Par Eric Mestrallet, Fondateur Délégué d’Espérance Banlieues

L’engagement au service de l’éducation a toujours été et sera toujours la garantie du rayonnement de l’éternelle jeunesse qui avait fait dire à Mac Arthur que la jeunesse n’est pas une période de la vie, elle est un état d’esprit…
Aujourd’hui, nous allons présenter cette initiative qui réjouit le coeur et l’âme de tous les jeunes et moins jeunes qui participent à l’aventure Espérance banlieues. Hymne à l’engagement communicatif qui nous permettra de voir après la présentation de l’ambition Espérance banlieues l’engagement d’une génération de professeurs, l’engagement de la société civile, l’engagement des parents au service de l’avenir de leurs enfants et finalement l’engagement des enfants au service de ce pays qui leur permet de devenir des hommes et femmes dépositaires d’un patrimoine légué par des générations de français.

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Jean-Marie Schmitz : Éric Mestrallet a une double formation, il est ingénieur Arts et Métiers et titulaire d’un DEA de gestion des organisations à Paris Dauphine. Mais son parcours professionnel dénote une incontestable originalité, pour ne pas dire un profil atypique.

Il commence en effet sa vie active comme attaché parlementaire du sénateur Sellier. Il le fait en cohérence avec l’obligation de s’engager dans la vie de la Cité qu’il a retirée de la lecture du livre fondamental de Jean Ousset, « Pour qu’Il règne » et de la formation qu’il a suivie à la Cité catholique et auprès des structures qui, jusqu’à Ichtus, lui succèderont.
Cela lui vaut de participer à la campagne présidentielle de Philippe de Villiers et de nouer quelques solides amitiés, dont l’une d’elles, avec Xavier Lemoine, sera la source de ce dont il va nous parler.

Après cette première expérience, il s’oriente vers le conseil, qu’il exercera dans un cabinet qui sera absorbé par Ernst and Young, puis en créant en 2005 sa propre entreprise, Arthur Straight, spécialisée dans le conseil en stratégie opérationnelle et en conduite de projet. Il y découvrira les joies et les tourments d’un chef d’entreprise : la montée en puissance des clients, du chiffre d‘affaires et des collaborateurs, le succès et les trous d’air, les satisfactions que procurent l’animation d’une équipe et les difficultés de gérer une affaire quand la confiance avec son associé est rompue.

En « aventurier des temps modernes », au sens où Péguy l’entendait, il avait aussi créé un autre type d’entreprise, celui d’une famille assez prolifique puisqu’avec sa charmante épouse, Mélanie, experte en délicieuses confitures maison, ils sont à la tête d’une bande de hui enfants qui, je puis le garantir, n’engendre ni la morosité ni l’inactivité.
De façon très naturelle il s’est préoccupé de l’éducation et de l’enseignement dont bénéficieraient ses enfants. C’est ainsi qu’il a participé à la création de la Fondation pour l’école, aux côtés d’Anne Coffinier, qui était venue ici même nous parler de l’école à concevoir pour une société plus humaine.

Dans ce cadre et à la suite de ses conversations avec Xavier Lemoine, devenu Maire de Montfermeil en Seine Saint Denis, il s’intéresse plus particulièrement aux défis éducatifs des banlieues dites pudiquement « défavorisées » et crée, en 2012, la Fondation Espérance banlieues, abritée par la Fondation pour l’école. En septembre de la même année ouvre le cours Alexandre Dumas à Montfermeil, première des écoles Espérance banlieues.

À ceux qui lui demandent comment il arrive à concilier toutes ces activités, Éric Mestrallet répond simplement : « Nous avons autant de devoirs d’état que nous avons d’états ».

Je lui laisse nous communiquer la flamme de son engagement au service de la Cité et nous faire partager l’espérance qui l’habite.

Éric Mestrallet : L’engagement au service de l’éducation a toujours été et sera toujours la garantie du rayonnement de l’éternelle jeunesse qui avait fait dire à Mac Arthur que « la jeunesse n’est pas une période de la vie, elle est un état d’esprit… Vous resterez jeune tant que vous resterez réceptif. Réceptif à ce qui est beau, bon et grand. Réceptif aux messages de la nature, de l’homme et de l’infini. » (Général Mac Arthur 1945)

Nous allons parler de l’engagement au service de la nouvelle jeunesse de la France. Et présenter cette initiative qui réjouit le cœur et l’âme de tous les jeunes et moins jeunes qui participent à l’aventure d’Espérance banlieues.

Un véritable hymne à l’engagement, communicatif qui nous permettra de voir après la présentation de l’ambition d’Espérance banlieues, l’engagement de toute une génération de professeurs, l’engagement de personnes de la société civile, l’engagement de parents au service de l’avenir de leurs enfants et finalement l’engagement des enfants au service de ce pays qui leur permettra de devenir les hommes et femmes dépositaires de ce patrimoine légué par des générations de Français.

Commençons par présenter la Fondation Espérance banlieues.
Née en 2012, comme nous l’a rappelé Jean-Marie Schmitz, elle vise à accompagner la création d’écoles indépendantes dans les quartiers difficiles.

La première d’entre elle – école d’école – a été créée à Montfermeil en Seine-Saint-Denis après une longue maturation – fruit de longs échanges avec Monsieur le Maire Xavier Lemoine qui souhaitait enrichir l’offre scolaire de sa commune. En effet, tous ses efforts n’arrivaient pas à atténuer une longue et inexorable tendance au repli sur soi, au repli communautaire. Et au lieu d’intervenir en pompier à coups de centaines de millions d’euros qu’il a su aller chercher en travaillant intelligemment avec les politiques de tous les partis, il a voulu tenter d’inverser cette tendance en enrichissant ce qu’il faisait par ailleurs. Je citerai simplement le projet de rénovation urbaine qu’il a mené grâce à la bonne entente qu’il a su déployer avec Monsieur Borloo en charge de la politique de la ville.
Il a essayé d’intervenir, donc, en amont de la problématique, et de lutter contre la tendance au repli sur soi.

Il a voulu compléter cet investissement par la transmission et l’appropriation de la culture française et, de ce fait, a permis et facilité – dans la limite extrêmement restreinte des possibilités d’un maire – l’arrivée du cours Alexandre Dumas et de son charismatique directeur Albéric de Serrant (présenté de nombreuses fois dans les médias). Il a fait appel à l’expertise de la FPE (Fondation pour l’école) et à la mobilisation de certains qui voyaient déjà une réponse politique (au sens noble et grec du terme) de la refondation de notre pays, la France.

