si ces règles sont transgressées.

Le père n’a pas toujours cette chance (surtout au moment de l’adolescence) et il est de plus « entravé », si je peux m’exprimer ainsi, par un rapport affectif pouvant exacerber les relations dans des moments conflictuels

Mais les mêmes mots reviennent : écoute, bienveillance, temps pour chacun, repas et vacances en famille, activités sportives ou culturelles communes ;

Le père veillera par ailleurs à partager les difficultés de ses enfants en tentant des pistes de réflexion… sans être trop intrusif… mais gardien du temple !

Quelles seraient les pistes d’évolutions législatives pour aider à concilier vie de famille et vie d’entreprise ?

- Au niveau de la famille, notre futur Président devra mettre au centre de ses préoccupations le sens et les Valeurs dont la France a besoin dans notre nouvel environnement mondial. Il devra confirmer le rôle essentiel de catalyseur social de la famille et devra chercher à la préserver sur le plan fiscal ;

- Concernant l’entreprise, la « rupture par consentement mutuel » a été une très bonne mesure car elle permet aux entreprises et collaborateurs de se séparer à l’amiable en évitant de nuisibles aigreurs.

Il faut aller plus encore plus loin en créant davantage de « flexibilité encadrée » :

Sur l’âge de départ à la retraite, je propose plus de souplesse : au lieu de légiférer sur la retraite à 65 ans (ou 60 ans !), permettre aux Séniors de plus de 55 ans d’organiser leur fin de vie professionnelle en biseau : 4/5 de temps pendant 2-3 ans puis 3/5 puis mi-temps avant le départ complet.
Contrat gagnant-gagnant entreprise-collaborateur, permettant au sénior de former son successeur tout en préparant sa retraite.

Je demanderai donc au Gouvernement de moins chercher à éditer de nouvelles lois en donnant davantage d’autonomie aux entreprises, favorisant les accords avec syndicats et branches professionnelles comme c’est le cas en Allemagne, charge bien sur à l’Etat d’exercer son rôle de garant de la justice en exerçant les contrôles nécessaires.

Conclusion

Si le travail peut devenir concurrent de la vie de famille, il appartient au dirigeant de chercher à mettre en place des gardes fous permettant de concilier les deux.

Ne cherchons pas à changer le monde mais cherchons à le rendre plus habitable pour toutes les générations.

Revenons aux fondamentaux :

- Replaçons l’Homme au centre en essayant de lui apporter chaque jour un peu de bonheur dans son travail qui sera facteur d’équilibre familial et social.

- Oui au libéralisme organisé mais non au libéralisme sauvage.

- Stop à la financiarisation à outrance : redonnons aux banques leur rôle d’aide aux ménages et aux entreprises en étant justement rémunérées mais pas au-delà. Je suis personnellement favorable à la séparation des activités de banques de détail de celles pour comptes propres, comme je suis favorable à la taxation de 0,1% sur les transactions financières au niveau européen.

À propos d’Europe qui n’est plus une variable étrangère à la question « vie de famille – vie d’entreprises » il me semble que nous devons aller plus loin dans le fédéralisme européen : Nous avons créé une monnaie unique mais nous avons oublié de créer une économie européenne malgré de très belles réalisations comme Airbus et bien d’autres, nous avons oublié l’harmonisation fiscale, sociale et… pourquoi pas, envisager une politique de défense commune qui permettrait à chaque Etat membre de réaliser des économies énormes.

Voici, les quelques réflexions que je souhaitais partager avec vous en simple mais heureux dirigeant, époux et père de 4 garçons adultes et bien dans la vie ; Je suis conscient de la chance que nous avons et des devoirs que m’impose cette chance vis-à-vis de mon entourage familial, professionnel et bien sûr envers les moins favorisés.

ÉCHANGE DE VUES

Jean-Paul Guitton : Je me tourne vers Bernard Vivier parce que c’est lui qui nous a signalé le document de l’OCHRES cité tout à l’heure : l’OCHRES a en effet travaillé sur la question des relations familiales dans l’entreprise, l’année dernière.

