Gérard-François DUMONT, Recteur,

Professeur à la Sorbonne, Président des revues Population & Avenir

 

 

Marie-Joëlle Guillaume[1]

         

Cher Gérard-François, c’est une joie particulière de vous accueillir ce soir : il y a, je crois, plus de quarante ans que nous nous connaissons. Vous n’étiez pas encore le recteur Gérard‑François Dumont lorsqu’en 1986, au temps où vous publiiez La France ridée, nous nous étions trouvés ensemble, déjà, sur une tribune. De loin en loin s’offrent des occasions de nous revoir pour travailler ensemble ; ce soir, c’en est une très belle.

Je rappellerai d’abord que vous êtes marié, père de quatre enfants, grand-père de dix petits-enfants. Vous êtes aujourd’hui professeur émérite à l’Université de la Sorbonne, membre du laboratoire Médiations. Auparavant, parmi de multiples fonctions vous étiez membre de section du Conseil économique et social, expert auprès du Comité économique et social européen et du Conseil de l’Europe, administrateur de la Société de géographie et conférencier international. Je signalerai aussi vos fonctions de membre du conseil stratégique et prospectif de l’Institut d’études des relations internationales.

Un petit retour en arrière : vous avez commencé dans la vie par être dirigeant d’entreprises, de 1972 à 1988, tout en vous intéressant de près à la géographie dès les années 70, doctorat à l’appui ; ensuite, de 1988 à 1996, vous êtes professeur à l’Université de Paris IV-Sorbonne. Vous êtes aussi directeur de l’Institut d’urbanisme et d’aménagement de la Sorbonne, et professeur délégué aux finances de l’université. À la fin de cette période, entre 1994 et 1996, vous êtes membre de la section de l’aménagement du territoire et des économies régionales du Conseil économique et social, et de 1996 à 1998 vous êtes recteur d’académie, chancelier des universités. Mais j’arrêterai là le récit linéaire de votre cursus, car il est très riche et je ne veux pas empiéter trop sur le temps de votre communication.

J’ai en revanche plusieurs choses à dire qui intéressent directement notre Académie et notre thème d’année. Vous animez en effet deux revues : Population & Avenir, la revue des populations et des territoires (https://www.population-et-avenir.com/revue-population-avenir/) et Les analyses de Population & Avenir https://www.cairn.info/revue-analyses-de-population-et-avenir.htm, revue numérique créée en 2020. Vous êtes aussi directeur du site de démographie et de géographie des populations lié à Population & Avenir.

Je laisse de côté vos autres responsabilités éditoriales dont plusieurs touchent à la géopolitique. Vos publications dans des revues scientifiques – le site Science ouverte du CNRS, le site Cairn par exemple – se doublent de la publication d’un très grand nombre de livres portant sur toutes les régions du monde : plus de 900 publications dans une quinzaine de langues. Vous comprendrez donc que je me limite tranquillement à l’une des dernières, à laquelle vous tenez je crois, publiée chez Armand Colin en 2019, réédité en 2023n et qui s’intitule Géographie des populations. La lecture de votre bibliographie est pourtant passionnante, qu’il s’agisse de vos propres ouvrages ou de vos collaborations récentes à des ouvrages collectifs.

En tant que maître en géopolitique des populations, votre dernière analyse s’intitule « Israël, Territoires palestiniens : quels scénarios géopolitiques possibles ? Entre guerre et utopie », publiée dans Les analyses de Population & Avenir, n° 47, en date d’octobre 2023. https://www.cairn.info/revue-analyses-de-population-et-avenir-2023-5-page-1.htm

Ce n’est pas notre sujet de ce soir, mais c’est l’actualité de notre monde, que vous ne craignez pas, on le voit, de prendre à bras le corps. C’est dire combien, sur le malthusianisme, nous attendons de vous un regard acéré.

[1] Présidente de l’AES

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COMMUNICATION

 

Gérard-François Dumont

Merci, chère Marie-Joëlle. C’est un grand plaisir de vous revoir après des années de relatif éloignement, alors que nous avons eu des collaborations très étroites par le passé. J’ai aussi le grand plaisir de voir dans cette salle beaucoup de personnes que j’apprécie énormément, y compris certains d’entre vous qui ne vont rien apprendre ce soir parce qu’ils savent déjà tout ce que je vais dire, Jean-Didier par exemple ! Je me suis trouvé face à une certaine difficulté pour préparer cette soirée : vous connaissez la curiosité sans bornes de votre présidente, elle m’a fixé un sujet fleuve, tout en me donnant à peine le temps de parler d’un bout de rivière… J’ai donc fait un choix évidemment subjectif dans ce thème extrêmement large, afin de vous livrer quelques réflexions avant d’entamer le débat avec vous.

 

Introduction : un contexte sémantique malvenu

En introduction, il faut rappeler d’abord que ce thème se trouve dans un contexte sémantique qui lui est défavorable pour bien le comprendre. J’évoquerai simplement deux mots. Le mot « explosion », employé dans l’expression « explosion démographique », est très souvent utilisé mais déforme totalement la réalité puisqu’une explosion est un phénomène soudain et spectaculaire ; or la croissance démographique de la population dans le monde depuis deux siècles n’est ni un phénomène soudain, ni un phénomène spectaculaire. C’est un phénomène qui s’est étalé sur des décennies et qui était tout à fait prévisible puisqu’il pouvait relever d’explications claires, comme j’essaierai de vous le montrer. Le deuxième mot, extrêmement répandu, est celui de « surpopulation ». Combien de journaux nous expliquent qu’il y a une « surpopulation » ! Pour mettre en évidence à quel point ce mot est impropre, je vous propose d’organiser le monde virtuellement grâce à la mise en place d’un gouvernement mondial qui prendrait la décision suivante : demander aux populations d’Afrique, d’Asie, d’Europe, d’Océanie, d’Amérique latine et du Canada, d’abandonner leur territoire pour aller se concentrer uniquement aux États-Unis, c’est-à-dire réunir les 8 milliards d’habitants de la Terre sur le seul continent nord-américain. Quelle serait alors la situation aux États-Unis ? On pourrait penser que cette population serait serrée comme dans une boîte de sardines ; pourtant, il n’en serait rien, la densité des États-Unis serait inférieure à la densité actuelle de la région Île-de-France ! Ce seul exemple permet donc de relativiser cette notion totalement impropre de surpopulation, mot dont l’usage abusif traduit le contexte idéologique de son emploi. C’est la raison pour laquelle, dans une première partie, pour être fidèle aux consignes reçues, je rappellerai ce que devient le malthusianisme à l’épreuve des faits – en résumant seulement ce questionnement – avant de vous proposer de réfléchir, dans une seconde partie, selon une échelle plus réduite, celle de l’Europe. Enfin dans une troisième partie je situerai mon propos à l’échelle de la France.

 

  1. Le malthusianisme à l’épreuve des faits

Concernant le malthusianisme, il importe de comprendre qu’en réalité il s’agit d’une idéologie qui a toujours existé dans l’histoire de l’humanité, bien avant d’être magnifiée et présentée de façon extrêmement pédagogique par Malthus en 1798. En revanche, selon les périodes de l’histoire, elle a pris une importance plus ou moins grande. Il faut donc rappeler que, bien avant Malthus, existaient des doctrines que j’appelle proto-malthusiennes, les premières se trouvant tout simplement dans les textes de Platon et d’Aristote. Rappelez-vous comme Platon rêvait d’une stabilité de la population de la ville d’Athènes, et proposait une politique démographique extrêmement précise pour parvenir à ses fins – éviter toute diminution ou augmentation de la population d’Athènes. Et Aristote avait exactement le même raisonnement. Mais Malthus, lui, propose une expression extrêmement claire à partir du constat que la population augmenterait selon une progression géométrique tandis que la production alimentaire augmenterait selon une progression arithmétique, ce qui fait donc peser un risque de surmortalité très élevé sur cette population. C’est pour cette raison que Malthus propose alors les fameuses contraintes pour limiter la population.

Cette doctrine de Malthus a traversé la Manche assez rapidement, sous l’expression de « malthusianisme économique » qu’on trouve tout particulièrement chez Jean-Baptiste Say qui, vous le savez, conseillait aux Français de faire des épargnes plutôt que des enfants. Or il importe de préciser que les Français ont suivi son conseil, puisque la France au XIXe siècle, et même dès la fin du XVIIIe siècle, a été le seul pays à voir baisser sa fécondité, tandis qu’à la fin du XIXe siècle et au début du XXe, la France procède à ces fameuses épargnes en plaçant son argent dans les emprunts russes dont vous connaissez la suite de l’histoire. Bref ce malthusianisme économique a une importance considérable, jusqu’à ce que les faits mettent en évidence qu’il s’agissait d’un malthusianisme assez erroné puisqu’il n’avait pas pris en compte les apports des progrès techniques et économiques.

Une nouvelle audience significative du malthusianisme apparaît ensuite dans les années 1960 et 1970, avec ce qu’on appelle le « malthusianisme des ressources » : dans la mesure où les ressources étaient considérées comme allant devenir insuffisantes, il fallait diminuer ou du moins limiter la population, jugée trop nombreuse. C’est évidemment le raisonnement du Club de Rome [dans son rapport célèbre de 1972], raisonnement que l’on retrouve aussi chez des personnes extrêmement connues comme le Commandant Cousteau, qui expliquait en 1991, dans le Courrier de l’Unesco, que supprimer 350 000 personnes par jour permettrait de parvenir à un chiffre moindre de population dans le monde ! Il ne se mettait pas dans le lot des 350 000, vous l’aviez deviné. Ce malthusianisme des ressources traverse aussi les fameux livres de Paul Ehrlich, dont La Bombe P publiée en 1958 ; puis il faut constater que, dans les années 1980 et 1990, l’importance du malthusianisme a diminué pour une raison simple, c’est que tous les malheurs qu’il avait annoncés et qui devaient survenir avant la fin du XXe siècle ne se sont pas produits ; et Paul Ehrlich a lui-même survécu à tous les malheurs qu’il avait annoncés. Par conséquent, cette période des années 1980 et 1990 a vu l’influence du malthusianisme diminuer sur nos sociétés. Mais cette idéologie est parvenue à renaître sous la forme du « malthusianisme écologique », qui considère la nature comme étant plus importante que l’homme. On trouve donc chez ces partisans du malthusianisme écologique, comme Lovelock, l’idée qu’il faut exclure l’homme pour laisser la nature tranquille, et abaisser la population du monde à 500 millions d’individus. D’où une théorie comme celle de Lovelock qui demande un abaissement de la population mondiale à 500 millions, mais sans dire comment s’y prendre, contrairement à Platon dont la politique démographique était extrêmement bien exposée.