Nous avons travaillé pendant six mois comme on peut être amené à le faire lorsque on sait que l’on doit passer mais en découvrant, au fil de l’eau, les contraintes et les difficultés, un véritable parcours du combattant. Avec l’aide de Benoît Maisonneuve – l’actuel président de l’association de pilotage du Cours Alexandre Dumas, l’APGSIM, – nous avons monté ce projet devenu une réalité à la rentrée de septembre 2012.

Comment cette création a-t-elle pu se faire ?

Il y a eu une réunion entre Noël 2011 et le jour de l’An 2012, avec Xavier Lemoine, Anne Coffinier et moi-même, pour dire qu’il y a finalement peut-être quelque chose à faire, rapidement. L’élément déclencheur a été l’arrivée, qui s’annonçait, de monsieur Hollande. Ce dernier a donc « à son actif » plusieurs créations assez intéressantes pour la société française dont l’école Alexandre Dumas ! Voyant arriver ce potentiel président et sa cohorte d’idéologues, nous sommes dits, la Fondation pour l’école en tête, la nécessité de créer une école hors contrat dans des quartiers difficiles afin de démontrer que ce besoin n’est pas l’apanage des quartiers bourgeois et de ses familles privilégiées. La liberté scolaire est une réponse nécessaire à l’ensemble de la société française, pas seulement cantonnée aux banlieues bourgeoises ou de l’ouest parisien.

Un permis de construire, des recrutements de l’équipe professorale, des démarches administratives, des premières réunions « tupperware » pour rencontrer les parents. Voilà ce qui a été réalisé lors des six premiers mois de l’année 2012.

Les Algecco sont finalement installés fin août et la rentrée peut se faire début septembre avec six élèves… Car les familles avaient du mal à faire le pas pour une école qu’elles n‘avaient pas encore vue : les bâtiments n’existaient pas encore. Et puis certains, en plus, n’étaient pas encore rentrés du Bled profitant des tarifs moins onéreux des compagnies aériennes de l’après rentrée scolaire officielle…

À la Toussaint plus d’une trentaine d’élèves, une quarantaine à Noël, date à laquelle le directeur arrête le recrutement de nouveaux élèves.
Quelques anecdotes : l’électricité n’est installée qu’au bout d’un mois. Je me souviens que fin septembre, la première heure de cours était dévolue à des cours de chant et de musique car la pénombre interdisait les cours académiques.

Mais est-ce que les spécificités de ce Cours Espérance banlieues (Xavier Lemoine, Albéric de Serrant, …) n’en faisaient pas définitivement une exception ? Et de quelle exception parle-t-on ?

D’abord une école qui repose sur cinq caractéristiques majeures :

– Former le jeune dans toutes ses dimensions et le responsabiliser.

– Lui redonner confiance dans ce monde adulte qui lui fait peur.

– S’adapter aux difficultés de chacun (choix pragmatique des méthodes pédagogiques et efforts sur les matières fondamentales).

– Replacer les parents dans leur rôle de premiers éducateurs.

– Apporter un regard dépassionné sur les questions religieuses (et c’est important pour les personnes que l’on vise).

Quelles sont les illustrations de ces caractéristiques majeures ? Mais de grâce n’en retenez pas que quelques unes et ne mettez pas en exergue plutôt l’une que l’autre. Ce qui est innovant (si on peut se permettre ce terme) dans cette offre éducative proposée c’est la cohérence de tous ces moyens mis en œuvre.

Former le jeune dans toutes ses dimensions et le responsabiliser.

• Un enfant, c’est une intelligence, une sensibilité, un corps, une âme, un être de relation ; un enfant, un frère ou une sœur ; un camarade ; un acteur de la commune de Montfermeil en l’occurrence ; un jeune du département de Seine-Saint-Denis ; un citoyen français dépositaire de la culture européenne.

• Le Cours Alexandre Dumas, c’est un espace – un cocon – où la confiance est reine.

• C’est une équipe professorale – recrutée par le directeur – qui se réunit plusieurs fois par semaine pour suivre chacun des enfants. Tous les adultes qu’ils aient les enfants en cours ou simplement de visu dans la cour de récréation ont le devoir de contribuer à les faire grandir.

• Ce sont des équipes inter âges comme elles sont pratiquées par cette belle institution centenaire lancée par Baden Powel, le scoutisme.

• Ce sont des cours de FFRH (Fond et Forme de la Relation Humaine) à la croisée entre des cours d’éducation civique, des cours de maintien, des cours de politesse, …
C’est un petit peu grâce à cela que l’on va former le jeune dans toutes ses dimensions et le responsabiliser notamment à travers ces équipes inter âges qui rassemble des enfants âgés et moins âgés.

Redonner confiance, cela veut dire :

• des petits effectifs dans chaque classe (maximum de 15 à 17 élèves) ;

• distinguer et saluer les succès fussent-ils minimes ;

• apprendre à ne pas avoir peur de l’autre : la communauté algérienne vis-à-vis de la communauté turque ; la communauté marocaine vis-à-vis de la communauté française ;

• s’ouvrir à d’autres habitudes que celles de sa famille ou de sa communauté.

S’adapter aux difficultés de chacun

• avec des choix pragmatique de méthodes pédagogiques,

• avec un effort tout particulier sur les matières fondamentales : lire, écrire, compter et l’histoire de France.

Cela paraît évident de lire, écrire, compter, mais est-ce qu’il ne faut pas un dispositif spécifique pour ces enfants ? Puisqu’ils n’entendent pas parler le français à la maison, est-ce qu’il ne faut pas plus d’heures de français ?
Certains enfants nous arrivent en disant qu’il faut qu’ils aillent voir l’orthophoniste parce qu’ils ont du mal à apprendre à lire. C’est tout simplement parce qu’ils ne le pratiquent pas suffisamment ! L’oreille n’est pas habituée à entendre le français. Il faut donc réserver plus d’heures à l’enseignement du français, tout simplement.