Bernard Vivier : Dans le cadre de l’OCHRES, Jean-Paul Lannegrace a réuni un petit groupe de travail l’an dernier qui a produit une étude intitulée « Entreprise et vie familiale : comment gérer les empiétements croissants entre vie familiale et exigences de l’entreprise ».

Dans votre exposé, vous avez parlé de la prise en compte de la situation de famille dans certaines décisions de la vie de l’entreprise. Vous l’avez fait notamment à propos des licenciements ou de l’organisation du travail.

Il est un point qui, aujourd’hui, semble effacé dans la mentalité patronale dans son ensemble. C’est la question de la politique familiale.

C’était en 1916 dans une entreprise à Grenoble : un ingénieur a mis en place pour la première fois le sur-salaire familial. La démarche s’est développée et a donné naissance aux caisses de compensation, dans la lignée de Léon Harmel et de Rerum Novarum.

La législation a créé les allocations familiales dont on a, en 1945, généralisé le dispositif en créant la Sécurité sociale.

Aujourd’hui, en 2012, tout cela semble oublié. Avant la réforme actuelle de la TVA sociale, 64 % des ressources de la CNAF venaient des cotisations sociales, dites patronales. On va passer à moins de 40 %. Quid du paritarisme qui n’a plus de signification sinon d’offrir à un président un poste qui n’a plus de réalité ? Quid de l’implication du monde patronal dans la politique familiale ? Quid au sein des EDC ?

Bertrand Macabéo : Si vous avez vu Les Échos aujourd’hui, on lit que la TVA sociale va bénéficier essentiellement aux grandes banques et aux grandes entreprises, ce que je trouverais choquant.

Personnellement, je m’affranchis de certaines décisions du MEDEF car celui-ci a, à mon sens, une vision et une réelle action pour les grandes entreprises mais pas assez en faveur des PME qui constituent pourtant 98% du tissu industriel et services français.

Je regrette que la CGPME ne fasse pas davantage porter sa voix au sein du MEDEF parce qu’il est grand temps que les réflexions des organisations patronales soient globales et au service de toutes les entreprises. On sait que la France est riche en PME mais manque d’ETI (entreprises de taille intermédiaire) notamment en comparaison de l’Allemagne ; Il faudrait donc mettre en place des outils pour aider les PME à grandir, pour aider les PME à exporter. C’est d’ailleurs ce que l’entreprise que je dirige essaie de faire tous les jours. J’espère que le MEDEF sera en mesure avec la CGPME de faire des propositions concrètes sur ce sujet.

Mgr Philippe Brizard : Je pense aux jeunes. Ceux que je rencontre ne le sont plus tout à fait puisque, quand ils songent au mariage, ils approchent plutôt de 30 ans que de 25.

Jeunes cadres dans les grands ensembles, ils manquent terriblement de temps pour avoir une vie personnelle. Ils commencent le travail à des heures pas possibles, surtout quand ils doivent prendre un avion. Et, le soir, le travail n’a pas de fin.

Je leur disais, il y a quelques années : c’est de la faute de votre individualisme. Au lieu de jouer la carte de la solidarité entre cadres dans l’entreprise ou dans la branche, vous vous êtes laissé faire et vous vous trouvez en concurrence les uns par rapport aux autres. C’est à celui qui travaillera le plus, qui restera le plus longtemps et qui pêchera le plus d’informations sur son ordinateur avant les autres. Cela crée un climat absolument épouvantable.

La question que je me pose est la suivante : comment faire évoluer les choses pour que toute cette jeunesse qui ne manque pas d’intérêt puisque ce sont des cadres sorte de ce mal vivre ?

Bertrand Macabéo : Vous avez tout à fait raison et je crois que ce phénomène concerne fort heureusement un petit nombre d’entreprises : des sociétés de conseil, des banques et certains Groupes par lesquels « il faut passer si on veut réussir sa carrière professionnelle », (Lazard, BCG, etc.). Je partage l’idée que certains exploitent trop leurs collaborateurs.