Ce malthusianisme écologique va même être poussé plus loin encore avec le « malthusianisme intégral », qui consiste à penser qu’il faudrait vider la Terre de ses habitants. Je fais référence ici au mouvement américain fondé sur l’extinction de la population dans le monde, dont le slogan est : « Soyons heureux et n’ayons pas d’enfants » ! L’encouragement à l’égoïsme est donc tout à fait net dans leur formulation. Sachez aussi qu’un des collaborateurs du Commandant Cousteau, Yves Paccalet, avait écrit L’humanité disparaîtra, bon débarras. C’est bien le titre de son livre ! Ainsi, ce malthusianisme intégral signifie la suppression totale de l’humanité sur Terre.

Néanmoins ces différents malthusianismes n’ont pas toujours le succès que souhaiteraient leurs partisans, qui ont dû trouver un autre ressort pour faire revivre leurs idées : ce ressort est réapparu précisément en 2009 sous la forme de ce que j’appelle le « malthusianisme climatique », exprimé notamment dans un rapport du Fonds des Nations-Unies pour les questions de population, lui-même résumé dans un gros titre du Monde en 2009 : « La limitation des naissances, remède au péril climatique ». Tout est dit. On voit donc se développer une idéologie radicale, la green inclusion, selon laquelle il ne faut pas avoir d’enfants. Je vous invite aussi à regarder les articles d’un de nos écologistes les plus renommés actuellement, Monsieur Jancovici, qui milite lui aussi pour la nécessité de limiter la population. Nous sommes donc aujourd’hui en 2023 dans une période de regain significatif du malthusianisme, que ce soit dans les médias, dans l’opinion publique, ou chez les dirigeants, cette fois sous la forme du malthusianisme climatique qui a permis au concept de malthusianisme de se réinventer.

A l’épreuve des faits, tous ces malthusianismes sont-ils justifiés ? J’ai déjà précisé que ce n’était pas nécessairement le cas. Mais encore faut-il le montrer. Les faits, nous les connaissons : environ 1 milliard d’habitants dans le monde en 1800, environ 8 milliards en 2023 – il s’agit bien sûr d’ordres de grandeur, il n’y a pas de recensements parfaits dans tous les pays, et de nombreuses naissances ne font pas l’objet d’enregistrement à l’état civil, donc ces chiffres sont bien entendu des estimations. Cette multiplication par 8 de la population du monde, qui interroge inévitablement, nécessite une explication qui relève du schéma de la « transition démographique » que je vais résumer. Ce schéma éclaire dans la mesure où l’on se rappelle qu’avant cette transition démographique qui a démarré à la fin du XVIIIe siècle en Angleterre, les taux de natalité de l’humanité sont très élevés, et ce pour une raison bien simple, c’est que les taux de mortalité sont alors eux-mêmes extrêmement élevés. Autrement dit, si nos ancêtres n’avaient pas eu des familles nombreuses, l’humanité aurait disparu, puisque je vous rappelle qu’en 1750, sur quatre bébés qui naissent, au moins un meurt avant l’âge de 1 an, et un second meurt avant d’atteindre l’âge adulte. Cette surmortalité est donc considérable, comme la surmortalité maternelle. Mais à partir de la fin du XVIIIe siècle, des progrès médicaux extraordinaires vont entraîner le recul des taux de mortalité. Dans un premier temps[1], cela conduit à une baisse rapide du taux de mortalité, en moyenne bien entendu. Or, pendant ce temps, les populations continuent, par effet de vitesse acquise et en quelque sorte par habitude, à avoir des taux de natalité élevés, ce qui entraîne une hausse importante de la population, jusqu’au moment où ces populations se rendent compte que les taux de survie de leurs enfants se sont largement améliorés, et qu’il n’est donc plus nécessaire d’avoir cinq ou six enfants pour en voir au moins deux atteindre l’âge adulte. C’est pourquoi ils adaptent leur comportement de fécondité à une mortalité considérablement abaissée. Mais, avant cette adaptation, les taux d’accroissement naturel[2] – c’est-à-dire la différence entre la courbe rouge du schéma de la transition démographique (taux de natalité) et la courbe noire (taux de mortalité) – augmentent considérablement, jusqu’au moment où une inversion opère. D’une part en effet, les taux de mortalité continuent de baisser, mais à un rythme moins rapide – pour une raison bien simple, c’est qu’une fois abaissée la mortalité infantile de 75 %, certes le progrès est encore possible mais dans une moindre mesure. Et d’autre part, les taux de natalité baissent plus vite que les taux de mortalité, ce qui correspond à une période de décélération de la croissance démographique (sur le schéma, il s’agit de la partie où vous voyez cette courbe verte diminuer[3]).

Alors, quelles en sont les raisons ? Je les résume dans un carré magique : les progrès techniques agricoles tout d’abord, c’est-à-dire le fait que l’alimentation pour les populations est devenue suffisante et diversifiée, et que les capacités de stockage et de transport se sont améliorées. Je ne citerai qu’un exemple récent, ou plutôt du dernier demi-siècle : je ne sais pas si vous vous rappelez que dans les années 1950, des experts conseillaient à l’Inde de donner la priorité à la mise en place de ports extrêmement vastes pour pouvoir accueillir des importations alimentaires qui auraient permis de nourrir sa population. Or c’est le contraire qui s’est passé. En effet, l’Inde[4] a amélioré considérablement sa production agricole, même si ça n’est pas encore parfait et qu’une partie de la population demeure sous-alimentée, et elle est devenue un exportateur agricole, contrairement à ce qu’avaient annoncé nos « brillants » experts.

Deuxième élément bien connu : les progrès médicaux et pharmaceutiques. Je prendrai tout à l’heure l’exemple de la révolution pasteurienne et de l’ensemble des progrès hygiéniques qui ont permis d’abaisser les taux de mortalité, en particulier la mortalité infantile et maternelle, grâce à ce que nous a enseigné le Hongrois Semmelweis au milieu du XIXe siècle. Il faut insister enfin sur les progrès techniques qui limitent la pénibilité du travail ; ils vont être aussi un élément d’augmentation de l’espérance de vie.

Pour illustrer ces changements, j’ai choisi trois exemples parmi tant d’autres : celui de la quinine, d’abord, dont l’importance a été découverte vers 1825 par les pharmaciens Pelletier et Caventou – qui sont honorés au métro Luxembourg. Ils ont montré en effet combien la quinine pouvait aider l’homme à lutter contre la morbidité, raison pour laquelle on la retrouve aujourd’hui dans de très nombreux médicaments. Deuxième exemple, celui des campagnes hygiéniques, par exemple en France en 1930. Regardez cette affiche[5], elle est très importante parce qu’elle témoigne de la réalité des résultats des recensements de l’époque, où la majorité des logements n’a pas de salle d’eau. Et le conseil qui est donné, c’est de prendre un bain au moins une fois par semaine ! Évidemment, le chiffre a été dépassé depuis… Enfin, troisième élément très important, c’est l’amélioration de la qualité des eaux grâce aux stations d’épuration et au traitement des déchets. Tous ces éléments combinés se sont donc traduits par un considérable abaissement de trois mortalités, infantile, infanto-adolescente et maternelle.

Mais quel a été le principal moteur de la croissance démographique qui a conduit la population à passer de 1 milliard à 8 milliards ? Est-ce davantage dû à la baisse de la mortalité ou à la hausse de la natalité ? La réponse est tout simplement dans les courbes, qui montrent qu’en réalité depuis les années 1950, grosso modo, la natalité n’a cessé de baisser et continue de baisser[6]. C’est pourquoi la raison fondamentale de l’augmentation de la population dans le monde est l’abaissement des taux de mortalité[7], la très forte hausse de l’espérance de vie, donc l’amélioration des taux de survie des populations. Je rappelle aussi qu’en 1950, l’indice de fécondité est d’environ 5 enfants par femme en moyenne dans le monde, alors qu’aujourd’hui il est à moins de 2,4 enfants par femme, toujours en moyenne dans le monde.

Si la population a augmenté, c’est parce que la mortalité s’est considérablement abaissée, ce qui a permis l’augmentation de l’espérance de vie. Examinons le cas de la France, dont nous avons la chance de posséder la connaissance de l’espérance de vie sur une longue période ; et cette courbe montre que l’espérance de vie à la naissance qui se situait autour de 35 ans en 1806, dépasse aujourd’hui 80 ans.

Pour conclure sur l’épreuve des faits, on peut se demander si toutes ces évolutions n’ont pas été défavorables aux générations futures : je pense ici au thème du développement durable, selon lequel il ne faut rien faire qui puisse nuire aux générations futures – il y a eu encore récemment une décision de justice à ce sujet. Le développement démographique est-il conforme aux principes de durabilité ? Pour le moment, la réponse est oui, c’est-à-dire que les générations ayant bénéficié les premières d’une forte augmentation de leur espérance de vie n’ont pas nui aux générations suivantes qui ont continué à bénéficier de cette longue espérance de vie et ont même continué de voir leur espérance de vie s’améliorer. Donc, l’ensemble des progrès qui ont permis la baisse de la mortalité sont conformes aux principes du développement durable, ce qu’il est essentiel de rappeler face à certaines affirmations de personnes qui se disent écologistes.