L’histoire de France, c’est important. Le documentaire de Mélissa Theuriau qui a été diffusé sur France 2 au mois de novembre (disponible sur internet) l’illustre très bien : les enfants ont du mal à comprendre pourquoi ou comment ils sont français. Au début de l’année on leur pose la question : qui est français ? Un tiers ou la moitié des enfants lèvent la main. Ils le sont tous, généralement nés sur le territoire français, mais ils ne comprennent pas ce que cela représente. On ne leur explique pas. Je dis souvent, de manière un peu caricaturale et vous m’en excuserez, que si l’on n’explique pas à ces jeunes pourquoi dans chaque village français il y a une église, en son cœur, ils trouveront anormal qu’il n’y ait pas de mosquée. Ils n’ont que cela comme référentiel et donc l’on va créer de la frustration : la France nous rejette. Si on leur explique que la France s’est constituée de cette manière-là structurée par sa foi catholique – elle l’était en tout cas –, très naturellement, en parlant de l’histoire, il y a des choses qu’ils s‘approprient. Et finalement ils reconnaissent que cette France-là, eux, ils peuvent l’aimer, à partir du moment où ils ont compris comment elle s’est constituée.

Replacer les parents dans leur rôle de premiers éducateurs et ainsi réinstaurer leur autorité de parents.

• Je fais référence à nouveau au documentaire de Mélissa Theuriau où on voit des parents souvent dépassés par leurs enfants, qui n’osent plus intervenir.

• Mais, ces parents, grâce à l‘école, grâce au fait qu’ils interagissent plusieurs fois par semaine avec le professeur principal, que ce soit au portail ou par SMS pour pister toutes difficultés et les lever, se sentent restitués dans leur rôle de parents et retrouvent l’envie et les moyens d’agir.

C’est important parce que – je vais vous citer une anecdote, – une enfant arrive, voilée, dans l’école, ce n’est pas permis puisqu’il y a un uniforme qui ne comprend pas le voile. Donc on discute avec les parents, convoqués, qui disent : « Je ne comprends pas. Je lui ai tapé dessus, ça ne marche pas. Elle m’obéit plus… » Que s’était-il passé ? L’enfant, une jeune fille, avait commencé, entraînée par ses cousines, à aller sur Internet et en l’espace de cinq jours la radicalisation s’était faite, enfin, le signe extérieur de la radicalisation s’était fait. Les parents étaient totalement dépassés. Le directeur a convoqué tout le monde, a expliqué que le projet pédagogique de l‘école ne permettait pas ce genre de manifestation en son sein. Il a ouvert un dialogue qui a permis à la fille de dialoguer avec ses parents et, au moins dans l’enceinte de l’école, de ne pas porter ce voile.

Je reviens sur cette question de voile. On avait eu la délicatesse, au tout début de l’aventure Espérance banlieues, de permettre aux jeunes filles, avec l’uniforme, de porter un bandana pour couvrir leurs cheveux, modérément, mais les couvrir si elles le souhaitaient. On s’est aperçu – parce que notre démarche est pragmatique et que l’on prend toujours en compte le terrain – que cette délicatesse se retournait contre le souhait de vouloir intégrer les familles et les enfants puisque celles qui portaient le bandana discriminaient celles qui ne le portaient pas. Cela devient, de ce fait, une arme politique d’une manière très naturelle. On a donc conclu que cela n’avait pas lieu dans une école, de subir ce genre d’action de la part de mouvances et de communautés.

Donc, replacer les parents dans leur rôle de premiers éducateurs ; les réinstaurer dans leur autorité, c’est fondamental. Nous voyons des parents qui retrouvent le sourire, qui ne subissent plus leurs enfants ou, en tout cas, les dérives de leurs enfants.

Apporter un regard dépassionné sur les questions religieuses

• Les familles qui viennent dans nos écoles sont souvent blessées par l’attitude laïciste de l’école publique. Le fait qu’on ne leur reconnaisse pas la possibilité d’avoir une religion, qu’il faille laisser la religion au portail de l’école, qu’on ne puisse pas en parler. Cette tendance fait que les familles se voient contraintes, – c’est un paradoxe – par l’État et l’Éducation nationale, – pour respecter cette dimension religieuse, de mettre leurs enfants à l’école coranique, même si elles ne le souhaitent pas, fondamentalement. Cet aspect désagrégateur de l’école publique est pointé du doigt par ces familles.

• Nous sommes dans un positionnement aconfessionnel. C’est un choix qui a été posé en disant que l’on a le droit de parler de religion, avec la matière développée à l’école, c’est-à-dire la raison, et on va donc le faire à travers l’histoire, la littérature… Pas de cours de catéchisme ou de religion, mais on peut avoir des sujets où l’on en parle avec cet arme de l’école, la raison. Cette posture aconfessionnelle rassure les parents et ils se sentent reconnus dans ce qu’ils sont.

Finalement, si j’essaie de résumer ce qu’est cette école qui s’est montée à Montfermeil ; c’est une école avec trois piliers :

- un pilier académique, normal pour une école ;

- un pilier éducatif, extrêmement important ;

- et un pilier intégratif – vous m’excuserez ce terme, il est volontairement vague pour ne pas entrer dans les débats associés à ce sujet là. – L’idée est : comment faire adhérer les enfants à la communauté nationale et demain, ou peut-être moins rapidement, les parents ?

Ces trois piliers guident l’ensemble de la pédagogie mise en œuvre au sein des écoles. Les enfants sont évalués sur ces piliers, les professeurs s’attachent à les faire progresser sur cette base. Ces trois piliers sont la mesure de l’impact de l’école.

Cette exception, développée à Montfermeil, est-elle déployable, est-elle déjà devenue un modèle ?

Aujourd’hui, il y a huit écoles qui ont été ouvertes et entre trois et cinq le seront à la rentrée prochaine.

Où sont ces écoles ? Vous le savez peut-être déjà à travers les reportages nombreux dont elles ont été les sujets sur FR2, sur TF1, sur FR3 (vous pouvez aller voir sur la page média du site Espérance banlieues), sur M6 (un reportage tourné sur toute l’année à Roubaix) ou dans le Figaro. Il y a eu un très bel article dans Télérama, une journaliste est venue à Montfermeil et s’est demandé si elle s’était « fait avoir », elle est allée dans d’autres écoles où elle a vu que c’était la même chose, même si c‘était incarné par d’autres personnes, d’autres directeurs, d’autres professeurs. Elle a écrit trois pages. Évidemment, son conseil de rédaction ne voyait pas d’un bon œil cet article et a essayé de la dissuader, mais son honnêteté l’a conduite à faire un très bel article.