Ce qui peut nous rendre optimistes, c’est que 50% des Jeunes sont tentés par la création d’entreprise (cf. enquête EDC) alors qu’on entendait il y a quelques années que 50 % d’entre eux voulaient devenir fonctionnaires.
Nous pouvions alors nous demander comment la France allait pouvoir garder sa place dans le contexte international, car ce sont les entreprises qui créent une grande partie de la richesse nationale.

Je suis très heureusement étonné de voir le nombre de jeunes qui s’investissent dans des entreprises personnelles. Sur mes 4 garçons, 3 d’entre eux sont des créateurs d’entreprise (après avoir eu une première expérience dans des Groupes) ou d’association humanitaire. Pour n’avoir jamais été entrepreneur individuel ou créateur d’entreprise, j’ai beaucoup d’admiration pour eux et leur courage.

Je ne veux surtout pas opposer les grandes entreprises aux PME car les choses sont beaucoup plus subtiles que cela, mais il est vrai que certaines entreprises « pressent le citron » de collaborateurs. Dans les PME, la chaîne hiérarchique étant moins forte, il existe plus de proximité avec le Décideur, le collaborateur se sentant alors davantage partie prenante de la décision.

Hervé de Kerdrel : Je pense aussi aux jeunes, et pas seulement aux jeunes futurs cadres supérieurs, mais aux jeunes pour qui la société a une structure de plus en plus complexe.

Effectivement puisque l’école a renoncé en partie à sa fonction éducatrice, la famille également, c’est donc, finalement, le monde de l’entreprise dans lequel arrivent les jeunes qui, pour partie, doit suppléer à ces carences.

Vous nous avez dit que c’était important d’intégrer les jeunes, c’est donc aussi, pour vous, quelque chose qui demande réflexion.

Comment est-ce qu’on peut remédier à cela ? Parce que cela pose un réel niveau de complexité. Et comment apportez-vous une solution concrète dans une entreprise de taille moyenne ?

Bertrand Macabéo : Je dois vous avouer que nous n’avons aucun problème pour intégrer les Jeunes dans notre entreprise, même si j’ai du donner l’impulsion initiale :

Par notre politique de stage : Les stagiaires étaient considérés comme un poids pour les services les accueillant, alors qu’ils apportent un regard neuf et sont très souvent contributeurs.

Par les stages d’intégrations lors des recrutements déjà évoqués.
La moyenne d’âge de notre entreprise en France est de 34 ans avec environ 50 % de femmes, 50 % d’hommes, 50 % de commerciaux, 50 % de fonction support.

La difficulté que nous rencontrons ces dernières années réside dans le recrutement des commerciaux de terrain ou télévendeurs. J’ai le sentiment que les jeunes ont de plus en plus de mal à s’engager dans la fonction commerciale qui impose de se lever tôt le matin, prendre sa voiture, visiter 10 entreprises pour signer un contrat, ce qui constitue une réelle difficulté.
D’où la nécessité d’instaurer un management de proximité fort et bien sur un système de rémunération motivant et attrayant.

L’enquête que nous avons menée au sein des EDC montre bien que les jeunes souhaitent intégrer le monde du travail. Ils nous disent : je serai fidèle à l’entreprise tant que celle-ci répondra à mes attentes, alors qu’à notre génération, on pouvait nous dire : dans trois ans tu auras tel job, dans cinq ans tel autre : Nous savions attendre en confiance, eux sont plus impatients ; Ils disent aussi très clairement que leur vie de famille, sociale… est aussi importante ; pourquoi ? Parce qu’aujourd’hui les deux conjoints travaillent dans la plupart des jeunes couples ; Les époux doivent donc se partager la responsabilité des enfants, mission qui, il y a 30 ans, était confiée à la mère de famille.

Reconnaissons que nos Jeunes ont de vraies contraintes au-delà desquelles ils ne veulent pas aller. Ils sont très clairs dans leur projet de vie.
Ils sont prêts à s’impliquer, ils sont prêts à se donner, mais ils ne sont pas prêts à se brader.

Hervé de Kerdrel : Il y a une différence avec la province.

Bertrand Macabéo : La vie à Paris est en effet souvent beaucoup plus difficile et plus chère qu’en province : loyers, loisirs, déplacements.