Comment dans ce contexte envisager l’avenir ? Il faut insister d’abord sur le fait que l’avenir n’est pas écrit et que l’on n’est pas en mesure de connaître avec certitude les effectifs de population du futur. Certes, des organismes statistiques présentent régulièrement des projections démographiques qui conduisent à annoncer des chiffres de population pour le futur ; or, en réalité, beaucoup de ruptures peuvent se produire[8]. Elles peuvent être négatives, conséquences de guerres, de comportements d’hygiène moins respectueux, d’épidémies imprévues, de politiques moins respectueuses des règles du développement durable, etc. Mais des ruptures peuvent aussi se produire au bénéfice de la population, quand elles proviennent de nouveaux progrès médicaux et pharmaceutiques entraînant encore une meilleure espérance de vie, mais aussi d’un respect plus grand des règles d’hygiène, d’une meilleure diplomatie permettant d’éviter des guerres, sans compter de nouveaux progrès encore en matière de développement durable et de lutte contre la pollution. Aussi, compte tenu de tous ces éléments, l’avenir n’est pas écrit. Il pourrait tout autant se traduire par une poursuite de l’augmentation de la population mondiale quasiment au même rythme qu’aujourd’hui, que par une baisse de la population mondiale, ce qui, selon les causes de cette baisse, ne serait pas nécessairement une bonne nouvelle. De toute façon, toute courbe sur les perspectives de population mondiale n’a en fait pas grande importance, pour la raison suivante : en réalité, ce qu’il convient d’analyser n’est pas le nombre d’habitants sur Terre, mais la façon dont se répartissent ces populations et leurs dynamiques différenciées. Nous sommes en effet dans un monde de plus en plus diversifié, et la réalité démographique, elle, n’est pas planétaire mais nationale, voire infranationale, je voudrais vous le montrer.

Prenons un exemple : si l’on se situe aux bonnes échelles, que constate-t-on ? D’abord qu’il y a des types d’accroissement naturel extrêmement différents : le Nigeria, par exemple[9], n’a pas terminé sa transition démographique et a, encore dans les années 2020, un taux d’accroissement naturel significatif, tandis que l’Allemagne a un solde naturel nettement négatif. Quant à la Chine, sa population a commencé à diminuer depuis 2023[10]. Pour comprendre ces dynamiques démographiques extrêmement différenciées, le mieux est de comparer deux pays dont la population est du même niveau. Je vous propose donc par exemple de comparer le Japon[11] et le Mexique. Du point de vue de Sirius, on va dire qu’ils ont la même population, et qu’ils contribuent donc de la même façon à la population du monde. Mais ce serait une vue complètement statique de considérer les choses ainsi, parce qu’en réalité aucun indicateur démographique n’est semblable entre le Japon et le Mexique, qu’il s’agisse du taux de natalité, de l’indice de fécondité, du taux de mortalité, de mortalité infantile, du taux d’accroissement naturel, d’accroissement migratoire, du taux d’accroissement total, de l’espérance de vie des hommes, de celle des femmes, du pourcentage de moins de 15 ans ou du pourcentage de 65 ans ou plus – bref, toutes les dynamiques démographiques de ces deux pays sont différentes. En conséquence, j’ai montré dans un article récent que nous allons de plus en plus vers un monde que j’appelle « plurilatéral »[12].

Ainsi, à l’épreuve des faits, le malthusianisme est démenti, d’abord parce que cette croissance de la population mondiale de 1 à 8 milliards est le résultat des progrès faits par l’humanité – et si effectivement certains souhaitent qu’on retrouve des taux de mortalité de 300 pour 1000, des taux de mortalité infanto-adolescente de 300 pour 1000, et qu’à nouveau 6 % des femmes meurent en couches ou par suite de couches, qu’ils le disent ! Mais c’est ce monde qu’ils nous proposent, lorsqu’ils demandent le retour à un milliard ou à 500 millions d’habitants.

 

  1. L’hiver démographique européen

J’en viens à ma partie sur l’hiver démographique européen. Vous me pardonnerez, j’espère, si l’abondance de chiffres rend mon exposé de ce soir quelque peu indigeste ; le débat vous permettra, je l’espère, de mieux les ‘’digérer’’. Concernant le concept que j’ai proposé d’hiver démographique européen, je rappelle simplement que j’en propose une définition extrêmement précise. En effet, une population en situation d’hiver démographique, c’est une population dont la fécondité se trouve en dessous du seuil de remplacement des générations pendant une durée significative. Cette définition a une valeur scientifique et un sens extrêmement précis. Or l’Europe, que ce soit à l’échelle du continent européen ou de l’Union européenne, est bien dans cette situation, sa fécondité étant nettement inférieure au seuil de remplacement des générations depuis le milieu des années 1970. En revanche, cette entrée dans l’hiver démographique ne s’est pas effectuée au même moment selon les pays européens. La conséquence de tout cela, à l’échelle de l’Union européenne composée de 27 pays, c’est d’abord la dépopulation. Il faut en effet distinguer la dépopulation, c’est-à-dire le fait d’enregistrer plus de décès que de naissances, et le dépeuplement, qui correspond à une diminution de la population. Or l’Union européenne connaît une dépopulation depuis 2012, puisque, chaque année, l’Union européenne, à l’échelle de 27 pays, enregistre plus de décès que de naissances. À cet égard, on mesure d’ailleurs l’imprégnation de la pensée malthusienne : cette entrée dans la dépopulation de l’UE, événement absolument majeur dans les dynamiques de notre continent, aurait dû en effet faire les titres de tous les journaux européens ; or, le phénomène a été quasiment passé sous silence. Le deuxième élément fondamental de l’évolution démographique de l’Union européenne, conséquence de cet hiver démographique, est l’effet de ciseaux observé entre le taux d’accroissement naturel et l’accroissement migratoire : à partir de la fin des années 1980 et même au début des années 1990, la croissance démographique de l’Union européenne des 27 a été portée d’abord par l’excédent des naissances sur les décès, et en second lieu par des apports migratoires. La cause la plus importante de la croissance de la population de l’Union européenne était l’excédent des naissances sur les décès. L’effet de ciseaux vient du fait que vers 1991, une inversion de ces phénomènes démographiques s’est produite : la croissance démographique de l’Union européenne, avant même de devenir négative – on reviendra sur ce point – a alors relevé davantage de son solde migratoire positif que d’un accroissement naturel, celui-ci devenant négatif à partir de 2012. La dynamique est donc inverse par rapport à celle enregistrée auparavant.

Ainsi, la combinaison de ces deux éléments se traduit depuis lors dans l’Union Européenne à 27 par un dépeuplement, certes plus récent, même s’il serait éventuellement à réévaluer, compte tenu de la crise ukrainienne. Déjà, avant le 24 février 2022, la population de l’Union européenne avait moins baissé que si elle n’avait pas accueilli, déjà avant la guerre, des millions d’Ukrainiens. Et depuis la guerre, selon les statistiques même d’Eurostat, vivent dans les 27 pays de l’Union européenne, 4,3 millions d’Ukrainiens sous protection temporaire. Or malheureusement, d’après les dernières données, ce chiffre augmente, du fait que les Ukrainiens continuent aujourd’hui encore à quitter leur pays[13]. Mais comment compter cette population ? Faut-il comptabiliser ces personnes comme présentes seulement temporairement sur le territoire de l’UE, sachant que probablement une partie d’entre elles, quelles que soient les évolutions géopolitiques, ne retourneront jamais en Ukraine ? J’en parlais ce matin encore à des collaborateurs de l’INSEE, je ne sais pas à l’heure actuelle quel affichage va être choisi, ni comment les pays vont faire apparaître cette population ukrainienne dans leurs chiffres. Pour la France, les Ukrainiens représentent une faible part de la population totale, même pas 100 000 personnes, mais en Allemagne ils sont plus d’un million d’Ukrainiens à vivre sous protection temporaire. À l’échelle de l’UE ce sont donc 4,3 millions d’Ukrainiens pour l’ensemble des 27, chiffre qui ne tient pas compte bien sûr de ceux qui sont partis en Amérique du Nord, au Royaume-Uni ou dans d’autres pays non membres de l’Union européenne.

Ainsi l’hiver démographique européen est-il réellement extrêmement intense, l’UE ayant une fécondité d’environ 1,5 enfant par femme, ce qui est inférieur de presque 30 % au seuil de simple remplacement des générations. Et quand la population ne diminue pas, c’est en raison des apports migratoires.

 

  1. Face à l’atrophie de la France

Dans ce contexte, comment se situe la France ? Ce sera l’objet de ma troisième partie. Au sein de l’Union européenne, la France s’est trouvée pendant un certain temps, il est vrai, dans une situation relativement moins défavorable[14]. Certes, elle est bel et bien entrée dans l’hiver démographique dès 1974, sa fécondité étant passée sous le seuil du simple remplacement des générations à cette date, mais elle a conservé une fécondité nettement plus élevée que la moyenne de l’Union européenne, en réalité une des meilleures fécondités de l’UE. Le graphique que vous voyez[15] le met en évidence, notamment par la courbe montrant l’évolution des fécondités de 1990 à 2020 : vous pouvez constater que la fécondité de la France métropolitaine était alors nettement supérieure à la fécondité moyenne de l’Europe – de l’Europe occidentale, septentrionale, orientale et méridionale. Donc, même si la France était déjà entrée dans un hiver démographique, elle pouvait se satisfaire d’avoir la moins mauvaise dynamique démographique parmi les pays européens.

