Par Christian Herrault, Directeur général adjoint du Groupe Lafarge, en charge des Ressources Humaines et de l’Organisation

Henri Lafont : Votre vie se partage en trois âges de deux décennies, la première s’achève à vingt-trois ans après un passage à l’école Polytechnique puis aux Mines. Vous effectuez alors vos années militaires comme officier de marine.

Ingénieur au corps des Mines, vous exercez dans la fonction publique, au ministère de l’Industrie puis de l’Agriculture. A l’institut National de la Recherche agronomique, entre 1981 et 1985, vous créez une filiale de commercialisation de semences et d’activités de prestation de service. Cette seconde période dure vingt et un ans

Nous arrivons à 1985, année charnière, où vous quittez l’administration pour l’industrie privée en entrant dans le Groupe Lafarge où vous occupez des fonctions variées ; d’abord comme directeur en charge de la stratégie Recherche et Développement de l’activité « Bio-végétale » puis comme Directeur général d’Harris Moran Seeds en Californie où vous repositionnez l’entreprise qui opère sous vos directives un retour à la profitabilité ; Directeur général de l’activité Glutamates où vous créez une unité au Vietnam ; Directeur général de l’activité Aluminates (ciments spéciaux). En 1998, entrant au Comité exécutif du Groupe, vous en devenez Directeur général adjoint en charge de l’Organisation et des Ressources Humaines et « management de la performance » pour faire face à la croissance du Groupe. Celui-ci enregistre en effet, entre 1997 et 2004 une croissance spectaculaire : de trente-sept mille personnes dans trente-neuf pays, l’effectif passe à soixante-quinze mille dans soixante-quinze pays. 11% du personnel seulement est français. Le chiffre d’affaires atteint quatorze milliards d’euros.

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Dans vos moments de loisirs, vous vous intéressez aux vieilles pierres et à la restauration de demeures anciennes, ce qui vous fait approcher les artisans du bâtiment. Une catégorie de travailleurs différente de ceux du Groupe Lafarge.

Il vous arrive aussi d’écrire, même si ce sont des réflexions inédites, telle la conférence prononcée aux Etats-Unis et intitulée « Réflexions sur le thème Ethique et entreprise. » Vous y exprimez notamment l’opinion que « la finalité de l’entreprise n’est pas la morale, ne peut être la morale… » mais que « le ressourcement moral des hommes de l’entreprise ou d’ailleurs se fera en dehors du monde de l’Economie. C’est au monde des citoyens de se doter de la morale qui réponde le plus profondément à leurs aspirations et de contrebalancer s’ils le souhaitent la nature hégémonique de l’Economie. »

C’est donc à une personnalité en charge depuis quelques années des « ressources humaines » d’un important groupe industriel international que nous nous avons demandé de nous partager sa grande expérience et sa pensée.

Nous lui avons assigné un thème particulièrement vaste et ardu, la valeur du travail. Il fallait en effet l’inclure dans nos débats, et nous ne savions pas a priori, quelle place Christian Herrault donnerait à l’économie, à la philosophie, à la sociologie.

Pour ma part, je n’ai pas trouvé mieux pour introduire le sujet, que de puiser chez un auteur que l’auditoire n’aura pas de peine à reconnaître :« Le travail, c’est certain, est quelque chose de vieux, d’aussi vieux que l’homme. Toutefois, la situation de l’homme dans le monde d’aujourd’hui, telle qu’elle est diagnostiquée et analysée sous ses divers aspects… exige que l’on découvre les nouvelles significations du travail humain et que l’on formule aussi les nouvelles tâches qui, dans ce secteur, se présentent à tout homme, à la famille, à tout le genre humain… » Donc, ne pas s’endormir sur des notions usées ou des formulations inadéquates à notre époque, mais renouveler la pensée et les pratiques.

Et surtout, ne pas oublier que :« Le fondement permettant de déterminer la valeur du travail humain n’est pas avant tout le genre de travail que l’on accomplit, mais le fait que celui qui l’exécute est une personne… Cela veut dire que le premier fondement de la valeur du travail est l’homme lui-même, son sujet…. En fin de compte, le but du travail, de tout travail exécuté par l’homme… reste l’homme lui-même »

Ces quelques affirmations, évidentes pour des chrétiens, sont en fait le fruit de douloureuses expériences pour des catégories entières de personnes et de la réflexion morale et théologique de l’Eglise. Je ne les ai rapportées que pour permettre au communicant de ce soir de se dispenser de rappels qui peuvent lui sembler par trop banals même s’ils sont nécessaires.

Christian Herrault : Je suis très heureux de me retrouver parmi vous et surtout de succéder au Père Rouvillois et à Chantal Delsol.

Tout d’abord, quelques remarques.

Chantal Delsol vous a dit dans sa conférence que trop souvent le travail salarié monopolisait tout le champ du travail, qu’il y avait d’autres formes de travail et notamment le travail qu’elle baptisait “les activités d’attention”, qui n’étaient pas dans la sphère marchande, et elle citait le travail des mères de famille et d’autres activités non rémunérées. Aujourd’hui cependant, après cet hommage rendu à ceux qui ne sont pas dans la sphère marchande, je me concentrerai sur le travail salarié.

D’autre part, vous avez entendu aussi comme premier conférencier le Père Samuel Rouvillois. Il a écrit – cela a été cité dans l’introduction -, avec son esprit brillant : « L’environnement économique appelle naturellement les prédateurs ». Je fais mienne, si je puis dire, cette affirmation et c’est pour cela qu’il faut être prudent, lorsque l’on parle de la valorisation du travail, avec les termes que l’on emploie. Les mots utilisés ont plusieurs sens. Par exemple, la valorisation, de quelle valeur s’agit-il ?

« Mal nommer les choses, c’est ajouter à la misère du monde », disait Albert Camus. Donc s’il y a des mots dont la polysémie, est trop étendue et entraîne une confusion, n’hésitez pas, à travers vos questions, à me demander des précisions.

Enfin, dernière remarque : je ne suis pas un spécialiste du sujet. Je parle en tant que praticien qui agit et observe des situations et des comportements, et qui plus est dans un lieu particulier qui est l’entreprise Lafarge.
Donc je bornerai mon propos à vous parler de mon expérience, au sein de l’entreprise Lafarge, et comment au sein de ce Groupe nous essayons que nos collaborateurs se réalisent autant que possible dans leur travail.

Pour ce faire mon exposé sera en 4 parties assez courtes pour laisser le champ aux questions.

Tout d’abord je parlerai des métiers de Lafarge. C’est bien évidemment important pour comprendre de quoi je parle en matière de valorisation du travail. Le travail dans le métier du ciment n’est pas le travail dans le métier de l’électronique ou de la biologie.

Puis je parlerai de l’histoire du Groupe, de ses origines et de sa culture.

Je vous exposerai ensuite les tendances que je peux voir dans l’évolution du groupe ; dans l’évolution de son environnement ; dans l’évolution des attentes des jeunes, de nos collaborateurs par rapport à leur travail.