Bernard Lacan : Je voulais simplement dire qu’il est évident que le souci de flexibilité, de souplesse dans les horaires, dans l’évolution des tâches, dans les déplacements est probablement plus facile dans des entreprises dans lesquelles il y a un contact humain direct du chef d’entreprise que ce n’est le cas dans des entreprises beaucoup plus pyramidales et beaucoup moins personnalisées ou personnalisables.

Je crois que c’est aussi une des directions d’action dans les grandes entreprises que de créer à l’intérieur de grandes structures des ensembles plus réduits dans lesquels il peut y avoir ce type de relations sociales.

Jean-Dominique Callies : Est-ce que vous pourriez nous dire un mot sur les entreprises familiales, éponymes, qui éventuellement rejoignent bien la réflexion sur « famille et entreprise » ?

Et pouvez-vous nous parler de la différence que vous pouvez peut-être voir dans votre activité à l’international, entre les entreprises françaises et, par exemple, les entreprises japonaises qui sont peut-être plus attachées à une culture à long terme ?

Et enfin, pouvez-vous évoquer un terme qui est souvent utilisé en matière de société, c’est l’affectio societatis et en matière de famille c’est l’affectio matrimoni ?

Bertrand Macabéo : Sur les entreprises familiales éponymes, je ne voudrais pas vous donner des clichés. Ce que je peux constater c’est qu’il y a nombre d’entreprises familiales et de groupes familiaux dans le Nord par exemple qui ont remarquablement réussi.

Quelle est leur stratégie ?

Un enfant de la famille, avant d’entrer dans l’entreprise, doit aller faire ses preuves dans une autre entreprise.

Par ailleurs si un membre de la famille a un projet de diversification, il le construit et le présente devant le conseil de famille : Père, Mère, Oncles et tantes, cousins et autres enfants , projet qui est accepté ou refusé à la majorité des membres du Conseil .C’est ainsi que certains groupes familiaux se sont renforcés en créant, pour ne pas les citer, des entreprises comme Décathlons, etc.

À l’inverse, et je le dis d’autant plus facilement que ma famille est d’origine lyonnaise, les soyeux ont disparu parce qu’ils n’ont pas vu la concurrence arriver, sont restés mono activité, peut-être aveuglés et autistes.

Concernant la comparaison entre les entreprises françaises et les entreprises étrangères, la connaissance des entreprises japonaises se résume essentiellement à la filiale que nous y avons avec laquelle les relations sont saines et directes. Pour poursuivre sur l’Asie, j’ai beaucoup de respect pour les entreprises sud coréennes : La Corée du Sud, pays qui n’a pas de ressources naturelles, équipe actuellement la majorité des ménages dans le monde avec téléviseurs écran plats, lecteurs de DVD…. Il y a un sens du travail bien fait et une joie de travailler dans notre filiale que j’ai visitée au mois de juillet dernier, une remarquable implication du management, un respect des engagements pris et une animation des collaborateurs exceptionnelle. Ce n’est d’ailleurs sans doute pas un hasard si la Corée du Sud est le Pays d’Asie le plus dynamique chez Kompass.

Sur l’affectio societatis, je pense que c’est à chaque dirigeant de créer l’affectio societatis en montrant aux collaborateurs les perspectives d’évolution dans leur entreprise (ou groupe) et en favorisant la promotion interne :

Donner des perspectives aux salariés, montrer la Voie, partager son enthousiasme et son ambition pour l’entreprise en France et à l’étranger quand on a la chance de travailler avec des filiales ou partenaires étrangers.

Jean-Dominique Callies : Si vous voulez, on a l’impression que les générations actuelles ont tendance à beaucoup butiner, probablement du fait d’un apport d’information extrêmement rapide. On passe très rapidement d’un écran à un autre, d’une société à une autre. Il y a quelques années, on faisait sept ans, c’était normal. Aujourd’hui on fait trois ans.

Donc cette affectio societatis fait que l’on reste. On retrouve le même genre, me semble-t-il dans la stabilité de la famille dans le mariage.
J’aurais aimé vous voir réagir sur ce sujet.