Cela a eu une conséquence illustrant bien cet avantage relatif de la France : au moment où le Royaume-Uni a quitté l’Union européenne avec le Brexit, il a fallu prendre une décision sur la distribution des sièges au Parlement européen ; et, en janvier 2020, la France a gagné cinq sièges au Parlement, du fait de son avantage dans les différentes dynamiques démographiques des pays de l’UE durant les dernières décennies ; de leur côté, en conséquence de fortes immigrations[16], l’Italie[17] en a gagné trois, l’Espagne cinq, tandis qu’un certain nombre d’autres, dont l’Allemagne, n’en ont pas gagné du tout. Je viens de citer le Parlement européen, mais il peut y avoir aussi des conséquences directes au niveau des votes du Conseil européen pour toutes les décisions prises à la majorité qualifiée, puisque les pays ont un poids proportionnel à leur population.

Ainsi, la France était dans une situation relativement favorable en Europe jusqu’à ce qu’un certain nombre de décisions soient prises, au milieu des années 2010, qui ont largement raboté la politique familiale[18] et conduit à une perte de confiance de la population dans cette dernière. Le taux de natalité de la France s’est donc nettement abaissé jusqu’à tomber sous le taux de 12 naissances pour 1000 personnes. Ce faisant, il s’est rapproché du taux de mortalité, certes en raison notamment de la pandémie de Covid ; et par conséquent l’excédent des naissances par rapport aux décès en France est devenu faible, et continuera de l’être, puisqu’il est probable que l’année 2023 connaisse une nouvelle baisse des naissances d’environ 6 %, ce qui est bien sûr non négligeable.

Rappelons donc les évolutions de la baisse de la fécondité en France : en 1974, au moment où la courbe (rose) représentant le taux de natalité[19] a rencontré la courbe (noire) indiquant le taux de mortalité[20]; ce fut alors l’entrée dans l’hiver démographique. D’autres dynamiques ont été à l’œuvre avant que la France n’enregistre une baisse significative cette fois, depuis le milieu des années 2010. Néanmoins, je dois attirer votre attention sur le fait que la quasi-totalité des chiffres qui circulent dans les médias et que l’Insee privilégie consistent à traiter de ce que l’Insee, précisément, appelle « France » ou « France entière » c’est-à-dire la France métropolitaine ainsi que les cinq départements d’outre-mer, mais non les autres outre-mer français. Or, en réalité, cela n’a aucun sens, puisque chaque département d’outre-mer a un régime démographique propre[21], et additionner les chiffres de la métropole avec ceux des DOM n’a pas de signification réelle en termes de logique démographique[22]. En outre l’INSEE présente jusqu’en 2014 a priori quatre DOM, et puis soudainement fait apparaître Mayotte, dont vous connaissez la situation. La démarche scientifique supposerait au contraire d’isoler la France métropolitaine. Vous avez entendu dire comme moi que la fécondité de la France en 2022 était de 1,8 enfant par femme ; or, en réalité, il s’agit d’1,76 enfant par femme pour la métropole. On aura le même problème fin janvier 2024, quand on entendra annoncer une fécondité qui, très probablement, aura pris en compte les chiffres de Mayotte et de la Guyane, ainsi que ceux de La Réunion, de la Martinique et de la Guadeloupe. Or l’indice de fécondité qui permettrait de mettre en évidence les vraies évolutions serait celui de la France métropolitaine, probablement en dessous de 1,7 enfant par femme en 2023.

Alors, comment comprendre ces évolutions, et quel est leur principal facteur ? Lorsqu’on décrypte l’évolution de la fécondité de la France depuis environ une cinquantaine d’années, on constate qu’il y a eu des périodes de hausse comme des périodes de baisse[23]. Or lorsqu’on recherche des raisons à ces évolutions dans un sens comme dans l’autre, on est amené à constater que, chaque fois, elles font suite à des décisions de politique familiale. Lorsqu’il s’est agi de rendre moins généreuse la politique familiale, la France a aussitôt enregistré des baisses de fécondité et quand, au contraire, des décisions politiques plus favorables à la famille ont été prises, la fécondité a connu un regain. C’est la raison pour laquelle dès 2014, quand François Hollande a annoncé tous les rabotages qui, de fait, ont été effectifs ensuite, j’ai annoncé que la fécondité allait baisser, ce qui n’était pas très difficile à prévoir. Ce grignotage tout à fait considérable de la politique familiale a effectivement commencé au milieu des années 2010 ; je vous en rappelle quelques éléments : la fin de l’universalité des allocations familiales, la réforme du congé parental qui depuis n’est plus guère intéressant pour les familles, la baisse du quotient familial, et puis pour les collectivités territoriales, même si les maires en font peu état, une perte de moyens et de visibilité dans leurs ressources, qui ont entraîné l’annulation de nombreux projets de crèches ou de relais d’assistantes maternelles facilitant pourtant la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle. Évidemment, on a évité de trop en parler pour ne pas déplaire. Ainsi, nous sommes dans un contexte où la France vieillit, comme le montre cette figure[24] mettant en évidence la baisse du poids des moins de 20 ans dans la population totale – baisse qui se sera bien entendu aggravée en 2023 – et une hausse du pourcentage des 65 ans ou plus. Or, là aussi, il est probable que, dans les prochaines années, on assiste à un nouvel effet de ciseaux avec un nombre de personnes âgées de 65 ans ou plus supérieur au nombre de jeunes, ce qui provoquera un nouveau déséquilibre de la pyramide des âges.

 

Conclusion : « contre-acception » versus acception

En conclusion, avant de vous laisser la parole, la population de la France a perdu confiance dans la politique familiale en raison de toutes les décisions négatives qui ont été prises ces dernières années. De fait, l’idéologie qui sous-tend ces décisions politiques vise même à supprimer toute politique familiale au profit d’une politique sociale seule, ce qui revient à renoncer à toute politique préventive pour ne conserver qu’une politique curative. Nous sommes donc dans un contexte où la liberté de choix des femmes et des couples, compte tenu de ces rabotages, est de moins en moins assurée. En effet, la France est un pays qui a réalisé l’universalité de la contre-acception. J’appelle la « contraception » « contre-acception », parce que si une femme ou un couple ne souhaite pas d’enfant, c’est pris en charge par la société – qu’il s’agisse de la pilule, du stérilet, de l’avortement –, considérant qu’il en va de la liberté pour chaque femme et chaque couple de ne pas avoir d’enfant. En revanche, l’acception de l’enfant, c’est-à-dire la liberté de choisir un enfant ou un enfant supplémentaire est de moins en moins accompagnée.

Ce raisonnement, une fois bien assimilé, permet donc d’expliquer la fin de l’universalité des allocations familiales, qui est en fait une véritable injustice. Aussi, parmi les mesures à prendre, la première serait déjà de rétablir tout ce qui a été détruit. D’ailleurs les Français étaient satisfaits de ces mesures de politique familiale auxquelles l’État a renoncé, les pays étrangers nous jalousaient, et nous recevions sans cesse des délégations étrangères venant examiner le modèle français.

En bref, et même si cela peut vous étonner, on peut dire qu’il s’est passé en matière de politique familiale la même chose qu’en matière de politique énergétique : alors que la France avait une politique énergétique qui lui permettait de bénéficier d’une énergie relativement peu chère, il a été décidé de la ruiner dans une large mesure ; de même en ce qui concerne la politique familiale, ses principes pluri-décennaux ont été mis en cause, alors que, même si elle n’était pas parfaite, elle avait un impact positif sur la démographie. En outre, elle a été longtemps transpartisane, et se manifestait à tous les niveaux des pouvoirs publics, y compris à celui des collectivités territoriales. Pourtant une renaissance démographique, un printemps démographique, supposerait nécessairement une renaissance de la politique familiale. Merci de votre attention, je serai heureux de vous écouter.

 

ECHANGES DE VUES

 

     Marie-Joëlle Guillaume

D’abord un grand merci, Monsieur le Recteur, pour cet exposé. Avant de donner la parole à nos amis, je voudrais souligner à la fois la grande clarté de votre exposé, et le fait de vous écouter est en fait très réconfortant, car cela nous permet de mesurer que nous ne sommes pas la proie d’une espèce de fatalité, et que nous n’avons pas non plus à nous laisser dominer par les peurs agitées autour de nous. Votre analyse du malthusianisme a été très éclairante, nous révélant qu’il y a des causes, des effets, et aussi des attitudes qui peuvent modifier éventuellement quelque chose, donc que l’avenir n’est pas écrit – ce que l’on n’entend pas beaucoup aujourd’hui. On a l’impression au contraire que nous sommes dans une espèce de tunnel dont il n’est pas possible de sortir. Je ne reviendrai pas sur l’hiver démographique, que vous avez très bien expliqué. Mais je voudrais souligner une remarque-clé de votre conclusion : la contre-acception de l’enfant est prise en charge par la société ; à l’inverse, on accompagne de moins en moins la valeur positive de la mise au monde des enfants. Cette remarque est très forte, car effectivement c’est ce à quoi nous assistons ; mais là aussi il y a une liberté de choix, on peut peut-être agir pour renverser les tendances…

 

     Gérard-François Dumont

Il faut demander une réforme constitutionnelle pour inscrire cette liberté de choix, puisqu’on veut inscrire la liberté d’avorter dans la Constitution.

 

     Marie-Joëlle Guillaume

Très bien, voilà une suggestion concrète, et notre Académie cherche toujours des suggestions concrètes à mettre en œuvre. Maintenant le micro va circuler pour tous ceux qui souhaitent intervenir.

 

     Rémi Sentis

Vous avez évoqué le malthusianisme climatique. Quand on fait la comparaison entre la France et l’Allemagne, on se rend compte que l’idéologie climatique qui revendique une diminution des naissances pour sauver la planète est encore plus forte en Allemagne qu’en France, et en Allemagne le taux de fécondité est beaucoup plus bas qu’en France. Paradoxalement, du point de vue des émissions de gaz à effet de serre, les émissions en Allemagne sont largement supérieures aux émissions de gaz à effet de serre en France, d’au moins 50 %. Aussi, le discours apocalyptique climatique n’est pas lié à la vertu de sobriété des émissions de gaz à effet de serre. Plus généralement comment analysez-vous cette idéologie du malthusianisme climatique ?