Comme je parle des relations presse, je ne peux m’empêcher de vous annoncer la sortie d’un Appel en cette mi-mars d’un certain nombre de personnes de la société civile disant : « Face à l’urgence éducative dans les banlieues et dans les quartiers difficiles, il faut absolument que la société française se mobilise et permette des initiatives de type Espérance banlieues ».

Je reviens sur la liste de ces écoles déjà ouvertes.

Alexandre Dumas (Montfermeil) en 2012, Ozanam (Marseille) en 2014, La Cordée (Roubaix) et Antoine de Saint-Exupéry (Asnières) en 2015, La Passerelle (Pierre-Bénite, banlieue de Lyon), La Boussole (Mantes-la-Jolie – le Val-Fouré), Charles Péguy (Sartrouville), La Fontaine (Saint-Étienne) en 2016.

La Cordée, il y a, derrière, les familles Mulliez qui se sont dit : « Il y a un vrai problème. La réponse institutionnelle ne fonctionne plus. Comme entrepreneur, on est sensible à la démarche Espérance banlieues. » Ils étaient venus voir Alexandre Dumas, à Montfermeil, et ils ont massivement aidé la création de La Cordée, à Roubaix. Je leur ai dit : « La Cordée ce n’est que cent ou cent cinquante élèves, vous avez peut-être plus de besoins ». Ils m’ont dit : « On en créera trois, quatre, cinq. Il faut le faire. Il y a urgence. Il y a des endroits où, maintenant ou demain en tout cas, on ne pourra plus vivre ». C’est vrai que les deux années vécues à La Cordée nous amènent à penser que c’est presque déjà trop tard.

On peut, à mon avis, dès à présent parler de modèle et j’évoquais la journaliste de Télérama ou les équipes de la fondation Alphaomega qui nous disent : « Votre initiative dérange mais ce que l’on voit sur le terrain « marche » et est similaire – pas identique mais similaire – même s’il est incarné par des personnalités très différentes. » Partout de charismatiques directeurs, souvent passés par le Cours Alexandre Dumas : Niels Villemain, le directeur de La Cordée, a été directeur adjoint à Montfermeil ; Pierre-François Chanu qui est maintenant à La Boussole, à Mantes-la-Jolie y a été aussi, mais d’autres aussi arrivent d’autres d’horizons pour la plus grande joie d’Espérance banlieues car ils viennent enrichir et féconder le modèle.
Je vous avais promis, en introduction, un hymne à l’engagement, communicatif, qui nous permette de voir, après la présentation de l’ambition Espérance banlieues, l’engagement d’une génération de professeurs, l’engagement de la société civile, puis l’engagement des parents au service de l’avenir de leurs enfants et finalement l’engagement des enfants au service de ce pays qui leur permet de devenir des hommes et femmes dépositaires d’un patrimoine légué par des générations de Français.

Ces professeurs, on nous demande si nous avons du mal à les recruter. Paradoxalement, non, nous avons beaucoup de demandes : à peu trois à quatre cents CV de personnes qui veulent venir enseigner dans les écoles Espérance banlieues. Même si c’est un investissement lourd où l’on ne compte pas ses heures, ces personnes souhaitent pouvoir réaliser leur vocation au service de la transmission.

Des professeurs de l‘école publique nous disent : « C’est ici que je veux venir ». L’actuel directeur du Cours Saint Antoine de Saint-Exupéry, à Asnières, était pendant dix ou onze ans professeur d’histoire dans le collège public à cinq cents mètres du Cours Saint-Exupéry. Et il revit ! Il redécouvre un certain nombre de fondamentaux qu’il n’avait pas pu mettre en œuvre. Il trouve merveilleux ce temps d’exception avec les élèves ! C’est communicatif, ses anciens collègues lui disent : « Tu as de la chance ! Est-ce qu’on peut venir voir ? »

C’est merveilleux et cela illustre bien cette génération de gens qui se sont dévoués à l’éducation et qui ne peuvent pas la pratiquer pleinement au sein des institutions existantes – en tout cas à l’heure actuelle – et qui veulent s’investir dans Espérance banlieues.

Un certain nombre de jeunes diplômés souhaitent, avant de rentrer dans un processus très classique, transmettre ce qu’ils ont eu la chance de recevoir. De ce fait, nous avons des jeunes, dans des périodes de césure ou juste après être sortis de l’école – comme Polytechnique, HEC, l’ESSEC ou de l’université – qui viennent passer un, deux ou trois ans, pour transmettre, exploiter ce dynamisme, cet épanouissement visible. J’ai vu une institutrice à Pierre-Bénite, dernièrement qui m’a dit : « Pour moi, être engagée dans les ressources humaines, ce n’était pas suffisant pour que je me lève tous les matins. Là, je me lève tous les matins avec la joie de pouvoir aider ces enfants à devenir des hommes et des femmes libres, qui puissent poser des choix libres demain ».

Donc, une dynamique exceptionnelle où, finalement, la transmission retrouve ses lettres de noblesse. Je ne vous cache pas que cela peut m’arriver de rencontrer des gens, dans des dîners par exemple, qui me disent, avec joie : « Mon fils est à Espérance banlieue ». Alors qu’avant, on avait plutôt tendance à dissimuler le fait que son enfant s’était orienté vers la carrière de professeur !

Nous avons une espèce de parrainage implicite avec François-Xavier Bellamy, à travers ses écrits et ses conférences, qui est venu voir plusieurs de nos écoles. Il incarne bien cette génération de jeunes qui veulent apporter le meilleur et le transmettre à ces enfants.

Deuxième engagement, structurellement lié à Espérance banlieues, ce n’est pas la Fondation qui va créer une école à Saint-Étienne, demain à Orléans, à Angoulême ou Angers, c’est la société civile – je l’ai évoqué tout à l’heure pour Roubaix – qui se lève et souhaite absolument prendre son avenir en main, se mobiliser pour apporter un meilleur avenir aux enfants.

Et l’on a une cinquantaine de demandes ! Cela prendra le temps qu’il faudra, pour laisser décanter. Mais on a aujourd’hui une vingtaine de dossiers rentrés dans un processus de création d’école. Il y a des freins bien sûr mais c’est merveilleux de voir cette mobilisation.