Bertrand Macabéo : C’est à mon sens le problème d’une société qui devient de plus en plus « consommatrice ». On consomme la relation qu’on peut avoir avec son petit ami ou sa petite amie, on consomme sa relation avec l’employeur, et les technologies de l’information attisent ce zapping ; si par malheur des problèmes surviennent, le pacte est remis en question.

Cette surconsommation provient d’un malaise, d’un mal-être, d’une crainte de vivre dans la société dans laquelle nous sommes.
C’est à nous Parents et éducateurs à donner d’autres valeurs à nos enfants, ce qui n’est certes pas facile.

Jean-Dominique Callies : C’est une vraie question qui se pose aujourd’hui, où le sens même de l’engagement dans le travail dans une société, comme dirigeant ou autre, trouve un engagement sûr également dans la politique familiale. C’est peut-être sous cet angle-là…

Bernard Lacan : Est-ce qu’il n’y a pas aussi chez les jeunes, passant rapidement d’une entreprise à une autre, une sorte d’angoisse qui les pousse à vouloir aborder plusieurs horizons, à acquérir plusieurs formations, dans une perspective de devoir en permanence changer et aussi dans une crainte de se voir dévalués s’ils restent trop longtemps dans une seule entreprise ?

Bertrand Macabéo : Je n’ai pas le sentiment que nos Jeunes cherchent volontairement à butiner d’une entreprise à une autre mais ils sont pressés, ils ont envie d’aller vite. Et encore une fois, si l’entreprise ne répond pas à leurs attentes, ils iront voir ailleurs.

Le besoin de satisfaction immédiat se pose de la même façon dans les rapports de jeunes couples : Quelle tristesse de voir des couples mariés depuis quatre ou cinq ans en instance de divorce !

Jean-Paul Guitton : Pour rester sur ces questions de « vie familiale, vie professionnelle », je vois dans l’étude de l’OCHRES les thèmes « l’entreprise crée des couples », « l’entreprise détruit les couples », « l’entreprise a-t-elle à intervenir en cas de liaisons extra-conjugales ? » Je relève au passage cette phrase : « certains managers soumettent les acteurs d’une nouvelle aventure amoureuse à une épreuve de séparation. Vont-ils trop loin ? »

Jusqu’où va la responsabilité du dirigeant et éventuellement son intervention ?

Bertrand Macabéo : Sur les couples qui se créent en entreprise, je vous répondrai que c’est la vie de chacun que nous devons respecter. Il y a une chose que je demande chez Kompass c’est qu’ils ne travaillent pas dans le même service et surtout jamais dans un rapport hiérarchique car, s’il faut préserver la liberté individuelle, il faut aussi préserver l’intérêt de l’entreprise. Les salariés voient les gens vivre, voient leurs dirigeants vivre ; nous avons un devoir d’exemplarité.

Jerry Sainte-Rose : Je ne connais pas le monde de l’entreprise. Je suis de ceux qui se sont engagés, après leurs études, dans la fonction publique. Enfin une fonction publique un peu particulière, la magistrature. En dernier lieu, j’ai été successivement avocat général à la Cour de Cassation puis Conseiller d’État.

Ce qui me frappe après vous avoir entendu, c’est que dans la fonction publique, à mon niveau, je n’ai jamais entendu parler de politique familiale.
Il est tout à fait remarquable que dans une grande, petite ou moyenne entreprise les dirigeants aient le souci de la situation familiale leurs collaborateurs

Personnellement, je me suis marié sur le tard, c’est vrai. Mais on ne m’a jamais interrogé sur ma famille, sur sa composition, sur le nombre d’enfants que j’avais.

J’ai fait une carrière essentiellement parisienne mais je me rappelle avoir été procureur général Outre-Mer et on ne m’a pas demandé avant ma nomination si cela convenait à ma famille.

A ceux qui, parmi nous ont appartenu à la fonction publique ,je pose la question de savoir s’ils ont le sentiment que leur situation familiale a été prise en compte au cours de leur carrière.

Je peux vous dire que, pour ce qui me concerne, cela n’a jamais été le cas.