 

 

 

     Gérard-François Dumont

Je n’ai même pas besoin de l’analyser puisqu’il suffit de lire les déclarations de ceux qui déclament ce que j’appelle le malthusianisme climatique. Je vous ai rappelé le fameux titre du Monde « Pour sauver le climat, ayons moins d’enfants ». Je vous rappelle les phrases de Jancovici qui a une expression assez semblable. Il suffit de lire les neo-malthusiens, je n’invente rien. Je vous ai aussi apporté la coupure d’un autre article du Monde, « Freiner la croissance de la population, une nécessité absolue ». Cet article est signé de nombreuses personnalités comme Bernard Ésambert, Michel Pébereau, etc., qui ne cachent donc pas leur malthusianisme. Ce qui est terrible avec tous les malthusianismes apparus après Malthus, c’est qu’ils sont bien souvent moins clairs dans leur expression que Malthus. Le livre de Malthus était écrit de façon compréhensible et finalement non idéologique. En revanche, les articles du Club de Rome sont écrits avec des termes propres aux technocrates et relèvent donc de ce que j’appelle personnellement un « malthusianisme technocratique ». Je ne fais que reprendre simplement ce que ces malthusiens disent de façon compliquée. Compte tenu du fait que j’ai étudié le malthusianisme dans l’histoire[25], je dénomme l’actuel « malthusianisme climatique », mais les néomalthusiens d’aujourd’hui ne vont pas le dénommer ainsi, cela va de soi, alors que le contenu de leur idéologie correspond bien à cette notion.

 

     Rémi Sentis

De quelle année date cet article ?

 

     Gérard-François Dumont

L’article du Monde que je viens de citer date du 10 octobre 2018, et c’est effectivement en 2018-2019 que s’impose le malthusianisme climatique, mais cet article n’est qu’un exemple parmi des milliers d’autres ! Je crois – Jean-Didier s’en souvient peut-être – qu’au moins 15 000 soi-disant scientifiques ont écrit la même chose il y a trois ou quatre ans et, depuis, il y a en permanence des publications allant dans ce sens. Je n’ai pas évoqué Sandrine Rousseau par-dessus le marché, mais ses propos sont suffisamment éloquents !

 

     Emmanuelle Hénin

Est-ce qu’il n’y a pas quand même dans ce choix une dimension suicidaire de notre civilisation, notamment quand on prétend, comme Madame Merkel par exemple, que les immigrés se substitueront aisément aux citoyens allemands ? Est-ce qu’il n’y a pas une idéologie cachant une autre idéologie, est-ce que, derrière le climat, il n’y a pas aussi cette dimension civilisationnelle ?

 

     Gérard-François Dumont

Vous soulevez là effectivement une autre question, qui rejoint ce que disait mon maître Alfred Sauvy, à savoir qu’il s’agit en fait d’un refus de voir : refus de voir les dynamiques démographiques naturelles de l’Europe, et de voir combien ces dynamiques démographiques conduisent inévitablement à un déclin de l’Europe. Face à ce phénomène de déclin démographique, les textes de la Commission européenne refusent de diagnostiquer le principal problème et préconisent l’encouragement à l’immigration qui permettrait de maintenir une stabilité démographique purement comptable.

Il faut toujours rappeler ce qui s’est passé en 2015 avec Madame Merkel, qui contrairement à ce que l’on dit, n’a pas nécessairement un grand cœur. Elle savait effectivement que la dénatalité posait un problème à l’Allemagne, mais, au lieu d’essayer d’apporter une réponse à travers une politique familiale adaptée à la réalité de la population allemande, et de valoriser cette politique familiale dans le cadre de l’Union européenne, elle a fait le choix délibéré de l’immigration. Je vous renvoie en effet à sa fameuse décision de 2015 permettant à toute personne présentant un passeport syrien d’être accueilli automatiquement en Allemagne. Le résultat hélas jamais rappelé, c’est que bien entendu il y a eu des vols de passeports syriens vierges, pour permettre à de nombreuses personnes non syriennes de les remplir[26]. Et tout cela évidemment satisfaisait soi-disant les besoins des entreprises allemandes. Il y a aussi un refus de voir systématique au sein de l’Union européenne, dont les déclarations témoignent de cet aveuglement. C’est la raison pour laquelle nous essayons d’ailleurs, avec nos faibles moyens, d’éclairer le public sur la réalité de ces évolutions.

Je ne voulais pas évoquer ce sujet, mais il s’avère que tout ce que mes amis ou moi-même avons écrit au sujet de la guerre en Ukraine est en train de se concrétiser : en effet, dans une logique démographique, l’Ukraine avait perdu d’avance. En effet, il s’agit d’un pays qui, avant février 2022, avait perdu 7 millions d’habitants du fait de l’émigration, tandis que la population demeurant en Ukraine connaissait une fécondité extrêmement faible. Aujourd’hui, il semble que l’armée ukrainienne a une moyenne d’âge de 43 ans, compte tenu de la dénatalité qui s’est produite – il y a une double dénatalité en Ukraine, due d’abord à une fécondité très faible, puis à l’émigration de beaucoup de jeunes Ukrainiennes en âge de procréer. Il était donc évident, dès février 2022, que les Ukrainiens n’allaient pas avoir les ressources humaines suffisantes pour mener cette guerre, nous avons d’ailleurs publié un article de mes collègues dans Population & Avenir montrant que, même s’il y avait une union entre la Pologne et l’Ukraine, le déficit démographique de ces deux pays ne leur permettrait pas de gagner la guerre[27]… 43 ans de moyenne d’âge ! Sans être grand clerc, c’était donc une erreur colossale d’avoir engagé cette guerre, et je suis, pardonnez-moi cette petite parenthèse, catastrophé par cette question. En effet, le 24 février 2022, le problème n’était pas de savoir si l’Ukraine allait gagner ou perdre la guerre ; dans les deux cas, l’Ukraine sortirait exsangue de la guerre, il était donc absolument catastrophique de la pousser dans cette guerre au lieu l’encourager à mettre en œuvre les accords de Minsk ou à s’organiser selon une logique fédérale.

 

     Jean-Luc Bour

Merci beaucoup pour cet exposé. Je voudrais parler de la Chine et de l’inversion de sa politique de l’enfant unique en faveur désormais, d’une liberté d’avoir plusieurs enfants. Est-ce que cela suffit néanmoins pour redémarrer, compte tenu du fait que parallèlement le niveau de vie des Chinois s’est amélioré, ce qui laisse entrevoir une baisse naturelle de la fécondité ?

 

     Gérard-François Dumont

Merci, c’est une bonne question, dont la réponse se trouve bien entendu dans Population & Avenir, qui a effectivement étudié l’évolution de la Chine. Un article assez récent[28] l’analyse, mais, déjà il y a plusieurs années, nous avions écrit que la démographie était le talon d’Achille de la Chine[29]. En effet, la Chine ne pourra pas redémarrer démographiquement pour de multiples raisons, la première étant que la politique de l’enfant unique a engendré un déficit de filles considérable – je rappelle qu’en Chine le déficit de filles a été dans un rapport de 120 nouveau-nés garçons pour 100 filles certaines années, dans la mesure où les Chinois ayant une préférence pour les garçons. Dans un premier temps, le système était archaïque : la famille allait jusqu’à ébouillanter le pauvre bébé qui n’était pas de sexe masculin ! Ensuite, le développement de l’échographie a entraîné une surmortalité, précisément, un sur-avortement des fœtus féminins. C’est pourquoi la population féminine chinoise en âge de procréer est en train de diminuer.

Deuxième élément très souvent oublié, la réussite économique de la Chine est liée à l’exploitation d’une partie très nombreuse de la population chinoise, soit la population dite « flottante »[30], qui représente quand même 300 millions d’habitants. La Chine fonctionne toujours avec un passeport intérieur, le Hukou, sans lequel les Chinois ne peuvent pas quitter leur campagne pour aller travailler en ville ; or cette autorisation administrative est très dure à obtenir. Cependant les gens vont quand même travailler en ville, mais sans droit officiel d’y résider, et ils n’ont alors aucune protection sociale. Et si par hasard ils ont un enfant, celui-ci n’aura pas d’existence officielle ; ils ne peuvent donc pas le mettre à l’école, ni le faire suivre médicalement etc. Par conséquent cette population flottante a évidemment une très faible fécondité, même s’il arrive parfois qu’une partie d’entre elle parvienne à régulariser la situation de ce qu’on appelle en Chine un « enfant noir ». C’est le cas notamment de femmes arrivées par exemple à Pékin, qui se marient avec des hommes munis d’un Hukou pékinois ; elles peuvent alors espérer être en quelque sorte régularisées.

Troisième élément, il y a évidemment la sur-urbanisation de la Chine. Vous le savez, la Chine a complètement changé de politique à cet égard en 1979. Alors qu’elle était un pays anti-urbain, elle a d’un seul coup considéré que la dynamique ne pouvait se faire que dans les grandes villes, et sa politique territoriale est devenue un pays pro-urbaine. S’ajoute à cela un autre problème, le fait qu’en Chine un garçon ne peut pas se marier s’il n’est pas propriétaire d’un logement, ce qui suppose d’avoir déjà un niveau de vie relativement significatif. Il faut également souligner le problème du coût de l’éducation, relativement élevé en Chine. Ainsi, tous ces éléments additionnés risquent de rendre bien peu efficace la révision de la politique de l’enfant unique, dont il est probable qu’elle ait peu d’effets positifs. On ne voit guère en effet ce qui pourrait stopper ce processus de fécondité affaiblie, qui s’est d’ailleurs révélé plus rapide que prévu. On avait bien anticipé le fait, effectivement, que le nombre de décès dépasserait celui des naissances en Chine mais on l’avait plutôt envisagé pour 2025-2030, or c’est arrivé dès 2022. La situation de la Chine pourrait donc se résumer par une formule bien connue : « la Chine sera vieille avant d’être riche ».