Deux exemples de cette année :

Pierre-Bénite – citée tout à l’heure –, ce n’est pas vraiment la banlieue, c’est plutôt la France périphérique. Il y a des familles d’origines étrangères et puis il y a des gens d’ici qui ont des cheveux bizarres, des tatouages, des piercings. C‘est peut-être la France qu’on ne voit pas beaucoup, mais en tout cas ce sont des Français, des gens qui ont soif d’une culture non reçue qui, finalement, re-communient à quelque chose, à ce modèle pédagogique. Ils reconnaissent la vertu du cérémonial de remise de l’uniforme, qui a lieu quelques semaines après le début de l’année parce que ce n’est pas un droit. Cérémonial calqué sur celui offert par la pédagogie scout, où l’élève demande à ses parents l’autorisation de revêtir cet uniforme, pour pouvoir s’instruire, pour servir ; où la Marseillaise est chantée ; le drapeau français, le fanion de l’école et le drapeau européen sont levés chaque semaine ; ce qui est assez magnifique et que l’on pensait plus possible.

Avec une école de cent cinquante élèves, c’est à peu près mille personnes qui sont touchées directement. Si on fait quelques mathématiques et que l’on multiplie par deux cents écoles, dans quelque temps, cela peut faire deux cent mille personnes, qui vont être de vrais anti-corps dans la société pour éviter qu’elle se disloque, ce que nous sommes est entrain de constater aujourd’hui. Sans rappeler que tous les terroristes qui ont œuvré sur le territoire français étaient passés par l’école publique, que certains étaient même employés municipaux à quelques cinq cents mètres de l’école d’Asnières. Le modèle, tel qu’il existe aujourd’hui ne fonctionne plus, ne permet plus de construire cet avenir en commun au service de la jeunesse.

Ce que l’on constate aujourd’hui, c’est que c’est cette société civile qui se mobilise, qui rend les choses possibles, ne remet pas à demain, cette confrontation qui se fait, dès maintenant et qui permet de recréer un lien, exceptionnel, vis-à-vis de tout le monde.

Et le Val-Fourré (l’école “La Boussole” à Mantes-la-Jolie) a, en l’espace de quelques mois, changé d’atmosphère. Il est vrai que dans la cour – qui est ouverte sur le quartier –, il y a un drapeau français. Les vieux habitants d’origine d’Afrique (Maghreb, Afrique noire) disent : « C’est normal. Pourquoi cela n’existait plus ? C’est vrai, cela nous a un peu heurtés au début… » Ce sont des règles essentielles, n’est-ce pas ? Et finalement ils se mettent à contribuer à cet ovni, pour eux, qu’est cette école, qui voit ces enfants retrouver confiance, leurs parents contribuer à la société. Ils arrivent avec des accoutrements qui peuvent nous surprendre mais si on ne leur permet pas de pencher du bon côté, on aura des difficultés.
Pour ce faire, cette éducation que l’on mentionnait, nécessite un investissement de tous les jours. Et c’est l’engagement des professeurs, parce que tous les jours il faut pouvoir dire aux parents : « Dans notre pays, on sert la main du directeur même si on est une femme. Il ne faut pas inventer une prescription religieuse qui n’existe pas ». Évidemment, il ne faut pas que ce soit violent et casse le lien mais il faut, petit à petit, tendre à ce qu’ils retrouvent les règles – pour reprendre un terme qui n’est que trop à la mode et ne veut plus dire grand-chose – du “vivre ensemble” avec les éléments de culture française. Cet engagement magnifique permet de re-fonder la France grâce à la mobilisation de ces professeurs au service de cette jeunesse.

Et puis, dernier élément qui me semble important, c’est la transmission du patrimoine français.

Nous emmenons chaque année les élèves de troisième — il n’y a encore qu’une école avec des élèves de troisième, – en Normandie pour préparer le brevet. Et ils ont la chance d’aller sur les plages du Débarquement, notamment à la Pointe du Hoc. Et ce jour-là, il y avait une prise d’arme d’une compagnie de pompiers. Le capitaine lisait la lettre d’un jeune qui allait être fusillé (cela se passait soixante ans auparavant). Il écrivait : « Cher Papa, chère Maman, ne soyez pas tristes, je vais mourir pour mon pays, il n’y a rien de plus beau que de mourir pour son pays. Je vais prier pour vous. Soyez courageux. Continuons à défendre notre pays ». Et là, le petit Mohammed tire la manche du professeur d’histoire et dit : « Je commence à comprendre ce que vous nous avez enseigné toute cette année (c’est un conteur d’histoire – de France – merveilleux), cette France-là, cette générosité-là, nous, on peut l’aimer ».

Vous êtes tous convaincus qu’il faut absolument que nous fassions partager le trésor que nous avons, de la manière la plus intelligente possible. Mais ce n’est pas en se reniant ou en ayant honte que nous ferons adhérer toute cette jeunesse au patrimoine dont nous sommes dépositaires.

Voilà en quoi cet engagement est contagieux. Cette contagion est la divine surprise. Nous ne sommes que des instruments inutiles au service de cette belle œuvre. Tous ceux qui touchent Espérance banlieues ont le cœur agrandi. C‘est aussi une œuvre de refondation – j’ose le terme – puisque en se donnant, on reçoit et je vois tous ceux qui y contribuent transformés, transfigurés par cette expérience. Je ne peux que vous inviter à la soutenir, directement ou indirectement.

Je vais conclure avec Hélie de Saint-Marc, en écho au propos introductif du général Mac Arthur : « Je lui dirai que tout homme est une exception, qu’il a sa propre dignité et qu’il faut savoir respecter cette dignité. Je lui dirai qu’envers et contre tout il faut croire à son pays et en son avenir.
Enfin, je lui dirai que de toutes les vertus, la plus importante, parce qu’elle est la motrice de toutes les autres et qu’elle est nécessaire à l’exercice des autres, de toutes les vertus, la plus importante me paraît être le courage, les courages, et surtout celui dont on ne parle pas et qui consiste à être fidèle à ses rêves de jeunesse. Et pratiquer ce courage, ces courages, c’est peut-être cela “L’Honneur de Vivre”
 ».

Échange de vues

Rémi Sentis : Je voulais vous interroger sur les difficultés : les difficultés financières et les difficultés administratives. Je suppose que le ministère et l’administration ont dû beaucoup vous mettre des bâtons dans les roues. Est-ce qu’ils vous les mettent encore ?

Le Président : Pour compléter cette question sans la détourner, mais cela peut faire partie des difficultés rencontrées, vous avez tout à l’heure évoqué la présence du drapeau français qui a plutôt suscité des réactions positives dans l’environnement local ; a contrario, est-ce que vous avez eu à déplorer des dégradations, des tags mal intentionnés, des incivilités – comme on dit maintenant pudiquement – à l’encontre de votre présence ?