Jean-Paul Guitton : Je suis à la fois d’accord et pas d’accord avec vous. Dans le cas que vous citez, l’Administration traite ses agents comme un monstre froid, mais il faut tout de même reconnaître que la Fonction publique a de tout temps, et même peut-être avant les entreprises, mis en place une politique familiale.

Quand vous avez parlé de déplacement outremer, je réagissais parce que j’ai fait carrière en milieu militaire et que j’ai eu l’occasion d’un séjour outremer.
Les armées et un certain nombre d’administrations ont l’habitude des séjours outremer et les accompagnent, en apportant diverses aides à leurs agents et à leur famille.

Jerry Sainte-Rose : Les militaires, oui, sans doute. Mais les magistrats…

Cette dimension familiale est complètement perdue s’agissant de certains corps de l’État.

Anne Duthilleul : Avant de poser ma question, je voudrais vous apporter des témoignages.

Sur l’accueil des femmes à des niveaux de responsabilité et sur la gestion des maternités, dans l’administration, en effet, j’ai vécu des situations très différentes : celle où, attendant mon premier enfant, j’avais tendance à le cacher, à chercher à ce que ça ne se voit pas trop, pour ne pas être décrédibilisée ; et celle où, arrivant enceinte du deuxième dans une autre, au contraire – et ça se voyait beaucoup cette fois ! – on m’a accueillie en me disant : « Nous sommes très favorables à ce que les femmes prennent des responsabilités, d’ailleurs nous avons déjà une sous-directrice, c’est une politique de promotion chez nous, allez la voir pour vous soutenir, en quelque sorte, entre femmes et vous rassurer sur le plan de l’accueil et de la vie familiale ». Et j’ai trouvé ça plutôt sympathique, surtout qu’il s’agissait de l’administration des finances, où chacun a de grosses responsabilités.

J’ai donc vécu les deux situations et je pense que ce n’est pas systématique, ni dans un sens ni dans l’autre. Au contraire, l’administration sait prendre en compte les situations familiales. Je pense en particulier à l’éducation nationale qui prend en compte dans ses critères de nomination la situation familiale des agents. Cela figure même dans les notes qui sont attribuées pour la mobilité.

Je souhaite en profiter pour poser une question. En fait, j’ai été un peu surprise de ne pas entendre beaucoup parler, sauf à une occasion, de la joie au travail.

Et je me demandais comment les entreprises pouvaient contribuer à répandre en quelque sorte cette « bonne nouvelle », c’est-à-dire qu’elles font participer chacun à une co-création, à la continuité de la création, que Dieu nous a confiée. C’est quand même un message motivant, mobilisateur pour les acteurs.

Alors, comment les entreprises peuvent-elles mieux le répandre dans leur entreprise, à l’intérieur de leur organisation ?

Et comment, réciproquement, la famille peut-elle éduquer aussi à cette joie de travailler et au sens de l’engagement et de la co-création à laquelle chacun est appelé finalement ? Et à tous les niveaux justement, en reconnaissant que chacun à son niveau a une part de responsabilité et peut porter des fruits dans cette œuvre commune.

Bertand Macabéo : C’est tout à fait exact et essentiel.

Ce que je voulais précisément exprimer c’est que, en transmettant sa vision à ses collaborateurs, en les faisant travailler sur les meilleurs chemins à emprunter, le projet ne devenait pas celui du chef d’entreprise mais celui de l’ensemble des collaborateurs, c’est la Co-création que tu évoques. Par ailleurs lorsqu’un individu est partie prenante à un projet, il est de facto plus heureux.

J’ai évoqué à deux ou trois reprises le bonheur qui n’est certes pas la joie mais s’en rapproche ; il est indispensable que le dirigeant s’intéresse au bonheur de ses collaborateurs dans leur cadre de travail même s’il ne peut pas prétendre vouloir le bonheur de la terre entière.

Pour réhabiliter les grandes entreprises, me vient à l’esprit un exemple d’une fille d’amis qui est rentrée chez Coca-Cola après ses études et alors qu’elle venait de se marier.