Enfin je vous dirai comment nous essayons au sein du Groupe de répondre à ces évolutions, à ces attentes relatives, à la valorisation du travail de nos collaborateurs à travers notamment quelque chose que j’introduis dès maintenant – car ce sera le fil conducteur de mon exposé – “les principes d’action”, dont la première édition a été faite en 1976 par Olivier Lecerf.
Les métiers du Groupe
Nous sommes dans quatre métiers : le ciment, les granulats et béton, le plâtre et la toiture. Ils ont plusieurs caractéristiques fortes.

Tout d’abord, ce sont des métiers locaux. Locaux, parce que, pour la plupart d’entre eux, la production s’ancre dans des carrières, c’est-à-dire l’extraction de calcaire pour le ciment, de gypse pour le plâtre ou d’argile pour la tuile. La production est locale mais la commercialisation est aussi locale car, pour la plupart d’entre eux, ils sont pondéreux et voyagent peu. L’ancrage local est donc doublement important.

Nos unités de production sont petites. Une usine de ciment compte environ cent cinquante personnes ; une usine de plâtre une centaine et encore moins pour une usine de tuiles. Petites unités de production, nos sociétés qui représentent un métier dans un pays ont rarement, au total, plus de mille personnes. C’est pour vous dire que tout ceci reste à taille humaine.

Nos métiers travaillent dans le long terme. Ils ont pour la plupart une intensité capitalistique forte, c’est-à-dire que nous investissons 1 et le chiffre d’affaires correspondant à cet investissement est largement inférieur à 1. Donc, pour avoir un retour sur investissement, il faut attendre plusieurs années ; nous ne sommes pas une industrie légère, c’est le moins que l’on puisse dire.

Enfin, et c’est important, nos métiers sont ancrés dans leur territoire de par leurs caractéristiques mais de par le fait aussi qu’un de leurs critères de succès, ce sont les bonnes relations qu’ils ont avec leur environnement. Nous avons fait, sans le savoir, depuis l’origine, du développement durable. C’est tout à fait essentiel.

Si je résume toutes les caractéristiques de nos métiers : locaux, dimensions faibles, long terme, ancrés sur un territoire, vous voyez que la dimension humaine est très forte et donc cette dimension humaine qui caractérise nos activités nous donne, je dirai, un certain avantage pour parler de valorisation du travail dans sa dimension humaine.
L’histoire du Groupe
Je ne remonterai pas à 1833, date de la création du Groupe. Je vous dirai seulement que le Groupe a été créé par Auguste Pavin de Lafarge qui, après la révolution de 1830, par conviction légitimiste, a quitté son emploi de Receveur des Impôts de Lyon pour fonder avec ses fils, sur ses terres ardéchoises, une activité industrielle de chaux. Les racines du Groupe sont donc familiales.

Je saute près d’un siècle. 1920 c’est la première aventure outre-mer avec l’Afrique du Nord. Mais, véritablement, l’histoire industrielle du Groupe débute avec la fin du contrôle familial du Groupe, après la Deuxième Guerre mondiale. Et c’est à ce moment que commence véritablement l’expansion internationale.

Olivier Lecerf, qui a été Président de Lafarge de 1974 à 1989, me rappelait que lorsqu’il avait pris la direction de Lafarge, Lafarge était présent dans dix pays avec dix mille salariés et lorsqu’il l’a quitté en 1989, Lafarge était présent dans trente pays avec trente mille salariés.

Aujourd’hui, nous sommes dans soixante-quinze pays avec soixante-dix-sept mille salariés.

Ce qu’il faut noter dans l’histoire du Groupe après-guerre c’est que nous n’avons eu que quatre Présidents, ce qui est une belle continuité et longévité.

Alfred François, le premier, qui est peut-être le moins connu des quatre, mais je le cite parce qu’il aimait à répéter que « l’aptitude à commander, c’est l’aptitude à servir ». Cela montre sa philosophie de management.

Marcel Demonque, que je ne présenterai pas : une grande figure du patronat chrétien, qui a écrit des dialogues qui sont encore lus au sein de l’entreprise et qui servent de références.

C’est Olivier Lecerf qui le premier, comme je vous l’ai dit, a formalisé les valeurs du Groupe au sein de ce qui est appelé « les principes d’action ». La première version date de 1976 mais ce qui est intéressant c’est que ces principes d’action sont réécrits et enrichis à peu près tous les cinq ans : ils sont réactualisés dans leur forme parce que le fond reste le même selon la formule forte : « Mettre l’homme au cœur de l’entreprise ». Je sais que tout ceci est devenu « banal » au moins dans la formulation. Reportez-vous il y a trente ans, vous verrez que c’était beaucoup moins évident.

Enfin, le Président actuel, Bertrand Collomb, a poursuivi l’œuvre de ses prédécesseurs. Grâce à lui et grâce à des acquisitions des grands groupes britanniques Redland et Blue Circle, il a hissé le Groupe au premier rang mondial de son secteur mais aussi et surtout il a su développer la culture humaniste de l’entreprise sur laquelle s’était construit le succès du Groupe.

Comme vous l’a rappelé le Docteur Lafont, sur les soixante-dix-sept mille collaborateurs du Groupe, aujourd’hui, seulement 11 % d’entre eux sont français mais le Groupe reste cependant, je crois, bien soudé. Une réactualisation des principes d’action à la fin des années quatre-vingt n’avait-elle pas affiché sa volonté de faire de la diversité du Groupe, une richesse ?

Je reviendrai souvent sur la volonté d’anticiper les évolutions de la société de la part de chacun des Présidents du Groupe. C’est, je crois, un des traits les plus remarquables qu’il faut souligner.

Ainsi, si je résume l’histoire du Groupe : continuité du management ; présence de présidents issus de l’entreprise qui ont su chacun anticiper les évolutions et actualiser sa culture humaniste pour faire face aux défis qu’ils avaient à relever.

Pensons, par exemple, à Olivier Lecerf qui, dans les années quatre-vingt, parle des valeurs d’entreprises telles que « le travail créatif, l’esprit d’équipe, l’initiative, la liberté, la responsabilité ». Olivier Lecerf qui dit qu’il faut passer dans l’entreprise d’une logique de l’obéissance à une logique de la responsabilité et qui ajoute que « c’est une vraie révolution pour l’entreprise ».

Nous allons voir que cette vision de l’entreprise est extraordinairement moderne et doit encore se mettre en œuvre.
Quelles sont les évolutions de l’entreprise et les attentes de ses collaborateurs ?
Au niveau de l’entreprise, ce qui me frappe certainement le plus, c’est l’accélération du changement, pour s’adapter aux évolutions de l’environnement, la difficulté de prévision et l’intensité accrue de la compétition.

Dans mon expérience, vous l’avez signalé, je suis rentré dans le groupe à travers l’activité des bio-activités, c’est-à-dire les activités semences et biochimie. Les gens qui sont entrés dans le Groupe depuis une dizaine d’années n’ont pas notion que ce Groupe avait été diversifié dans les années quatre-vingt dans ces secteurs. Ainsi, toutes les entreprises que j’ai dirigées dans ce secteur ont été désinvesties. Mais même dans le domaine des matériaux de construction, dans lequel j’ai ensuite eu des responsabilités, des entreprises sont désinvesties, pour des ajustements stratégiques.
Donc, les frontières de l’entreprise, sont devenues plus floues et la stabilité du périmètre de l’entreprise n’est vraiment jamais totalement assurée.