Éric Mestrallet : Le modèle économique est une vraie problématique. Les parents payent à peu près pour 15 % du coût de l’école, ce qui est important parce que ce qui n’a pas de prix n’a pas de valeur. Ils sont capables de dépenser de l’argent sur un certain nombre de sujets alors s’ils considèrent que l’avenir de leur enfant est un vrai sujet ils mettent un peu la main à la poche. Donc on se mobilise pour trouver les 85 % restants

De fait, le modèle de développement des écoles Espérance banlieues sera contraint parce qu’il y a maintenant un nombre d’écoles maximum, dans l’état actuel des choses, auquel on sera limité.

On travaille actuellement à essayer de faire évoluer la législation de manière à ce que des financements publics (j’ai mis des “s” qui n’y sont donc pas forcément) à ces écoles-là puissent exister demain ; qu’un maire qui souhaiter recevoir une école Espérance banlieues sur son territoire puisse l’aider, ce n’est pas le cas aujourd’hui. S’il a un bâtiment, par exemple, il ne peut pas le mettre à disposition gracieusement. Si le département, si la région veulent faire quelque chose, c’est compliqué. Je travaille actuellement avec plusieurs régions et ce n’est pas simple. Et le monopole de l’Éducation nationale, tel qu’il existe aujourd’hui, empêche beaucoup de choses. On est obligé d’utiliser le fait que nous contribuons à la mixité sociale, la parité homme/femme – parce que nous tenons à ce que les filles aient la même éducation que les garçons, ce n’est pas si naturel que cela… Donc nous allons être limité très vite. Le nombre d’écoles dont je vous ai parlé, les chiffres à plusieurs unités, ne seront pas possibles. Mais nous travaillons à faire en sorte que ce soit possible.

Les difficultés administratives, nous arrivons à les gérer. Il y a une bienveillance locale, maintenant c‘est plus facile parce qu’il y a des belles réalisations, nous sommes perçus comme complémentaires.

Il y a forcément des approches idéologiques de certaines personnes, locales – mais c’est assez rare parce qu’il y a des enfants dont il faut s’occuper, des misères qu’il faut essayer de soulager –, ou au niveau national, évidemment.

Malgré tout les choses avancent. Il y a une émission, « l’émission politique », qui reçoit les hommes politiques particulièrement, qui avait souhaité inviter madame le ministre. Cela avait été validé pour qu’elle passe deux heures à l’école d’Asnières. Cela ne s’est pas fait, c’est Ségolène Royal qui est passée. Ils ont essayé de le refaire avec Mélenchon mais ce n’est pas encore fait, mais il avait aussi validé le fait de venir à Asnières.

C’est un point de passage, un point de confrontation qui fait que le débat peut réellement être posé pour trouver des solutions, intelligemment, demain.
L’appel que j‘ai mentionné, sur Arte et dans Le Figaro, essaie de susciter un mouvement d’ensemble qui fasse que le sujet soit un sujet très consensuel pour essayer de donner un avenir à ces enfants dans les banlieues.

Les trois signataires – Alexandre Jardin, qui a lancé le mouvement « Les Zèbres », qui n’est classé ni à droite ni à gauche, –, madame Polony – pas à droite non plus, elle est dans une approche très étatiste – et monsieur Borloo. Monsieur Borloo considère que ce qu’il a fait était nécessaire mais pas suffisant, qu’il n’a pas traité l’humain dans toutes les rénovations urbaines de politique de la ville qu’il a initiées donc il souhaiterait que ce sujet-là soit traité. Voilà qui permet d‘avoir un échantillon assez large. Et puis il y a un certain nombre de chefs d’entreprise qui souhaitent absolument le faire ; et il y a des peoples qui le veulent aussi, c’est toutes ces personnes là que nous essayons de mobiliser. À part monsieur Borloo, il n’y a pas de politiques parce que nous voulions que ce soit un véritable appel de la société civile. J’espère que d’autres suivront.

Les incivilités, fondamentalement, ne sont pas un problème. On ne fait que réaffirmer une règle qui, finalement, est normale donc il y a eu un petit rejet au début mais pourquoi s’opposer à quelque chose qui est normal ?
On a des grands frères qui ont fait les pires bêtises, qui viennent protéger l‘école de Montfermeil parce que nous donnons un avenir à leur petit frère.

Nicolas Aumonier : Vous avez dit, à propos de “La Cordée” : « Est-ce que ça n’est pas déjà trop tard ? » Qu’entendiez-vous par là ?

Ensuite, à propos de la religion abordée par le biais de la raison, vous avez nommé l’histoire et la littérature. Est-ce que vous abordez plusieurs religions ? Parce que dans la littérature française, notamment, il y a quand même moins de mentions de l’islam que des références qui nous sont plus proches.

Éric Mestrallet : On a réfléchi, avec les directeurs, au recrutement en termes d’élèves et de familles. Est-ce que finalement ces familles que nous touchons ne viennent pas pour profiter du système et après se retourner contre la France ? Il y a un risque, indéniable.

Nous avons eu une pression communautariste assez forte, à Roubaix. C’est pour cela que j’ai évoqué cette école. Est-ce que finalement nous allions réussir à créer un reflux ? Quand une mère de famille refuse de serrer la main du directeur, comment le gérer ? Malgré tout, on voit des témoignages époustouflants de ces mères de famille, à Roubaix, quelques uns sont parus dans la presse. J’ai fait une conférence avec monsieur Bellamy l’année dernière et une femme a pris le micro, pour dire la joie et l’espoir rendu à son enfant, avec lequel elle ne parlait plus.

Donc oui, il y a un risque ; oui on pourra nous accuser d’avoir “nourri” une adversité (je ne veux pas l’incarner trop). Ce qui est certain, c’est que si on ne le fait pas, il n’y aura pas de reflux, c’est inexorable. Et c’est tous les jours qu’il faut pouvoir dire : « Ce n’est pas comme cela que l’on fait en France. Ce n‘est pas acceptable ». Si personne ne le fait – et aujourd’hui, beaucoup de gens ont démissionné – on peut plier bagage, définitivement.

À Roubaix, nous sommes à la limite. On n’est pas dans les situations comme en banlieue parisienne où il y a des quartiers qui sont totalement communautarisés, c‘est beaucoup plus mixé. Mais c’est pour cela que la bourgeoisie (sans connotation négative) blanche s’est dit : « Il faut faire quelque chose sinon on va être obligé de partir, définitivement ». Donc la question est : je pars ou je me réinvestis ?