 

     Pierre Deschamps

Je reviens en France avec votre conclusion concernant l’évolution négative de la politique familiale qui a entraîné une baisse de natalité. Si un gouvernement décidait de revenir sur ces mesures, pensez-vous qu’elles seraient suffisantes, à supposer qu’elles aient une certaine ampleur ? En effet, compte tenu de ce qu’on entend de plus en plus chez les couples d’aujourd’hui, je pense à tous ces trentenaires qui veulent de moins en moins d’enfants à cause des risques écologiques, climatiques et autres, je me demande si la politique familiale pourrait permettre de redresser la barre.

 

     Gérard-François Dumont

Votre question est intéressante parce qu’elle touche à un vrai problème. Globalement, quand les médias vont annoncer la baisse des naissances en 2023, il est très probable qu’ils l’attribueront à toutes sortes de raisons comme l’éco-anxiété, etc., et qu’ils refuseront de voir la réalité. La réalité pour le moment, je le rappelle, c’est que le désir d’enfant des couples, quelles que soient les idéologies véhiculées dans les médias, reste tout à fait satisfaisant : il est d’environ 2,3 enfants par femme et stable depuis plus de 10 ans. Aussi, la différence entre le désir des couples d’avoir 2,3 enfants par femme et le 1,7 enfant par femme correspond au déficit de la politique familiale. Selon moi, refuser de voir ce facteur central de la baisse de la fécondité, c’est donc botter en touche, c’est trouver une explication qui certes peut être partielle même s’il est certain, vous avez raison, que la fécondité ne s’explique pas exclusivement par la politique familiale. La géographie de la fécondité l’atteste en effet, puisque certains territoires ont des comportements traditionnellement plus ou moins malthusiens. La fécondité en Creuse, par exemple, a toujours été inférieure à celle de l’Ardèche, et sa mentalité plus malthusienne.

Donc la politique familiale n’est pas le seul facteur de l’évolution de la fécondité, cela va de soi, mais j’insiste sur le fait qu’il est quand même le facteur central. C’est pourquoi un redémarrage de la fécondité supposerait que les Français retrouvent confiance dans la politique familiale, ce que seules des décisions inscrites dans la durée pourraient permettre, des décisions volontaristes qui s’accompagneraient aussi de gestes positifs, parfois gratuits. Un président de la République qui ferait l’effort, le jour de la fête des Mères, de faire un geste significatif, enverrait un signal positif. Or j’ai l’impression qu’il préfère changer la constitution en faveur de l’avortement, ou nommer un ambassadeur aux droits LGBT. C’est pourtant par des petits signes que l’on manifeste à l’opinion publique l’importance ou non accordée aux enfants. D’autant qu’à l’inverse il y a tout un travail médiatique, actuellement, pour essayer de persuader cette même opinion qu’il n’en faut pas, ce qui n’est pas nouveau : je tiens à rappeler en effet que l’éco-anxiété, du temps du Club de Rome, était certes exprimée différemment, mais qu’elle revenait au même puisqu’on essayait de convaincre les populations qu’il ne fallait pas d’enfants, etc.

Toujours est-il que le désir d’enfant est de 2,3 enfants par femme, et l’indice de fécondité de 1,7. Une femme ou un couple qui souhaite un enfant ou un enfant supplémentaire rencontre trois types de problèmes : tout d’abord celui du pouvoir d’achat – permettra-t-il de satisfaire les besoins de cet enfant supplémentaire ? Or ce pouvoir d’achat a été réduit par la diminution du quotient familial, par celle de l’universalité des allocations familiales, par la réforme du congé parental, etc. Le second problème est celui du logement ; mais a-t-on une politique familiale du logement ? Chacun connaît la réponse. Le troisième problème est lié au « budget temps », qui correspond à ce qui permet de concilier vie professionnelle et vie familiale. Or un rapport officiel a montré que n’avaient été réalisés que 16 % des crèches et relais d’assistantes maternelles prévus, en raison de la baisse de la dotation de l’État aux collectivités territoriales, mais aussi et surtout de la perte de visibilité des collectivités territoriales. Je rencontrais encore cette semaine le Directeur général d’une communauté d’agglomération de taille moyenne ; il me confiait que ses élus se demandaient combien la communauté d’agglomération pouvait espérer recevoir comme dotation de l’État en 2023 ; or il me disait être incapable de leur répondre, ne sachant pas s’il recevrait plutôt 18 millions ou 23 millions, etc. Comment faire des projets sans visibilité ? Les maires font de plus en plus de communication, faute de visibilité. Cette situation ne facilite donc pas le fait de vouloir concilier vie professionnelle et vie familiale. La réforme du congé parental a été absolument dramatique, puisqu’elle est devenue complètement inintéressante pour les gens à bas revenus ou les couples moyens. Elle a même eu des conséquences secondaires terribles, puisque certaines femmes désireuses d’avoir tout de même un enfant, considérant que le congé parental n’avait plus d’intérêt pour elles, ont démissionné de leur entreprise pour se consacrer à l’éducation de leur enfant, perdant ainsi précisément l’avantage du congé parental qui garantissait leur réintégration dans l’entreprise. Qu’ont fait les mouvements féministes ? Eh bien ils n’ont pas bougé, ce qui est incompréhensible !

 

     Dr François Delarue

Je voudrais savoir si avant la réduction de la politique familiale dont vous avez mesuré l’impact, la légalisation de la contraception et surtout de l’avortement avait eu un impact notable aussi sur la natalité ?

 

     Gérard-François Dumont

Concernant l’avortement, on en a effectivement étudié son impact à l’époque, laquelle a bien montré un effet de sa légalisation et un changement de nature dans la fécondité. Avant la contraception moderne, lorsqu’on faisait des enquêtes dans les maternités au début des années 1960, on demandait aux mamans qui venaient d’accoucher si elles avaient souhaité cet enfant. Environ 55 % des femmes répondaient positivement, et puis un certain nombre disait qu’elles ne l’avaient pas forcément souhaité à ce moment-là, mais enfin qu’elles étaient contentes finalement de l’accueillir. Certaines ajoutaient « c’est un bébé Ogino » ou « c’est un bébé température », etc. Autrement dit ; venaient au monde à la fois des enfants désirés pour la période de la naissance, et des enfants imprévus mais qui n’allaient finalement pas nécessairement être mal aimés. Un certain nombre de naissances survenaient de façon plus ou moins aléatoire, mais personne ne s’en plaignait, à commencer par les parents qui se dévouaient à l’éducation de leurs enfants quel qu’ait été le contexte de leur conception.

Avec la contraception, le changement vient du fait que ne viennent plus au monde pratiquement que les enfants s’inscrivant dans un projet parental durable. En effet, on va très souvent conseiller à une femme qui souhaite un enfant d’arrêter d’abord de prendre la pilule, d’enlever son stérilet, et d’attendre que son corps se remette un peu en place, éventuellement quelques mois, puis de faire ce qu’il faut pour que cet enfant naisse. Ensuite, quand la fécondation a eu lieu, on lui fait comprendre qu’elle peut soit décider de maintenir son projet, soit de recourir à l’avortement. Souhaiter un enfant est donc une décision qui doit s’inscrire dans la durée. C’est pourquoi, inévitablement, les méthodes modernes de contraception ont changé la nature de la fécondité. Et d’ailleurs, il suffit de reprendre les discours de Simone Veil en 1975, elle le dit clairement aux parlementaires selon la paraphrase suivante : « Ne soyez pas inquiets, votez la loi sur l’IVG, je vous proposerai juste après une amélioration de la politique familiale pour que les familles aient un libre choix ». Or cette seconde étape n’est pas vraiment arrivée.

 

     Joël Templier

Je me demandais si les religions pouvaient avoir un impact, ou ont eu un impact sur l’évolution de ces taux de natalité, et ce que vous pensez de la communication de ces religions sur le sujet.

 

     Gérard-François Dumont

Effectivement, parmi tous les facteurs expliquant le choix d’avoir un enfant ou un enfant supplémentaire, se trouvent les croyances des personnes ; les croyances religieuses ont donc un impact sur la natalité. Nous avons d’ailleurs l’exemple incontestable d’Israël qui produit des statistiques sur les différences de fécondité entre les juifs ultra-orthodoxes, les juifs orthodoxes et les juifs laïcs. J’explique tout cela dans le dernier article que j’ai publié hier sur Israël et les trois bouleversements géopolitiques de ses populations[31]. Il est évident par ailleurs que dans un pays comme la France, les niveaux de fécondité peuvent être différents selon les croyances religieuses. Je suis certain que si l’on faisait, par exemple, une analyse des indices de fécondité des protestants, on observerait certainement une fécondité plus faible chez les protestants traditionnels, c’est-à-dire chez les luthériens ou les calvinistes, que chez les évangélistes dont l’état d’esprit n’est pas le même. Ces différences jouent bien sûr aussi dans la religion catholique – en fonction du niveau de catholicité. Alors que font les églises en la matière ? Marie-Joëlle avec raison n’a pas déroulé tout mon curriculum vitae, mais certains d’entre vous le savent, j’ai beaucoup travaillé au Saint-Siège sur ces questions, et participé notamment à la rédaction d’un paragraphe dans l’encyclique Laudato Si’[32] qui explique les raisons pour lesquelles il ne faut pas être malthusien. Jean-Didier le sait, nous n’avons pas toujours réussi. Il y avait eu également une phrase un peu maladroite dans l’encyclique Evangelium vitae, qu’on m’avait permis d’essayer de corriger par la publication d’un article dans plusieurs pays[33]. On pourrait donc clairement espérer qu’un certain nombre de responsables religieux s’inquiètent davantage de cette question. Il est certain qu’ils n’ont pas pris suffisamment conscience du caractère néfaste de l’intensité de l’hiver démographique, peut-être aussi d’ailleurs pour une autre raison : on a malheureusement un faible nombre de séminaristes ; or, il serait peut-être intéressant de remarquer que ceux-ci venaient souvent, dans le passé, de familles nombreuses. C’est pourquoi, moins on a de familles nombreuses, plus le risque est grand d’avoir peu de séminaristes, toutes choses égales par ailleurs. Il serait donc en effet tout à fait souhaitable que les responsables religieux s’emparent différemment de tous ces éléments. Je me rappelle d’ailleurs d’un moment très difficile, lors de la conférence du Caire en 1994 : alors que nous œuvrions au même moment au Saint-Siège pour défendre de bonnes idées, Jean-Didier Lecaillon et moi-même avons dû affronter une opposition malthusienne de la part de l’évêque de Milan ; et cet évêque était parvenu, hélas, à faire publier par une Académie du Saint-Siège un texte totalement malthusien. On pourrait d’ailleurs également retrouver un rapport très malthusien des évêques allemands à la même période.