Il est clair que la globalisation de l’économie, commencée par la globalisation du monde financier au début des années quatre-vingt est au cœur de cette accélération du changement : accélération du changement, difficulté de prévision et aussi intensité accrue de la compétition.

Il y a aussi quelque chose qui s’ajoute aux autres phénomènes, c’est une pression accrue de l’environnement extérieur pour comprendre l’entreprise.

Je suis extrêmement frappé, lorsque Lafarge est devenu le numéro un de son secteur, du nombre d’analystes de tout domaine qui voulaient comprendre comment fonctionnait l’entreprise.

Je reçois, de par ma fonction, des journalistes. Il y a un appétit d’évaluation de la part des médias qui entraîne une pression à l’intérieur de l’entreprise.

Bien évidemment, les analystes financiers sont les premiers dans cette série « d’inquisiteurs » mais ce ne sont pas les seuls, loin de là.

Toute cette pression externe sur l’entreprise, qu’il s’agisse de la compétition ou de cette inquisition, se traduit bien évidemment par un accroissement de la pression interne à l’entreprise. Il ne s’agit pas simplement de bien faire notre travail, il faut en plus montrer que nous le faisons bien. Ce qui n’est pas contradictoire mais ce qui n’est pas tout à fait la même chose.

Au niveau des individus, des jeunes, des collaborateurs, il y a trois grands axes d’évolution même si ces axes peuvent parfois ressembler à des nébuleuses.

Je mettrai dans un premier axe une montée de l’individualisme, une volonté d’autonomie, une volonté de trouver un équilibre entre vie professionnelle et vie privée : une volonté de ne laisser personne d’autre que soi-même gérer ses choix.

C’est un axe qui est assez fort. On peut dire que c’est la réaction normale à l’accélération du changement et à la flexibilité demandée par le monde extérieur. Je ne porte pas de jugement de valeur. Simplement, cet axe-là se vit et produit des changements très importants. Mon prédécesseur, Jean-Marie Schmitz (cela ne fait guère que sept ans que je lui ai succédé) quand je lui raconte que des cadres, même à haut potentiel, refusent maintenant des promotions parce que cela ne leur plaît pas ou cela ne correspond pas à l’idée qu’ils se font de leur déroulement de carrière, est surpris car il ne connaissait guère ce type de situation. Or, c’est une évolution qui est courante non seulement en Europe mais aussi aux Etats-Unis et dans tous les pays, je dirai.

Maintenant c’est une donnée à prendre en compte. Bien entendu, une vie de couple avec les deux membres du couple travaillant génère des complexités dans la gestion de la carrière de chacun.

C’est le premier axe : la montée de l’individualisme.

Le deuxième axe est une forte demande de visibilité, de transparence et de compréhension des règles du jeu.

Quand je suis rentré dans le Groupe, en 85, et que je trouvais que les choses n’allaient pas assez vite, n’étaient pas de mon « goût », que je voulais comprendre, mon patron me répondait en permanence : « Faites confiance au Groupe ». C’était la réponse standard.

Aujourd’hui, lorsque quelqu’un pose une question, je ne peux plus lui dire uniquement « Faites confiance au Groupe. » ; certes, la confiance dans le Groupe est importante, mais elle ne peut plus suffire. Il faut des règles, de la transparence comme l’on dit maintenant, pour assurer, pour asseoir un sentiment d’équité. Avec l’accroissement de la taille et de la diversité culturelle, nous avons introduit des outils communs pour tout le monde afin que chacun puisse se sentir traité équitablement.

Vous comprenez bien que cette transparence se heurte au souci d’individualisation. On veut un système transparent où chacun serait traité de façon particulière. C’est un peu la quadrature du cercle que nous devons résoudre.

Cette visibilité, cette transparence, ces règles du jeu peuvent se traduire dans des situations extrêmes par une judiciarisation assez absurde. J’avais un collaborateur, qui avait été nommé dans un secteur très difficile en Allemagne, un secteur avec des restructurations et qui avait vécu assez durement toutes les restructurations économiques de son entreprise. Il faut voir que le marché de la construction allemande, depuis maintenant sept ans, diminue de 5 à 10 % par an. Pour son retour en France, dans un poste dans lequel il avait été promu, il m’a demandé des clauses particulières de licenciement. Ainsi je me suis trouvé à négocier avec lui les conditions de son départ dans le cas où il devrait être licencié. Et c’était quelqu’un que je connaissais et je n’avais pas de doute sur ses valeurs. Je ne sais pas s’il n’a pas été pris par son expérience allemande par une certaine paranoïa.

C’est un cas extrême. Mais enfin, il y a beaucoup de choses qui doivent être beaucoup plus cadrées et formalisées aujourd’hui que par le passé.

Le troisième grand axe c’est la recherche de valeurs. Je parle des jeunes en général mais aussi de ceux qui ont rejoint le Groupe récemment. Ils ont un appétit de valeur.

Mais ces valeurs sont plus à rechercher à travers des personnes qu’à travers l’entreprise. « J’ai envie de travailler pour ce patron ». Quand on veut promouvoir quelqu’un, le patron est important. Il a toujours été important, c’est clair, mais, maintenant, ça devient un critère souvent déterminant.

Cette recherche des valeurs est aussi un peu ambiguë. Je me rappelle des amphis que l’on fait dans certaines écoles et d’une discussion avec des jeunes. Quand l’on vend, si je puis dire, le Groupe, on met en avant ses valeurs, sa tradition, son expérience internationale, sa capacité rapide à prendre des responsabilités sur le terrain, grâce à nos unités petites. On met tout cela en avant et, une fois, il y a eu ces jeunes qui disaient : « Écoutez, Lafarge, c’est très bien, mais j’aurais peur de m’y sentir bien et d’y rester ». Les jeunes cherchent plus des expériences, des essais ; je me garderai de généraliser, mais il y a dans cette recherche de valeurs en même temps une peur de l’engagement.

Cela est certainement d’ailleurs à rapprocher de cette volonté d’autonomie, de ne pas se faire piéger, de ne pas se faire embarquer là où l’on ne voudrait pas aller.

Je ne mets pas dans les axes d’évolution les demandes de rémunération. Ça vient plus tard, si je puis dire. Les demandes de rémunérations des jeunes, cela vient avec l’âge. Cela procède d’ailleurs plutôt d’un souci d’équité que d’un souci de reconnaissance.

Je ne crois pas que la reconnaissance ait changé, je ne crois pas qu’elle soit plus matérielle aujourd’hui. Mais nous pouvons en discuter.

Pour conclure cette partie sur les grandes évolutions telles que j’ai pu vous les décrire chez Lafarge, je vous citerai un Directeur de Recherches au CNRS, du laboratoire sur la sociologie du travail, Alain d’Iribarne. « Depuis le début des années quatre-vingt, nous sommes passés dans une nouvelle ère. La construction d’une histoire longue du travail et de la protection sociale, commencée à la fin de la Première Guerre mondiale, dont la propriété était de stabiliser le rapport à l’entreprise par une gestion collective avec division du travail garantie entre autres par la gestion bureaucratique, tout cela est mis en branle aujourd’hui, déstabilisé par les modèles de croissance.
C’est le modèle d’Adam Smith qui est remis en cause au profit du modèle de Schumpeter d’innovation perpétuelle. Selon lui, toutes les catégories construites historiquement sont des entraves à l’innovation et au bien-être. On détruit donc des catégories idéologiques au profit d’on ne sait quoi. En filigrane émerge la notion de société de liquidité qui va au-delà de la flexibilité. C’est une société totalement fluide qui autorise tous les ajustements. Mais sans repères sur lesquels s’appuyer c’est aussi une société de l’incertitude totale.