Quelque mois après son intégration, elle fut enceinte ; Bien que très heureuse, elle était très ennuyée à l’idée d’annoncer cette nouvelle à sa hiérarchie. Grande a été sa surprise de l’accueil fantastique qui lui a été fait : Trois mois avant la naissance, on lui a installé un PC chez elle qui lui a permis d’être en ligne directe avec ses collègues. Elle était présente une journée au bureau, son travail s’effectuant le reste du temps à domicile.

J’ai connu chez Général Electric une politique de ressources humaines fantastique qui m’a beaucoup appris.

Pour revenir à l’administration. Vous parliez de carrière militaire. J’ai été choqué par le cas d’amis ayant réussi des carrières militaires brillantes, (dont un qui était patron des hélicos sur le Jeanne-d’Arc avant de faire l’École de Guerre) et qui, à 55 ans, se sont retrouvés avec une petite retraite les contraignants à changer drastiquement leur mode de vie car ils avaient encore des enfants (adoptés) scolarisés.

Jean-Paul Guitton : C’est-à-dire que, dans les carrières militaires, vous avez des limites d’âge qui sont assez précoces, même si on les a relevées parallèlement au relèvement de l’âge de la retraite civile.

On vit sur l’idée – on pourrait en discuter sans doute – que pour faire le métier militaire, il faut être jeune. Et donc il faut des généraux jeunes, des officiers jeunes.

La question est : qu’est-ce qu’on fait des vieux ? Éventuellement qu’est-ce qu’on fait des vieux qui n’ont pas atteint la limite d’âge ? Réponse : on les pousse gentiment dehors.

Donc vous avez, dans les différentes armées, des gens qui quittent le service vers 55 ans, à la limite d’âge de leur grade. Mais vous en avez aussi beaucoup vers 50 ans, voire avant : ils sont très généralement accompagnés dans leur reconversion professionnelle, pour laquelle on leur paye des stages.

Dans l’exemple que vous avez cité, cela n’a peut-être pas été le cas, malheureusement… Chacun fait ses choix individuels. Si vous vous mariez à 50 ans et qu’à 55 – 60 vous avez des enfants, des adolescents, etc. La société ne peut pas prendre en compte tous les cas de figure.

Bertrand Macabéo : Mais le fait qu’à 55 ans vous ayez une fille adoptée de 17 ans et une autre de 14 ans n’est pas complètement anormal !

Jean-Paul Guitton : Oui, mais il le savait, par avance.

Bertrand Macabéo : Sans doute. Peut-être l’a-t-il mal préparé, mais est-ce que l’Armée l’a aidé a bien préparé sa nouvelle vie ? C’est aussi le rôle du dirigeant d’aider ses collaborateurs vieillissants à préparer leur retraite.

Bernard Lacan : Ce cas évoque des cas beaucoup plus douloureux de chômage à 55 ans sans possibilité de récupération.

Bertrand Macabéo : Tout à fait.

Henri Lafont : Je vais évoquer des cas tout à fait différents et profiter de la présence d’un éminent dirigeant pour poser la question que l’on pose assez souvent ici et ailleurs.

Comment concevez-vous assimiler ce qui est apparu dans l’une des dernières Encycliques de Benoît XVI concernant la gratuité et le don. Il me semble que vous n’avez pas encore abordé ce sujet.

Il est évident que la gratuité et le don, on voit bien comment cela peut se passer au niveau individuel : passer un peu de temps pour permettre à un collègue d’achever son travail…

Mais au niveau de l’entreprise, on s’interroge encore. Je ne sais pas si vous avez des indications.

Bertrand Macabéo : L’encyclique Caritas in Veritate de Benoît XVI est d’une fantastique actualité et d’un remarquable réalisme et pragmatisme.

Le don et la gratuité font partie des obligations de chaque être vis-à-vis de l’autre, même si personne ne doit se sentir obligé d’en parler.

Quand nous disons « être simplement à l’écoute, aller à l’encontre de ses collaborateurs, prendre le temps de comprendre leurs problèmes, répondre à leurs questions, donner de son temps, de la gratuité », c’est de cela dont je veux parler.