 

     Jean-Didier Lecaillon

Pour information, puisqu’il a été largement fait mention de Malthus, précisons que celui-ci était ecclésiastique, pasteur de l’église protestante. Mais comme Gérard-François Dumont l’a dit, cet auteur fait une étude ponctuelle en évoquant les « pays environnants » à l’appui de sa thèse. C’est donc plutôt l’utilisation ultérieure de celle-ci qu’il convient de critiquer, utilisation ignorant d’ailleurs toute la dimension morale que son auteur avait pris le soin de mentionner en préconisant la « contrainte morale ». S’agissant plus généralement de la position des religions vis-à-vis du néomalthusianisme, le point de vue du judaïsme selon lequel l’infertilité est une calamité ou la déclaration récente (mai 2023) du Pape François selon lequel « La famille est le principal remède contre la pauvreté, tant matérielle que spirituelle, ainsi que contre le problème du déclin démographique », sont sans équivoque… Le problème, c’est que les médias répercutent moins ce genre de position que d’autres qui leur paraissent plus « clivantes » voire discutables ! Donc les religions bien sûr ont des choses à dire sur le sujet, mais encore faut-il que cela soit su et répercuté. En tous les cas, il est avéré que le Pape François, comme ses prédécesseurs d’ailleurs, encourage la famille et plus particulièrement les familles nombreuses.

 

     Gérard-François Dumont

Je vous donnerai un dernier exemple vécu il y a maintenant 4 ou 5 ans. Rappelons d’abord que le ‘’pape’’ du malthusianisme dans le monde s’appelle Paul Ehrlich, qui a écrit La bombe P en 1968, un livre qui s’est vendu dans le monde à des millions d’exemplaires, annonçant pour avant l’an 2000 de nombreuses catastrophes qui ne se sont pas produites et auxquelles il a, en conséquence, échappé. Or, je ne lui reproche pas tant d’être malthusien que de s’être totalement trompé et de ne l’avoir jamais reconnu. Eh bien, il y a quelques années le Saint-Siège l’a invité à parler au Vatican dans un colloque où il n’avait selon moi pas sa place, faute d’honnêteté intellectuelle, mais où j’ai pu aller lui apporter la contradiction. Or Paul Ehrlich n’a jamais reconnu les erreurs de son livre écrit en 1968, pourtant totalement démenti par l’avenir.

 

     Jean-Luc Bour

Votre remarque sur l’Ukraine me pousse à vous demander s’il y a dans le monde des pays qui ont repris l’idée d’avoir des enfants pour faire des soldats, des soldats guerriers comme des soldats économiques ? Est-ce qu’il existe aujourd’hui animés par une volonté de puissance, des pays ayant une politique nataliste, et quels sont alors les moyens qu’ils utilisent ?

 

     Gérard-François Dumont

Ce que l’on observe surtout, ce sont des pays du Sud qui font tout pour annoncer un chiffre de population probablement supérieur à la réalité, des pays qui ont intérêt à annoncer par exemple 15 millions d’habitants plutôt que 12, alors qu’en fait ils n’ont pas effectué de recensement depuis des années, et qu’ils n’en savent rien. Mais avec 15 millions d’habitants ; ils obtiendront des subsides internationaux plus importants qu’avec 12. Vous le voyez d’ailleurs en ce moment avec Gaza dont, en réalité, personne ne connaît le nombre d’habitants ; vous constaterez que, selon les jours, on entend parler de 2 millions ou 2 millions et demi d’habitants. Donc le gonflement de certains chiffres est certain.

Deuxièmement, il y a quand même un certain nombre de dirigeants qui connaissent l’importance de la « loi du nombre »[34], et ont conscience effectivement qu’un pays qui se dépeuple est en déclin, qu’il perd de la population active, et par là une capacité de création de richesses. On a donc vu certains pays tenter de réagir à cette évolution. Parmi deux pays concernés à l’heure actuelle, il y a d’une part la Hongrie qui a enregistré une augmentation de sa fécondité non négligeable même si son modèle n’est pas parfait non plus, on pourrait y revenir ; d’ailleurs pour le moment, elle est toujours en hiver démographique. Second exemple, dont on ne peut pratiquement pas parler – mais nous avons publié une étude dessus[35] -, c’est la Russie : les projections de la Russie en l’an 2000 annonçaient une baisse de population extrêmement importante ; or, on s’aperçoit aujourd’hui qu’elle a été beaucoup moins forte que prévu, notamment du fait de l’impulsion donnée par Medvedev et de la mise en place d’un certain nombre de mesures de politique familiale. La situation de la Russie aujourd’hui est loin d’être parfaite, mais elle est beaucoup moins mauvaise que ce qu’on aurait envisagé, et c’est le résultat d’une volonté politique de l’Etat, pas nécessairement pour fabriquer des soldats, mais parce que tout le monde sait bien que la création de richesses, toutes choses égales par ailleurs, est proportionnelle à la population active. Donc si la France a un PIB six fois supérieur à celui de la Belgique, ceteris paribus, c’est parce que la France a une population active six fois supérieure à celle de la Belgique, même si bien entendu, il y aurait d’autres éléments à prendre en considération. Et il est vrai que j’ai toujours expliqué depuis longtemps que le conflit du Proche-Orient était d’abord un conflit démographique : en effet on a sur ce petit territoire à la fois une ‘’guerre des berceaux’’ et une guerre migratoire, ce que je montre à nouveau dans ma dernière publication sur ce sujet[36]. Donc, oui bien sûr, les dirigeants politiques ne sont pas fous ! Deux exemples amusants à ce propos : pendant longtemps, c’est-à-dire pendant 40 ans, l’Arabie saoudite a refusé d’afficher les chiffres de sa population, parce qu’elle ne voulait pas montrer au monde qu’elle avait une population beaucoup moins nombreuse que son voisin iranien. Idem pour la Corée du Nord qui ne voulait pas reconnaître son infériorité démographique par rapport à la Corée du Sud. Donc il y a en effet des dirigeants conscients de l’importance de la démographie.

Au sein de l’Union européenne, l’enjeu des différences de population entre les pays est absolument essentiel, d’une part pour les décisions du Conseil européen prises à la majorité qualifiée, d’autre part pour la question de la répartition des sièges au Parlement européen, même si elle est plus compliquée – elle n’est pas exactement proportionnelle à la population. Et puis, bien entendu, il y a le cas extrêmement intéressant des États-Unis. Peut-être avez-vous vu passer quelques articles concernant la Floride, où la messe électorale est désormais dite ! En effet, en 2000 c’est la Floride qui a fait élire George Bush, la Floride qui était encore je dirais à moitié républicaine et à moitié démocrate à ce moment-là. Mais, depuis lors, la Floride a connu non seulement de continuels apports migratoires cubains – or les Américains d’origine cubaine votent majoritairement républicain – mais aussi, en raison de la politique de Maduro, un nouvel apport migratoire vénézuélien avec lequel il faut désormais compter et qui vote aussi républicain ! Ce qui est assez amusant d’ailleurs, on l’a vu ces derniers mois : Joe Biden, qui ne reconnaît pas le gouvernement de Maduro, a pourtant négocié avec lui le renvoi des Vénézuéliens au Venezuela ; il sait très bien en effet que ces gens-là ne seront pas des électeurs pour lui. Donc effectivement les gens intelligents prennent en compte le facteur démographique dont la loi du nombre.