Or un individu social ne peut fonctionner convenablement que dans un système de repères. » Un individu sans repères ne peut être que stressé et angoissé. »

Je vous cite ces paragraphes, parce que, si j’avais maintenant à vous parler de Lafarge, je vous dirais que devant ces évolutions et c’est cela qui est assez remarquable, tous les dirigeants ont su anticiper les repères à mettre en place pour les collaborateurs afin de rester un Groupe et pour qu’il reste une cohésion sociale et une communauté au sein de Lafarge, en dépit de la flexibilité nécessaire aux « ajustements » à effectuer.

Quels sont les repères au sein de Lafarge
et comment Lafarge entend répondre à ces évolutions ?
J’ai cité les principes d’action, dont les premiers, ont été écrits par Olivier Lecerf en 1976. C’est vraiment un repère essentiel, un repère vivant, actualisé environ tous les cinq ans. J’en ai amené quelques exemplaires et vous pourrez les voir.

Nous nous sommes un peu américanisés. Nous commençons par notre vision, notre engagement. C’est décliné d’une manière beaucoup plus professionnelle. Ils viennent d’être réécrits et c’est donc une publication de 2003 que je vous ai apportée.

Dans le mode de management de Lafarge, il y a trois chapitres :
-  contribuer au succès de nos collaborateurs ;
-  rechercher l’amélioration permanente de la performance ;
-  avec une organisation multilocale.

Je voudrais me polariser sur le premier chapitre sur le style de management : contribuer au succès de nos collaborateurs.

Vous voyez que la formulation même “contribuer au succès de nos collaborateurs”, montre une certaine individualisation de l’individu. Une individualisation, c’est contribuer au succès de nos collaborateurs. Nous sommes au service des individus.

Bien évidemment dans le préambule, il y a ces mots forts : « Courage, intégrité, responsabilité, respect d’autrui et priorité donnée aux intérêts du groupe sont les valeurs qui fondent notre philosophie du management. Chacun d’entre nous est invité à montrer son engagement à ces valeurs, c’est notre façon d’établir un climat de confiance à tous les niveaux de l’entreprise ». Et ensuite cela est décliné dans des situations concrètes.

Des amis travaillant dans la fonction publique ou dans d’autres entreprises voient toujours ce document avec un certain amusement, voire un certain cynisme.

Au niveau de Lafarge, je peux vous dire que ces principes sont réellement vivants. Je prends une phrase, par exemple : « Nous attendons de nos responsables qu’ils définissent de bons objectifs de façon participative ; qu’ils sachent déléguer ; qu’ils donnent un feed-back [excusez-moi de ce terme : des retours] régulier et constructif et qu’ils évaluent les résultats de manière juste. Ils doivent s’assurer que les succès sont récompensés. Ils aident ceux qui font face à des difficultés et tirent les conséquences d’échecs répétés. » Ceci peut sembler anecdotique mais je peux vous dire que lorsqu’il y a des évolutions qui doivent se faire en dehors du Groupe, on vérifie que ces principes ont été respectés. Les ressources humaines sont chargées de le faire, de s’assurer que la personne a bien été formellement avertie, qu’on l’a véritablement aidée et que si on doit se séparer d’elle c’est après avoir fait un certain nombre de choses. C’est ce que nous appelons la deuxième chance.
Cet exemple parmi d’autres pour vous dire que, s’il n’y a plus d’emploi à vie, on s’assure quand même -parce que nous souhaitons recruter des gens pour le long terme, que nous ne rentrons pas dans un environnement de l’éphémère- que les individus qui partent et ceux qui restent comprennent le pourquoi de la décision.

Ces principes d’action sont tout à fait essentiels et ils ont contribué véritablement au succès du Groupe depuis trente ans.

Ce ne sont pas des documents qui restent dans les armoires. Nous avons lancé il y a trois ans, pour les réactualiser et les décliner, un projet. Ce projet s’appelle “Leader for tomorrow” [c’est un autre anglicisme, on pourra en parler] qui a pour but d’atteindre en trois ans les soixante-dix-sept mille collaborateurs du Groupe. Le principe est simple. On commence par en discuter au Comité Exécutif du Groupe, en discuter dans des situations concrètes, voir ce que cela veut dire et ensuite, on prend le temps de descendre en cascade à tous les niveaux. Exemple, le niveau “n” l’explique au niveau “n-1”…

Nous l’avons décliné à travers des réunions de travail, à travers des séminaires, actuellement aux dix mille cadres du Groupe et, cette année, c’est à toute la maîtrise et aux ouvriers que nous devons le décliner.

Évidemment, nous ne déclinons pas un document comme ceci au niveau du terrain. Nous déclinons des choses beaucoup plus pratiques qui montrent la réalité d’un travail d’équipe. Nous montrons la réalité de partager les objectifs. Nous montrons la réalité : qu’est-ce que ça veut dire, concrètement ?

En France c’est parfois plus compliqué parce les syndicats considèrent que c’est à eux de jouer ce rôle et que les ouvriers sont une chasse gardée. Dans d’autres pays, c’est plus aisé.

Ce que je veux vous montrer c’est que ce document qui expose la vision du Groupe, sa stratégie et sa philosophie de management c’est une toile de fond d’un paysage qui n’est pas un paysage théorique mais véritablement un repère commun pour tous les managers et tous les salariés du groupe. J’ai eu d’ailleurs des interpellations entre managers sur des cas : « Est-ce que tu l’as respecté ? » et nous avons discuté par rapport à ces repères.

C’est cela les « principes d’action ».

La deuxième chose qui est tout aussi importante pour ces repères c’est de savoir comment ces principes d’actions se déclinent très concrètement dans les politiques et les outils de ressources humaines.

Je prendrai seulement trois exemples et je m’arrêterai là pour conclure.

Le domaine de la politique de l’emploi. Nous avons une politique de l’emploi. Cette politique de l’emploi s’applique bien évidemment dans toute circonstance mais surtout dans le cas de restructuration. Restructuration, c’est malheureusement souvent un mot pudique pour dire : fermeture d’usine ou réduction de l’effectif.
Cette politique de l’emploi est fondée sur trois principes :
-  Premier principe : le principe de performance, la compétitivité de l’entreprise est la première obligation.
- Le deuxième principe est le principe d’anticipation. On va développer la compétence des personnes et des équipes pour maintenir l’employabilité et prévenir les problèmes.
- Le troisième principe est le principe de solidarité. Personne ne doit être seul face à un problème d’emploi.