Nous avons la chance – j’ai parlé de réveil, d’engagement de cette société civile – d’avoir des gens qui se réinvestissent, il faut le saluer, il faut s’en réjouir et remercier le ciel de cette nouvelle dynamique, qu’on ne fait que fédérer, que porter, que permettre. Je ne veux pas tirer la couverture à nous. Mais c’est magnifique à voir, c’est émouvant et c’est possible, aujourd’hui.

Sur la question de la religion. Nous sommes obligés d’aborder toutes les religions, en tout cas celles des enfants, lorsque l’histoire le permet parce qu’on a une grande actualité à l’international donc c’est assez facile à faire. Il n’y a pas de difficultés de ce point de vue-là.

J’ai dit tout à l’heure que nous ne donnons pas de cours de religion, nous abordons tout simplement les religions à travers l’histoire ou la littérature de manière à pouvoir dépassionner les débats sur le sujet, dire les faits et qu’il y ait un débat, une discussion qui puisse se faire.

Mais cela passe aussi par des repas pris en commun. Il n’y a pas de problème de cantine puisque les enfants apportent leur repas. Donc mon voisin peut manger et mange forcément des choses différentes de moi. S’il mange du porc, je ne peux pas monter sur mes grands chevaux en disant : « C’est inadmissible ! » C’est comme cela : vous acceptez l’autre tel qu’il est – parce que l’on se vouvoie.

Donc toute cette éducation au quotidien, pour moi, est un grand service qui est rendu à l’avenir de notre société et c‘est indispensable de pouvoir le faire. Si on ne le fait pas, s’il n’y a pas ces vigies sur le territoire français, on a définitivement perdu.

Hervé de Kerdrel : Communautarisme, intégration : il n’y a pas que la France qui soit soumise à ce type de problématique. Est-ce que d’autres pays connaissent des expériences telles que celle que vous déployez ? Et si oui, peut-être en avance sur vous : quel type de leçon est-ce que, après ces années, ces pays qui sont en avance peuvent tirer de telles expériences ?

Deuxièmement, on sait bien que les qualités pédagogiques et éducatives des maîtres sont essentielles dans ce que les enfants retirent d’un enseignement (au sens général du terme). Quelles sont les problématiques de compétences que vous rencontrez quand vous recrutez des maîtres, jeunes ou moins jeunes ? Et comment vous les traitez ?

Éric Mestrallet : Des modèles d’écoles indépendantes (pour utiliser ce terme plus passe-partout que hors contrat) existent ailleurs : aux États-Unis, en Angleterre. Il y a des pays où la société civile s’est emparée du sujet. En revanche, cette vision intégrative de la communauté nationale, je ne pense pas qu’elle soit très bien pratiquée dans ces pays-là. Je pense que de ce point de vue-là nous sommes assez en avance et nous ne profitons pas de retour d’expériences sur cette dimension. Mais je pense que c’est le rôle de la France, à travers son histoire, de jouer un rôle particulier sur ce sujet.

Les qualités et les compétences nécessaires pour les professeurs : c’est d’être, premièrement, des éducateurs. Qu’est-ce qui caractérise un éducateur ? C’est quelqu’un qui aime la personne qu’il a en face de lui. Et deuxièmement, cela ne s’apprend pas pendant les cours, il faut avoir pratiqué. Donc dans les recrutements que nous faisons, c’est la première compétence qui est identifiée. La deuxième compétence, avoir une discipline à enseigner ; la troisième, être ouvert à la diversité culturelle et capable de l’appréhender ; la quatrième, être capable de fonctionner en équipe, ce qui n’est pas forcément le cas de tous les professeurs. Ce sont les quatre critères essentiels.

Mais le premier, c’est d’être un éducateur. Comment caractérise-t-on un éducateur ? Simplement par ses expériences d’éducateur : le scoutisme, indéniablement, les Apprentis d’Auteuil… Il peut prouver ou il peut démontrer qu’il a un certain nombre de réalisations et la manière dont il en parle permet de sanctionner, positivement ou négativement, le fait qu’il est capable d’avoir cette dimension majeure pour être présent comme professeur au sein de l’école.

Jean-Marie Schmitz : Deux questions pour prolonger celle qui vient d’être posée sur les professeurs et les directeurs d‘établissement.

Je connais un peu le Cours Alexandre Dumas pour être allé plusieurs fois à Montfermeil, et il m’apparaît évident que sa réussite tient beaucoup à la qualité de l’équipe pédagogique et au charisme assez particulier du directeur. Compte tenu des objectifs ambitieux de développement qu’a la Fondation Espérance banlieues, la formation de ses professeurs et de ses directeurs d’établissement me paraît essentielle, et être une question en elle-même. Comment Espérance banlieues envisage-t-elle de la résoudre ?

Deuxième question, comment s’expliquent les échos assez étonnamment positifs que les médias ont réservés à Espérance banlieues ?

Éric Mestrallet : La formation, c’est l’enjeu, pas de demain mais d’aujourd’hui. Nous y travaillons activement. Nous aimerions pouvoir créer un circuit de formation initiale, puis continue, pour les professeurs et les directeurs qui inclurait, pour la formation continue, un certain nombre de partage d’expériences parce que ce qu’ils vivent est assez exceptionnel, assez extraordinaire et mériterait d’être fécondé mutuellement.

J’espère pouvoir mettre en place un processus de formation de plusieurs semaines, avec stage pour les futurs arrivants au sein d’Espérance banlieue, c’est un vrai enjeu. Nous avons beaucoup « bricolé », aidé en grande partie par la Fondation pour l‘école. Nous avons eu la chance de ne pas connaître de difficultés majeures. Nous ne pouvons pas nous satisfaire de ce bricolage, contraint, puisque nous étions dans une création. Nous travaillions d’arrache-pied à cette dimension.

Les échos positifs dans la presse : d’abord, si on peut se permettre, on a été aidé par la Providence. Mais nous avons essayé d’être tactiques, malgré tout. Nous avons fait attention aux transgressions réalisées.