Henri Lafont : Oui, mais ma question va peut-être un peu plus loin, sur le plan privé je vous fais confiance, mais sur le plan de l’entreprise. Est-ce que vous pensez que cette recommandation du Pape intéresse aussi l’entreprise dans sa propre économie générale ?

Bertrand Macabéo : Oui et ce n’est pas facile dans la période économique que nous vivons car l’entreprise a pour objectif majeur d’assurer sa pérennité, sauver ses emplois, sauver son résultat.

Le don à l’autre peut connaître diverse formes sociales ou sociétales ; vous n’imaginez pas la joie de mes collaborateurs d’avoir contribué à cette action « 1 arbre pour la Planète » en se disant : on apporte une petite goutte de bonheur, de bien être pour les générations présentes et futures.

J’ai la chance d’avoir un métier (base de données de données d’entreprises), qui nous permet d’aider des entreprises en phase de création, des associations faisant travailler des handicapés, des chômeurs ou qui travaillent dans des zones particulières, pour les aider à se développer.

Nous pratiquons ce don de façon collégiale avec le Comité de direction car je souhaite que ces décisions soient prises en toute transparence et connues des principaux directeurs..

Jean-Paul Guitton : Ce temps d’écoute, puisque vous avez dit que vous êtes présent douze heures par jour à votre bureau, représente soixante heures par semaine.

On vit avec l’idée fallacieuse des trente-cinq heures qui, certes, ne s’applique pas aux cadres et aux dirigeants. Mais, combien de temps estimez-vous devoir consacrer à votre entreprise, 40, 45, 50 heures ? Autrement dit, sur ces soixante heures, il y a sûrement une part de don pour votre entreprise.

Bertrand Macabéo : À peu près 60 heures mais il ne faut pas non plus me sanctifier car dans ce temps d’absence de mon domicile, j’intègre mes missions dans des associations (EDC…). Je sais aussi m’arrêter car c’est indispensable pour mon équilibre.

Jean-Paul Guitton : Nous nous sommes un peu écartés du sujet de la famille : si vous donnez du temps à votre entreprise, c’est du temps que vous ne donnez pas à votre famille, non ?

Mais je voudrais revenir à la définition de la famille. Vous avez dit que vous aviez consulté le Larousse. De quelle année ? Parce que les dictionnaires évoluent au fil des années, et votre définition paraît très classique.

Bertrand Macabéo : 2011.

Et pour ce qui est de la part du temps de travail, cela repose aussi sur un équilibre familial. J’arrive à consacrer plus de temps aujourd’hui à mon entreprise parce que j’ai des enfants qui sont sortis d’affaire.

Et puis il y a les week-ends. J’aime le sport que je pratique le plus souvent possible avec mes enfants. Je fais en sorte de préserver des moments importants avec eux. Ils sont peut-être plus rares, mais ils sont forts.

Anne Duthilleul : Ce qui me fait réagir, c’est toujours quand on dit, comme si c’était comptable, ce qu’on donne à l’un, on le retire à l’autre, entre la famille et l’entreprise.

Ce n’est pas vrai. Parce que, si on s’occupe bien d’un collaborateur, par exemple, qui a besoin de parler une heure de plus, eh bien, on rentre chez soi avec un témoignage vécu à apporter. Donc qualitativement, c’est beaucoup plus fort pour la famille que si l’on s’était contenté de rester tout seul dans son bureau ou qu’on avait fermé sa porte pour rentrer plus tôt chez soi.

Le qualitatif, cela ne se mesure pas. C’est ça, le don : l’écoute, le temps, l’aide à la résolution de problèmes. C’est difficilement chiffrable, c’est pour ça que c’est « gratuit ». Ce n’est pas chiffrable, mais cela compte énormément pour une personne, aussi bien dans la famille que dans l’entreprise.

Bertrand Macabéo : C’est parfaitement vrai.
Autant je n’aime pas parler de la vie quotidienne de mon job (Chiffre d’affaires, résultat,…) autant j’aime partager occasionnellement avec ma famille des expériences rares, des situations particulières – souvent humaines – que je rencontre.

Séance du 16 février 2012