Qu’est-ce que cela veut dire ? Lorsqu’il y a des problèmes et pas forcément parce qu’il y a crise, parce que la grande difficulté, c’est l’anticipation. L’anticipation est par exemple de faire une petite opération chirurgicale pour éviter d’en faire une plus grande. C’est cela qui est le plus souvent difficile à faire et qui demande le plus de courage de la part de tous et des responsables en particulier. Dans ces circonstances-là, Jean-Marie Schmitz que vous recevrez en juin pourra en parler, nous avons des résultats assez remarquables. Nous devions fermer une vieille usine au Maroc, à Tétouan, pour en reconstruire une autre. Nous avons anticipé, nous n’avons pas pris les gens par surprise mais plusieurs années avant. Il existe une vidéo de la CFDT sur Tétouan pour montrer le succès obtenu lorsque l’on anticipe ; l’on voit notamment un berger marocain qui dit : « Lafarge s’est comporté comme un bon Musulman ». En France également, lorsque l’on ferme des sites, des antennes « emplois » sont créées et on fait jouer la solidarité du Groupe avec les autres unités et il y a, je peux le dire, peu de personnes qui restent sans emploi. En Pologne, nous avons également, avec l’aide du CNRS, fait des opérations qui au début semblaient inconcevables mais qui ont donné des résultats souvent inespérés.

La politique de l’emploi est donc une façon concrète de montrer la solidarité du Groupe.

Le développement des hommes est le deuxième axe sur lequel je voudrais insister dans la politique des ressources humaines.Le développement des hommes a toujours été une force de Lafarge. Mais cela se faisait essentiellement par le développement de carrière.

Vous avez cité, Docteur, que j’avais eu une carrière extrêmement variée. Effectivement, quand on constate – et j’espère que les universitaires ne m’en voudront pas trop – que 70-80 % de ce que les gens apprennent c’est sur leur lieu de travail ; 10-20 %, c’est par leur réseau et leurs pairs et 5-10 % par la formation académique.

Le fait de mette des gens dans des situations variées : passer de responsabilités opérationnelles à des responsabilités fonctionnelles, passer d’un environnement français à un environnement étranger est toujours extrêmement riche pour le développement des individus. Et Lafarge a toujours été excellent à faire cela et c’est pour moi une base de son succès.

Cependant avec l’accélération des changements, avec le changement des demandes des individus, -vous ne pouvez pas dire aux gens : « Attendez, dans dix ans, dans quinze ans, ne vous inquiétez pas, vous serez bien formés »- il faut tout de suite expliciter, il faut changer la nature de la formation. Il faut en tout cas être beaucoup plus explicite sur ce que l’on fait.

Alors il est nécessaire de développer un arsenal d’outils, à partir de l’entretien d’appréciation annuel. Chaque cadre, voire même chaque ouvrier dans certaines unités a un entretien annuel d’appréciation. Nous l’avons bien amélioré ces dernières années pour que cet entretien puisse servir de plate-forme de développement de l’individu, pour qu’il puisse savoir là où il doit s’améliorer, là où il doit progresser. Lors de cet entretien, nous donnons également la possibilité au collaborateur de dire ce qu’il voudrait voir améliorer dans sa relation de travail avec son supérieur. Je sais que c’est un exercice difficile parce que l’on est toujours dans ces situations paradoxales, dans les Ressources Humaines. Lorsque la relation est bonne, elle devient encore meilleure, mais lorsque la relation est mauvaise ce n’est pas un outil formel qui peut la débloquer. Il faudra sans doute passer par des médiations beaucoup plus lourdes, voire par des aides extérieures.

Nous développons des outils aux noms barbares, je ne sais pas si vous les connaissez, comme “les 360°”, c’est-à-dire, un questionnaire où l’individu est évalué par ses pairs, ses collaborateurs et son chef. Seul le chef n’est pas anonyme. Le rapport va simplement à l’individu et les pairs et les collaborateurs restent dans l’anonymat. Cela permet à l’individu de recevoir une photographie de son comportement, comment il est perçu. Effectivement, les principaux problèmes que l’on a en Ressources Humaines, c’est le décalage qu’il y a entre le jugement que l’individu a sur lui et le jugement des autres. S’il n’y avait pas de décalage, ma tâche en serait grandement facilitée. C’est donc pour réduire ce décalage, un outil qui est précieux. Nous l’avons généralisé. Nous avons également mis en place, au sein de Lafarge, une université Lafarge avec des parcours de formation, tout ceci dans le souci d’expliciter et de clarifier les possibilités que l’individu a de se prendre en main ou de dialoguer avec sa hiérarchie ou ses Ressources Humaines.

Et c’est dans la droite ligne de nos principes d’action sur notre style de management.

Bien évidemment ce sont des outils pour soutenir et démontrer notre philosophie de management. Le danger, qui est humain, c’est d’être fasciné par l’outil et d’oublier la philosophie et le sens qu’ils servent. J’étais en Angleterre en début de semaine, j’ai été intrigué par la façon dont mes collègues anglais d’autres entreprises jouent avec leurs outils. J’ai eu le sentiment que les individus passent dans la machine et que l’on oublie que ce sont des personnes.

J’ai eu l’impression d’une vision mécaniste des Ressources Humaines. Il faut toujours, entre le sens et l’outil, garder une juste mesure.

Le dernier axe que je voudrais mettre en évidence dans les politiques de Ressources Humaines, après la politique de l’emploi, le développement des hommes, c’est tout ce qui concourt à la participation des salariés.

C’est la vieille idée gaullienne de participation que nous continuons à promouvoir. Nous avons des formules de participation, d’intéressement ; on a des formules d’actionnariat salarié. Nous essayons, autant que possible, par des incitations financières mais pas seulement, de vraiment impliquer les salariés pour qu’ils comprennent mieux l’environnement dans lequel ils évoluent. C’est dans la philosophie directe des principes d’action.

Nous développons de plus en plus, maintenant, des enquêtes auprès de nos salariés, pour les suivre. Nous allons faire une enquête concernant tous les soixante-dix-sept mille salariés du Groupe.

Pour conclure
Dans le texte d’introduction de cette communication, il y avait cité l’ancien contrat entre l’entreprise et ses collaborateurs, à savoir : protection, loyauté. L’entreprise protège le collaborateur qui, en retour, lui est loyal.

Bien sûr, cette formulation est extrêmement simpliste parce que la performance de chacun était implicite et le développement des personnes comme je vous l’ai montré se faisait en fonction de leurs mérites dans la durée et tout ceci dans un cadre stable.
Aujourd’hui, le cadre n’étant plus aussi prévisible que dans le passé, certains pensent à une formule tout aussi simpliste. Le nouveau contrat ne serait plus “protection, loyauté” mais “développement, performance”. L’entreprise développe chacun de ses collaborateurs qui, en retour, produit de la performance, si je puis dire.

Ce développement des individus par l’entreprise aurait l’avantage, en développant son employabilité (c’est un grand terme que maintenant vous retrouvez dans toutes les études sur le travail) de protéger l’individu face aux aléas de l’environnement. Mais cela voudrait dire que le lien avec l’entreprise serait singulièrement amoindri.

