Présentation par Rémi Sentis, Secrétaire général

Je voudrais simplement rappeler ici quelques points de ta biographie, Chantal, au nom d’une très ancienne amitié. Tu t’es toujours intéressée à la philosophie politique ; au début de ta carrière tu as été l’élève de Julien Freund, ce qui t’a conduite au doctorat ès lettres en 1982. Mais avant d’évoquer tes travaux universitaires, je voudrais rappeler deux points : la politique, tu l’as connue de près, avec ton mari qui a été un des très éminents hommes politiques à la fin du siècle dernier. Et deuxièmement, la famille, cellule de base de la cité, dont la protection doit être au centre de la politique, tu la connais. Tu la connais non pas dans les grandes théories mais dans la pratique, avec tes six enfants. Tu as même écrit quelques romans familiaux, et en pensant sans doute à tes petits-enfants tu as publié en 2011 un Manuel d’instruction civique et morale destiné aux enfants du Primaire, manuel qui avait sans doute un trop bon goût pour être agréé par une administration dont l’objectif était de remplacer « la morale de nos pères » par une autre, celle du ministère.

Malgré tes multiples occupations, tu as été nommée professeur à l’Université de Marne-la-Vallée, où tu dirigeas le Centre d’études européennes. Tu y fondas en 1993 l’Institut Hannah-Arendt. Tu t’es beaucoup intéressée à Soljenitsyne, aux penseurs d’Europe centrale, avec la collaboration d’universitaires de haut niveau, en particulier hongroises et polonaises. Après de nombreuses publications remarquées, tu as été élue à l’Académie des sciences morales et politiques en juin 2007. Ta bibliographie est extrêmement abondante et je citerai simplement quelques-uns de tes ouvrages : Éloge de la singularité en 2000, qui te valut le prix de l’Académie française, La détresse du petit Pierre qui ne sait pas lire en 2010, Populisme : les demeurés de l’Histoire en 2015, Le nouvel âge des pères (avec Martin Steffens) en 2015, La haine du monde, 2016, qui fut traduit en plusieurs langues et qui a connu une réédition, La démocratie dans l’adversité en 2019, et dernièrement Le crépuscule de l’univers.

Dans tes livres, tu décris les travers de notre société post-moderne empreinte d’un individualisme exacerbé. Et tu fais remarquer que la déconstruction de notre héritage judéo-chrétien a eu et aura de multiples conséquences et répercussions au sein même de l’Occident – on pense au populisme en particulier. A titre d’exemple, tu pointes du doigt la confusion voulue entre le légal et le moral ; je te cite (dans La haine du monde) : « Nos concitoyens sont persuadés que ce qui est légal est moral par là-même. Il suffit que l’État promulgue une loi permissive pour que cette permission ait valeur de bien ». Tu ajoutes : « Sans plus de religion ni de tradition, nous n’avons plus d’arrière-plan susceptible de nous fournir les éléments d’une alternative aux lois de l’État. Ainsi survit le positivisme juridique dont le totalitarisme était le chantre ».