 

     Marie-Joëlle Guillaume

Je voudrais revenir à la France et à ce que vous disiez tout à l’heure de la politique familiale, qui a besoin d’être poursuivie dans la durée pour inspirer confiance et avoir un impact. Je voudrais rappeler des éléments sur lesquels vous travailliez au moment où, il y a bien longtemps, nous nous sommes connus. Il s’agit de la question des Trente glorieuses. En effet, que s’est-il passé ? La politique familiale a commencé en fait avant la guerre, avec le Code de la Famille voté sous le gouvernement Daladier en 1939, poursuivi sous Vichy, qui en réalité n’a rien inventé, repris en 1946, continué sous la IVe République, puis la Ve jusqu’en 1975. Cela montre bien que, menée dans la durée, ce type de politique porte du fruit. Elle a permis chez nous le ‘’baby-boom’’, qui n’aurait pas été le même s’il n’y avait pas eu cette politique dans la durée. Mais à mon avis, si cela a marché, c’est qu’il y avait après l’hémorragie de la guerre une profonde volonté de vivre et de revivre. C’était comme si en donnant la vie, finalement le pays se poursuivait. Vous le disiez bien tout à l’heure, il n’y a pas que les aspects financiers qui interviennent, il y a tout un état d’esprit à restaurer, à faire vivre, qui soit favorable aux enfants. Remettre aujourd’hui en place une vraie politique familiale supposerait donc un pays qui ne veut pas mourir. Or est-ce qu’on n’a pas le sentiment aujourd’hui que la France ne veut plus vivre ? Il suffit de voir les débats sur l’euthanasie, ou même les attitudes pendant la période du Covid…

 

     Gérard-François Dumont

Ce sont surtout ses dirigeants qui n’aiment plus la vie ; la population, elle, n’est pas fautive. Donc effectivement, je suis malheureusement d’accord avec vous, pour pouvoir déployer une politique familiale, il faudrait déjà avoir un homme d’État à la tête du pays qui s’y intéresse, et l’opinion publique aussi. Il faut toujours se rappeler les arguments d’Alfred Sauvy plaidant en 1939, à la veille du conflit mondial, pour le Code de la Famille en disant : « Mais moi ce qui m’intéresse, c’est la France de 1960 ». Il faut rappeler aussi que si la France n’avait pas connu son renouveau démographique d’après-guerre, elle serait aujourd’hui grosso modo au niveau de peuplement de l’Espagne. Pourquoi les dirigeants sont-ils les vrais responsables ? Je vais vous donner un autre exemple, au milieu des années 1990, au moment où les deux principaux partis politiques sont le Parti socialiste et le RPR. Ils ont tous les deux dans leur programme la fin de l’universalité des allocations familiales, côté Juppé comme côté Jospin. L’Assemblée nationale est dissoute en 1997, Jospin met en place son programme et met fin à l’universalité des allocations familiales le 1er janvier 1998. Or que se passe-t-il à ce moment-là, au sein de la gauche plurielle ? Les dirigeants du parti communiste refusent que soit remis en cause un élément fondamental du contrat social entre les Français. Et, effectivement, Lionel Jospin n’a pu maintenir cette mesure que pendant une durée symbolique de 9 mois, et a été contraint de l’annuler, le 1er octobre 1998, par des dirigeants communistes qui, à l’époque, étaient conscients de l’importance de la politique familiale d’accompagnement.

Donc, les dirigeants politiques portent une grande responsabilité, même si nous sommes certes sans doute fautifs en tant que citoyens, dans la mesure où nous ne nous mobilisons pas assez pour convaincre nos dirigeants politiques très marqués aujourd’hui par le malthusianisme. Selon moi, il s’agit de la principale difficulté pour parvenir à une véritable renaissance, et ce d’autant plus que nos dirigeants sont encouragés dans un sens malthusien par les dirigeants de l’Union européenne, dont on voit bien les priorités en la matière. Ce qui rend tout de même optimiste, c’est l’importance du désir d’enfant encore présent dans la population, et le fait que nous sommes dans une situation où il est tout à fait possible de renverser la vapeur. Ce qui est un peu terrible, c’est qu’on ne demande même pas aux dirigeants politiques d’être courageux, on leur demande simplement de se soucier du bien commun de leur population et d’entendre son désir d’enfant. C’est pourquoi je suis certain que si on rétablissait des mesures de politique familiale, on entendrait sans doute des cris d’orfraie de la part des malthusiens, d’Europe-Écologie-Les-Verts etc., mais il me semble que globalement la population y répondrait favorablement : elle serait tout à fait d’accord pour qu’on améliore la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale, pour que l’on mette en place une politique familiale du logement, pour que l’on accompagne mieux les familles en termes de pouvoir d’achat. La majorité de la population le souhaiterait ; ce sont nos politiques qu’il faut convaincre d’écouter les souhaits de leur population, ce qui serait en même temps le bien du pays.

 

     Marie-Joëlle Guillaume

Ce sera le mot de la fin, merci.

[1]Cf slide 9 : courbe noire du schéma de la transition démographique.

[2] Cf slide 9 : courbe verte du schéma de la transition démographique

[3]cf slide 9 du schéma de la transition démographique

[4] Dumont, Gérard-François, « L’Inde parvenue au premier rang des populations du monde : quelles raisons ? », Population & Avenir, n° 763, mai-juin 2023.

[5]Cf slide 12 « Prenez un bain au moins 1 fois par semaine ».

[6] Parant, Alain, « Le déclin de la natalité dans le monde et en Europe. Quels mécanismes explicatifs ? Quelle géographie ? », Les analyses de Population & Avenir, n° 44, avril 2023. https://doi.org/10.3917/lap.046.0001

[7] Cf slide 9 : courbe noire du schéma de la transition démographique.

[8] Dumont, Gérard-François, « Population mondiale : le chiffre de huit milliards face à quatre vérités et à une pluie d’incertitudes », Population & Avenir, n° 761, janvier-février 2023.

[9] Ou, autres exemples, l’Éthiopie ou le Pakistan ; voir : May, John F., « L’Éthiopie : un géant démographique à la croisée des chemins », Population & Avenir, n° 746, janvier-février 2020 ; May, John F., Abbasi, Nasrullah, « Le Pakistan : les dynamiques contrastées d’un pays au peuplement fortement croissant », Population & Avenir, n° 763, mai-juin 2023.

[10] Dumont, Gérard-François, « La Chine et les sept raisons de son dépeuplement », Population & Avenir, n° 762, mars-avril 2023.

[11] Dumont, Gérard-François, « Japon : le dépeuplement et ses conséquences », Géoconfluences, ENS Lyon, 18 octobre 2017.

[12] Dumont, Gérard-François, « Démographie : un monde « plurilatéral », dans :  Montbrial (de), Thierry, David, Dominique (direction), IFRI (
Institut français des Relations internationales), Ramses 2024 (Rapport annuel mondial sur le système économique et les stratégies), Paris, Dunod, 2023.

[13] Dumont, Gérard-François, « Ukraine : les paramètres démographiques de sa géopolitique, aujourd’hui et demain », Population & Avenir, n° 765, novembre-décembre 2023.

[14] Cf slide 35 : la fécondité en France métropolitaine et en Europe depuis 1990.

[15]Idem.

[16] Chignier-Riboulon, Franck, « L’Espagne devenue un grand pays d’immigration : histoire et géographie de sa présence étrangère », Population & Avenir, n° 761, janvier-février 2023.

[17] En dépit d’un très faible fécondité ; voir : Vodisek, David, « Les enjeux du déclin démographique de la population italienne. L’Italie, laboratoire du vieillissement européen ? », Les analyses de Population & Avenir, n° 43, 2023. https://www.cairn.info/revue-analyses-de-population-et-avenir-2023-1-page-1.htm

[18] Dumont, Gérard-François, « Démographie de la France : la double alerte », Population & Avenir, n° 727, mars-avril 2016.

[19] Cf slide n°37 : Natalité sou 12 pour mille.

[20]Idem.

[21] Cf slide n°40 : La fécondité de la France.

[22] Dumont, Gérard-François, « Populations et peuplement des départements français d’outre-mer (DOM). Une extraordinaire diversité »,  Les analyses de Population & Avenir, n° 34, juillet 2021. https://doi.org/10.3917/lap.034.0001

[23] Cf slide n°41 : La fécondité de la France.

[24] Cf slide n°43 : Vieillissement.

[25] Dumont, Gérard-François, « Faut-il sauver le monde du malthusianisme ? », communication à l’Académie des Sciences Morales et Politiques (ASMP°, Paris, lundi 26 septembre 2022. https://academiesciencesmoralesetpolitiques.fr/2022/09/27/gerard-francois-dumont-faut-il-sauver-le-monde-du-malthusianisme/

[26] Dumont, Gérard-François, « L’immigration en Europe et en France dans les années 2010 »,  Annuaire français des relations internationales (AFRI), Centre Thucydide, Université Panthéon-Assas, 2017.

[27] Bellis, Gil, Léger, Jean-François, Parant, Alain, « Face à la Russie, l’union des populations de Pologne et d’Ukraine peut-elle peser ? », Population & Avenir, n° 759, septembre-octobre 2022.

[28] Dumont, Gérard-François, « La Chine et les sept raisons de son dépeuplement », Population & Avenir, n° 762, mars-avril 2023.

[29] Dumont, Gérard-François, « Le talon d’Achille de la Chine ? », Population & Avenir, n° 690, novembre-décembre 2008.

[30] Dumont, Gérard-François, Yiliminuer, Tuerxun, « Les migrations internes accentuent l’inégalité historique du peuplement de la Chine », Informations sociales, n° 185, septembre-octobre 2014.

[31] Dumont, Gérard-François, « Israël et les trois bouleversements de sa géopolitique des populations », Géostratégiques, n° 63, 2023.

[32] Voir ce passage du § 50 : il faut reconnaître que la croissance démographique est pleinement compatible avec un développement intégral et solidaire.

[33] Dumont, Gérard-François, « El fenomeno demografico y las politicas de control de poblacion », in : Ramon Lucas Lucas (direction), Commentario interdisciplinar a la « Evangelium vitae », Bac, Madrid, 1996.

[34] Dumont, Gérard-François, Démographie politique, Les lois de la géopolitique des populations, Paris, Ellipses, 2007.

[35] Bellis, Gil, Léger, Jean-François, Parant, Alain, « Un atout géopolitique pour la Russie : la dynamique de sa population. De la chute de l’URSS à la guerre avec l’Ukraine, la résilience de la démographie russe », Les analyses de Population & Avenir, n° 40, juillet 2022, https://doi.org/10.3917/lap.040.0001

[36] Dumont, Gérard-François, « Israël, Territoires palestiniens : quels scénarios géopolitiques possibles ? Entre guerre et utopie », Les analyses de Population & Avenir, n° 47, octobre 2023. https://www.cairn.info/revue-analyses-de-population-et-avenir-2023-5-page-1.htm