La réalité est beaucoup plus complexe. Tout individu, pour se réaliser, a besoin d’un sentiment de contribution, d’un sentiment de reconnaissance. Ces sentiments étaient autrefois systématiquement donnés par l’appartenance à l’entreprise. Aujourd’hui, je pense que l’entreprise est toujours là mais elle se vit, elle doit se vivre différemment, par ses principes d’action, par son mode de management, par ses opportunités concrètes de développement et elle ne peut plus se vivre comme un lieu aussi stable et « fixe » pour l’individu que dans le passé.

Cela ne veut pas dire cependant que l’entreprise deviendrait éphémère. Notre politique est toujours de recruter pour le long terme. La plupart de nos collaborateurs, lorsqu’ils rentrent chez Lafarge ont des chances d’y faire une carrière, mais cela ne peut plus être, absolument, une garantie.

Je vous avais cité dans la politique de l’emploi les trois termes « performance, anticipation, solidarité ». Ces trois termes sont fondamentaux lorsque l’on parle de valorisation du travail.

“Anticipation” c’est ce qui suppose clairvoyance et courage des dirigeants et de tous pour accepter les évolutions. C’est vraiment la capacité d’anticipation qui est essentielle. J’aime beaucoup cette phrase d’un sociologue : « Le changement ne se produit pas lorsqu’il est nécessaire, il se produit lorsqu’il est possible ». Tout l’art des dirigeants c’est de rendre le changement possible. Et cela, je crois vraiment, que ce soit Marcel Demonque, que ce soit Olivier Lecerf, que ce soit Bertrand Collomb, cela a été leur première mission. Alors vous allez dire : « le secteur du ciment, cela ne bouge pas beaucoup, vous êtes privilégiés ». C’est vrai. Par rapport à d’autres industries, par exemple l’électronique, nous sommes privilégiés. Je vous dirai quand même que, lorsque Bertrand Collomb est entré dans le Groupe, en 74, le N° 1 du ciment dans le monde entier, c’était Blue Circle. Nous l’avons acheté moins de 30 ans plus tard. Il se passe des évolutions même dans le ciment et il y a des anticipations à faire, croyez-moi.

L’anticipation, c’est ainsi la première chose qui permet de bâtir un cadre prévisible dans un univers qui ne l’est pas toujours, qui ne l’est pas souvent.

Le deuxième terme de l’équation, c’est la Performance parce que, sans performance, il ne peut y avoir d’entreprise, elle est essentielle à l’entreprise. Mais là vient tout de suite le troisième terme qui est la solidarité.

Trop souvent la performance se traduit par un repli sur soi de l’individu pour faire face au stress, pour se protéger des contraintes. Le secret d’une performance durable, c’est la solidarité et la coopération. On supporte la performance que si l’on ne perd pas la relation à l’autre ; c’est vraiment l’accent permanent mis sur le dialogue au sein de l’entreprise ; l’accent permanent mis sur le travail d’équipe ; l’accent permanent mis sur la relation des individus aux autres, le respect d’autrui qui a toujours été le souci pour contrebalancer les effets “pervers” de la performance.

C’est ainsi que le troisième terme de l’équation « Anticipation, Performance, Solidarité » est la clef de voûte de l’édifice, assurant sa solidité.

Je pense que cela a été et est toujours l’un des secrets des succès de Lafarge. Il ne peut pas y avoir de communauté humaine et je dirai de valorisation du travail sans cette solidarité, sans cette relation à l’autre et cela a été le génie de nos dirigeants d’avoir toujours su porter le drapeau de cette relation aux autres.

Échange de vues

Charles Meunier : J’ai été très intéressé par ce que vous avez dit sur vos collaborateurs dont les désirs, les besoins de carrière, d’intérêt de métier, ont variè au cours des dernières années.

Mais ce qui m’intéresserait aussi c’est de savoir comment vous choisissez les hommes au départ. Avez-vous des critères qui vous permettent de juger si tel ou tel est plus ou moins apte à entrer dans la maison, à s’adapter à son esprit. Est-ce que cela entraîne, par rapport aux candidatures qui se présentent, un déchet important… Comment se fait la sélection en réalité, à l’entrée chez Lafarge ?

Christian Herrault : Au niveau du recrutement. Il y a un certain nombre de critères. Nous avons d’ailleurs un profil baptisé “profil de leadership” avec des qualités qui sont énumérées explicitement et qui sont : le sens de la vision, l’intégrité, le sens du client, la capacité de diriger des hommes… Donc nous avons une grille et cette grille fournit un premier tamisage. De plus, chaque candidat a des entretiens avec plusieurs personnes et cela donne un avis plus juste sur sa capacité d’intégration au sein de l’entreprise. Je pense que c’est tout à fait important.

Mais nous avons aussi beaucoup de collaborateurs qui viennent d’entreprises acquises, donc qui ne sont pas passés par cette grille, et ces entretiens et la sélection se fait aussi à l’intérieur de l’entreprise. C’est-à-dire, c’est par les promotions, c’est tout aussi important que les recrutements.

Il y a des tentations d’être beaucoup plus mécaniciste pour gagner du temps et avoir une meilleure transparence formelle de se polariser surtout sur les seules compétences, mais nous nous assurons des deux aspects. Il est important de s’assurer que les personnes ont à la fois les compétences nécessaires et les bonnes attitudes, les bons comportements pour les mettre en oeuvre

Le Président : Permettez-moi une demande de précision. Le docteur Lafont vous citait en disant que ce n’est pas le rôle de l’entreprise de faire de la morale, celle-ci étant plutôt du ressort de la société et concernant chaque citoyen en particulier. Alors, comme il me surprendrait d’apprendre que les 20 %, selon votre estimation, de formation qu’apporte aux étudiants l’université, l’enseignement académique en général, contiennent cette dimension morale tandis que la famille semble de plus en plus défaillante de ce point de vue, que faites-vous pour que les principes d’action de Lafarge soient effectivement mis en œuvre par un personnel de moins en moins préparé à cela ?

Je souhaiterais simplement que vous puissiez préciser ce que vous faites dans la mesure où une partie du personnel n’a pas la formation ou la culture, la morale ou les références éthiques qu’on est en droit d’attendre pour mettre en œuvre ces principes d’action.

Christian Herrault : Pour tous les cadres entrant dans le Groupe nous avons un séminaire de formation très interactif qui s’appelle « Meet the Group » et qui traite de la mise en œuvre de nos principes d’action de façon très concrète.
Récemment un journaliste d’un grand quotidien m’a dit : « Mais vous, de toute façon, c’est facile pour vos critères de recrutement, vous recrutez vos cadres à Stanislas ou à Franklin ». Non, soyons sérieux.

Nous avons laïcisé les valeurs humanistes chrétiennes, mais cela ne veut pas dire que nous y avons renoncé. Je pense que ce sont les mêmes valeurs mais maintenant nos valeurs ne font pas référence à la chrétienté, non pas pour être dans le goût du jour, mais par respect pour la nature totalement internationale de nos activités.

Le Président : Mais dans le monde contemporain, elles sont de moins en moins, ces valeurs !

Christian Herrault : Non ! Je ne suis pas d’accord ! Elles sont de moins en moins d’actualité parce qu’on a de plus en plus peur de les afficher.

Je suis extraordinairement frappé de l’actualité de ces valeurs dans tous les pays.

Vous n’avez peut-être pas remarqué mais dans les principes de management, les premiers termes – et je dois dire que j’étais content qu’ils soient à cette place – c’est « courage, intégrité, responsabilité ». Je crois que le courage est quelque chose qui n’est pas ostentatoire. C’est quelque chose qui a trait à ses convictions. Ce que je vois c’est que nos valeurs telles qu’exprimées de respect de l’individu, de le prendre en considération, le dialogue de l’autre, sont bien vécues partout. L’entreprise, c’est certes l’efficacité mais ce n’est pas l’efficacité à n’importe quel prix.

« Entre morale et efficacité, il faut savoir où l’on met le curseur », comme disait Marcel Demonque. Ç’est le dirigeant, avec ses valeurs, ses convictions qui donne l’exemple. Je pense que l’on a une formidable actualité avec ces valeurs.

En France bien sûr, on est souvent plus « idéologique ». Une anecdote. Nous avons un Comité de Groupe européen. Les syndicats européens de tous les pays y participent. On a des Français, des Allemands, des Anglais, etc. Je me souviendrais toujours, c’était avec Bertrand Collomb, c’était au moment de l’acquisition de Blue Circle, on expliquait la fermeture du siège à Londres. On avait appliqué notre politique de l’emploi (antenne-emploi, etc.) pour aider les gens dans ce que je vous ai exposé. Et bien le syndicaliste anglais a pris la parole en disant qu’il remerciait Lafarge, que c’était remarquablement efficace, que tout se passait bien. Le syndicaliste français a pris la parole, en disant qu’il ne laisserait jamais dire que quand on ferme un site c’est bien, que ça ne pose pas de problème et on a eu pendant tout un quart d’heure un discours convenu. La France est bien spécifique à cet égard.

Janine Chanteur : Je vous remercie beaucoup, Monsieur, vous nous avez décrit une entreprise qui marche et qui marche grâce à ce qu’on peut appeler son éthique. Si l’éthique ne fait pas la fin de l’entreprise, elle en est en tout cas le moyen.

Cela dit, en France, vous nous l’avez dit vous-même, quand on observe les mouvements sociaux, on se dit que nous en sommes restés au vieux schéma hégélien du maître et de l’esclave. Si l’esclave ne se révolte pas, il ne se fera pas libre à travers l’Histoire. Et quand Marx passe par là, qu’il ne s’adresse plus, lui, à des individus mais à des masses, nos entreprises nous donnent le triste spectacle de la révolte : une quantité donnée de travailleurs étant considérée comme une quantité de travail en lutte contre une quantité bien moindre : le patron, dont on fait en général un portrait bien imaginaire.

La bataille entre deux quantités ne peut pas être gagnée par l’éthique. Elle est complètement évacuée puisqu’elle concerne des qualités. La relation constante que vous nous avez décrite entre l’intérêt et la richesse, chez Lafarge, entre les individus de même niveau et la hiérarchie, disparaît complètement dans nos pratiques syndicales. Le patron ne peut qu’avoir tort.

Cependant il est vrai qu’à l’heure actuelle l’individualisme que vous avez souligné brouille les cartes, mais il n’arrange rien. Nous en arrivons à une anarchie plus trotskiste que marxiste, anarchie qui détruit en réalité la vie et la fécondité de nos entreprises.

Je voudrais savoir si, et comment, réagissent les syndicats dans vos entreprises françaises, dans vos Groupes français, plus exactement. Arrivez-vous, avec les principes qui sont les vôtres, les méthodes que vous appliquez, (principes et méthodes étant soutenus par une véritable éthique de la valeur de l’être humain à travers son travail) arrivez-vous à sauver, mieux que les autres Groupes, ceux que vous dirigez en France ?

Christian Herrault : Tout d’abord, comme je vous l’ai dit, revenons aux métiers. Ce sont des métiers ancrés dans le territoire. On ne délocalise pas une carrière, une usine.

On est là véritablement pour le long terme, et on a toujours entretenu des bonnes relations avec nos partenaires locaux aussi parce que c’était une source d’efficacité.

Vous avez parlé d’éthique, nous sommes très attachés à nos « principes d’action ». Ce sont des principes d’action parce que l’entreprise est une des composantes de la transformation du monde comme disait Chantal Delsol, donc c’est dans l’action que cela se passe. L’éthique, dans l’entreprise, elle est portée par des individus et je fais mienne la phrase de Wittgenstein : « Il ne peut pas y avoir d’éthique déclarative ». C’est la valeur d’exemple des hommes qui la mettent en œuvre. Dès que l’on commence à être trop dans le déclaratif en matière d’éthique, toutes les déviations et les perversions sont possibles.

Au niveau des syndicats, je dirai en première réponse lapidaire : on a les syndicats que l’on mérite. Et là je peux envoyer une flèche aussi, que ce soit à la fonction publique ou certains patrons du privé, encore une fois c’est une question de courage. Cela dépend de l’histoire. Si je me suis plu à rappeler : Alfred François, Marcel Demonque, Olivier Lecerf, Bertrand Collomb, c’est pour montrer l’enracinement, la tradition de nos valeurs. On est trop aujourd’hui dans l’éphémère, le vedettariat. Quelles que soient les qualités de Bertrand Collomb, il doit à ses prédécesseurs, et son successeur lui devra beaucoup. Je pense que c’est cette notion d’héritage : « Qu’as-tu fait de ton talent ? » et ce que l’on transmet qui est important.

Je pense que ce défaut d’anticipation qu’on peut trouver dans les gouvernements, qu’on peut trouver chez certains chefs d’entreprise, c’est ça qui fait le plus de mal. Les syndicats se positionnent dans ce contexte-là.

J’ai eu des syndicats dans une entreprise dont a parlé le docteur Lafont, les Aluminates ; c’était la panoplie des syndicats français. J’avais de la chance : c’était une société totalement internationale. Les syndicats français étaient pris au jeu de l’international et étaient des partenaires sérieux. Les syndicats ont besoin d’être pris en considération, et aussi, comme tout le monde, formés, éduqués.

Je vous ai raconté mon anecdote sur le Comité de Groupe européen, je pense que l’Europe, pour l’évolution des syndicats, pourra être une chance.

Bernard Lacan : J’ai beaucoup apprécié votre réflexion. J’y ai retrouvé des échos de plusieurs discussions que j’avais eues dans les années soixante-dix et avec Olivier Lecerf et avec le Professeur de Woot qui était un homme tout à fait remarquable et qui je crois a été un des grands inspirateurs des principes d’action. Je crois que ces principes d’actions continuent vraiment de faire école dans les entreprises.

Je voulais poser une question concernant les non-cadres. Parce que vous avez souligné qu’il y a environ dix mille cadres dans votre Groupe. Une des grandes question dans l’entreprise c’est : comment maintient-on l’espérance de développement pour ceux qui sont en bas de l’échelle de classification et qui n’ont pas la simple préoccupation d’être protégés mais qui ont aussi celle d’un développement personnel et ce qui est naturellement plus difficile à réaliser que pour le cadre ?

Christian Herrault : C’est une bonne question.

D’une certaine façon, le problème des cadres c’est qu’ils ont rejoint aussi cette catégorie-là. Par exemple, la distinction entre les bac + 2, bac + 3, entre une maîtrise compétente, techniquement compétente non pas formée sur le tas mais ayant des diplômes et les diplômés supérieurs, la frontière est parfois ténue. Cela dépend des pays ; si vous regardez en Chine, les Chinois ont installé des systèmes de bonus, de rémunération variable pour les ouvriers. Il y a une vigueur, un décloisonnement de l’esprit extraordinaire par rapport à ces notions d’ouvriers, de cadres, non-cadres.

Pour revenir à votre question, au niveau de la maîtrise, nous essayons de faire des mobilités entre activités. Une des difficultés c’est effectivement l’ancrage géographique. Mais cela dépend des âges, s’ils sont jeunes ou s’ils sont moins jeunes. S’ils sont jeunes, pas de famille, là, ils peuvent être mobiles, même si ce n’est pas facile, je pense qu’il y a une réelle possibilité de progression qui est possible d’autant plus que nos métiers sont des métiers traditionnels à temps long, donc ils ont des places à prendre. Nous avons des difficultés pour obtenir des ingénieurs de production. Tous les jeunes diplômés voudraient faire plutôt de la gestion, du marketing, des finances.

Bernard Vivier : Ma question va porter sur le sentiment d’appartenance.

Vous avez dit qu’un des points qui frappe le plus dans votre entreprise c’est l’accélération du changement, ce sont les difficultés de prévision. Effectivement, l’entreprise est bousculée par l’exigence de ce changement, lequel peut être source de ruptures. Cela a du bon, cela a du mauvais.

Vous avez également souligné, que ce soit pour des cadres de haut niveau ou des collaborateurs autres, la montée des exigences de la vie privée, l’individualisme. Ces évolutions pourraient donner le sentiment que le sentiment d’appartenance se dilue.
Et ce n’est pas propre à l’entreprise. On voit bien que, sur ces notions d’engagement, de fidélité, d’enracinement, l’entreprise comme les autres structures de la société se trouvent bousculées.

Ma question est : dans votre entreprise avez-vous senti dans les années passées, sentez-vous en ce moment une évolution de ce sentiment d’appartenance ? D’autres liens émergent-ils qui font que les personnes se créent des sentiments d’appartenance autres que l’entreprise (par exemple, la notion de métier) ? Comment conjugue-t-on, comment découple-t-on, comment gère-t-on tout cela dans votre entreprise ?

Christian Herrault : Vous avez raison qu’à côté du sentiment d’appartenance à l’entreprise, se développent les communautés de métiers. C’est évident pour les informaticiens. Les réseaux professionnels se développent et fournissent aussi, beaucoup plus que dans le passé, un autre filet de sécurité, si je puis dire, pour l’individu s’il était mis en difficulté.

Ceci est effectivement très important pour les cadres et les cadres supérieurs.

Une anecdote. Je suis, comme vous l’avez compris j’espère, très fier de la culture de Lafarge. Cependant, je voudrais quand même vous donner une anecdote pour relativiser les choses. Nous avions fait une étude avec un sociologue sur des usines récemment acquises et anciennement acquises, afin de comprendre ce sentiment d’appartenance, qu’est-ce qui était le dominant fort de la culture des usines. En fait, ce qui n’est pas surprenant mais ce qui a un peu mis notre ego à mal, c’est que le premier déterminant était la culture locale. C’est l’histoire de l’entreprise qui venait avant la culture de Lafarge. Cela ne veut pas dire que la culture Lafarge n’existait pas mais elle était vécue en second par rapport à la culture locale.

Donc je pense que Lafarge est réputé, en tout cas tous les gens qui le voient de l’extérieur et de l’intérieur comme une culture identitaire forte, avec cet humanisme chrétien, ce respect d’autrui fort même si il y a certainement des choses à améliorer. « Nos principes d’actions c’est comme ceci qu’on voudrait qu’on soit. » Il y a un écart entre ce que nous sommes et ce que nous voudrions qu’on soit et ces principes d’actions, c’est pour montrer l’écart à combler. Ce n’est pas une photographie de ce que nous sommes. Ne vous trompez pas.

Donc ce sentiment d’identité est fort ; il est loin cependant d’être exclusif. Comme vous l’avez noté, il y a des communautés professionnelles qui se développent, nationales et internationales et qui ne sont pas en compétition avec l’identité du sentiment d’appartenance de la société mais qui sont complémentaires.

Dans ma conclusion, j’ai plus insisté sur les principes d’action que sur l’entreprise Lafarge. Je ne veux pas dire que l’entreprise devient désincarnée. Mais il y a à vivre différemment l’entreprise parce que, quand vous avez eu des collaborateurs qui ont quitté le groupe pour des aspects stratégiques et autres, vous ne pouvez pas tenir un discours d’appartenance uniquement à l’entité physique « Lafarge ». Et, encore une fois, ces ajustements, ces changements de périmètres, aussi douloureux soient-ils, n’ont concerné qu’une minorité des collaborateurs du Groupe. Il y a quand même une grande majorité qui reste stable. Cependant, c’est vécu comme une grande instabilité. Donc le discours de sentiment d’appartenance se fait au niveau de nos principes de management plutôt qu’au niveau d’une entité physique, si je puis dire.

Michel Berger : Dans les principes d’action que vous avez énoncés, il n’y a pas le terme “subsidiarité” auquel on est assez attaché. La subsidiarité transparaît. Mais y a-t-il une raison pour que ce terme n’apparaisse pas ?

Christian Herrault : Je ne sais pas comment vous répondre… Il y a des personnes éminentes que je ne citerai pas qui ont dit : est-ce que l’Église a finalement aussi bien réalisé, réussi son principe de subsidiarité ? Je ne me permettrai pas de porter de jugement.

Mais ce sentiment de subsidiarité, il transparaît. D’abord, il faut une certaine culture et un certain référentiel pour pouvoir le décliner. On a voulu un moment parler de déconcentration et non de décentralisation.

Ce principe de subsidiarité, on essaie de le décliner. On est en train de réfléchir sur une nouvelle organisation du groupe.

Lorsque vous regardez un problème comme la stratégie, très concrètement, chaque niveau est beaucoup plus emmêlé, entre le niveau du pays, de la région, le niveau global du Centre qu’il n’y paraît. Donc il faut plutôt développer des coopérations, des espaces de responsabilité avec des frontières plastiques plutôt que des territoires qui communiquent les uns aux autres.

La structure habituelle de notre entreprise, compte tenu de son ancrage local pour ceux qui la connaissent, pouvait être proche de la structure féodale. Je dis ça parce que c’est une structure qui marche formidablement bien. C’est, là où on gère un territoire, on se sent responsable et on rend compte à son chef qui lui-même rend compte à son chef et tout ceci procure responsabilité, reconnaissance, et ça marche très bien. Quand les problèmes de transversalité et de coopération entre les territoires se développent, la structure féodale devient extraordinairement complexe. D’ailleurs, je ne suis ni Tocqueville, ni Furet mais une des raisons de la Révolution Française a été que cet édifice féodal s’était incroyablement complexifié et avait du mal à se régénérer par lui-même pour faire face à la modernité.

Ce que je veux dire c’est que la subsidiarité est au cœur de notre réflexion mais que sa mise en œuvre est complexe.