J’ai publié un livre avec Harry Rosenbach… D’abord, il a fallu attirer Harry Rosenbach dans cette aventure. Comment ? Tout simplement parce qu’il a vu des enfants. Il est père de trois enfants qu’il met dans le privé. C’est un type bienveillant, honnête, qui dit : « Moi, quand je suis allé dans cette école (Alexandre Dumas), j’ai vu des enfants qui avaient la banane (le sourire). Cela m’a touché, j’ai voulu le dire ». Donc il a été honnête. On a discuté, on a échangé, cela a donné ce livre .

Grâce à ce livre, nous avons eu une couverture presse intéressante et, de manière un peu tactique, mes premiers messages ont été de dire : « Bienveillance, bienveillance, complémentarité, etc. » Et puis après, j’ai dit : « Oui, mais nous apportons quelque chose qui est un peu différent de ce qui est proposé aujourd’hui. Cela semble nécessaire puisque cela satisfait de plus en plus de personnes ». Et puis, troisième déclaration : « Cela n’existait pas et, peut-être, y a–t-il eu des erreurs pendant trente ans. Il faut apprendre à raisonner autrement ». C’est ce que nous avons essayé de faire.

Donc petit à petit, nous avons tenté de remonter la mécanique en étant – et c’est le côté un peu jubilatoire – derrière les lignes ennemies. Mais il ne faut pas aller trop vite ! Les attaques que vous connaissez le mentionnent bien.

La question qui se pose ensuite : affiche-t-on notre identité ? Nous avons une position aconfessionnelle, nous faisons référence à la culture européenne et nous ne le cachons pas. Le fait que la Fondation soit animée par des gens de foi n’est pas caché non plus, parce que c’est comme cela qu’ils trouvent l’énergie pour réaliser cette aventure. Et de manière discrète, en tout cas officieuse, la pierre d’angle de notre projet, c’est l’anthropologie catholique. Tous les professeurs, tous les cadres recrutés – je ne veux pas utiliser le mot “catholique”. Il y a la notion d’universel qui me plaît mais… – sont d’abord missionnaires. Ce n‘est pas forcément avec tous les « tatouages » que l’on peut se donner en étant catholique, mais il faut vraiment qu’ils soient missionnaires.

Ce qui compte, c’est qu’il y ait ce cœur, qu’il soit structuré autour de cette anthropologie. Mais je me vois mal dire : est-ce que je le recrute parce qu’il va à la messe le dimanche ? Ce n’est pas suffisant, loin s’en faut. Quelquefois on va à la messe le dimanche et on se comporte mal dans le quotidien. Ce n’est pas à nous d’en juger. Donc le critère de recrutement n’est pas simple. Cela m’a plu de recruter des gens qui n‘étaient pas pleinement « tatoués » comme il le fallait parce que cela évitait à l‘ensemble du corps professoral d’être dans du quant à soi et de ne plus être assez charitable et missionnaire. C’est des équilibres qui sont délicats à manier.

J’ai fait une entorse à notre modèle en ayant un président, à Lyon, qui n’avait pas tous les bons tatouages, qui était bienveillant mais pas ceci ou cela. C’était un calcul tactique. Je pense qu’il est en train de se convertir, cela fait partie des fruits.

Le Président : Dans le prolongement de cette question, si nous avons bien compris que l’établissement et le projet pédagogique étaient aconfessionnels, qu’il n’y a pas d’enseignement religieux, cela c’est du point de vue des enfants.

Mais du point de vue des équipes pédagogique et de direction, n’y a-t-il pas une référence religieuse explicite, voire des occasions de partager une même spiritualité, ne serait-ce que pour garder une cohésion et peut-être aussi acquérir les forces nécessaires pour arriver à être missionnaire ? Est-ce qu’il y a, sans que cela soit imposé bien sûr, dans certains établissements peut-être (inutile de les nommer d’ailleurs), des activités religieuses au niveau de l’équipe pédagogique, des occasions de se retrouver pour prier ensemble ?

Éric Mestrallet : Il y a un besoin, c‘est traité. Ce n’est pas affiché. C‘est dans la conscience de chacun. Il y a souvent une image, une statue plus ou moins dissimulée mais finalement pas tellement. C’est d’ailleurs étonnant que tous les médias n’aient pas voulu le voir.

Le Président : C’est même surprenant que les médias ne soient pas plus agressifs.

Éric Mestrallet : C’est providentiel. On ne fait que porter quelque chose.
On a vu l’équipe d’Asnières, par exemple, organiser une réunion et après une messe. Les gens de la Fondation en ont profité pour venir se ressourcer, réfléchir.

Je ne cache pas le fait que porter cette œuvre est lourd. Il faut beaucoup de doigté, d’intelligence des situations et donc ce n‘est possible que si on prie.

J’ai une petite anecdote qui paraît intéressante. À Montfermeil, une élève qui a son brevet entre en seconde à l’école Notre-Dame d’Orvault, au nord de Nantes, école catholique, privée. Nous nous disons : c‘est gagné, le processus d’acculturation est en cours. J’apprends à Noël qu’elle est partie de cette école à la Toussaint et qu’en plus, elle est voilée ! Mon mythe s’effondre deux fois ! J’étais un peu déstabilisé. Finalement, est-ce que on ne se fait pas utiliser ? Puis elle revient à l’école de Montfermeil (les anciens reviennent à l’école, c’est un bon indicateur aussi), parle avec le directeur, à l’équipe professorale et leur dit : « C’est mon père qui m’a retirée parce que j’allais trop souvent aux complies et à la messe. Et puis, si je suis voilée, c’est simplement pour me protéger de mes frères et des jeunes. Et ne vous en faites pas, monsieur le directeur, j’ai vu le Christ ».

Jean-Pierre Lesage : Je voudrais poser une question plus générale concernant les écoles hors contrat. J’ai vu sur Internet que vous interveniez de temps en temps sur le sujet.

Quel est le bon point d’équilibre ? D’un côté, le système d’éducation nationale français est très jacobin ; ce qui induit des lourdeurs de toutes sortes : administratives, idéologiques, etc. D’un autre côté les écoles hors contrat disposent de davantage de degrés de liberté. Vous les utilisez positivement dans le sens tout à fait estimable. Mais on peut craindre que d’autres puissent en profiter pour mettre en place des enseignements peu souhaitables à divers points de vue.

Comment régler finement ce plus de liberté sans ouvrir une boîte de Pandore ?

Éric Mestrallet : La réponse ne sera pas totalement satisfaisante. En revanche, je pense qu’il y a de vrais dispositifs qui peuvent régler, en partie, ces risques.

Cette question, nous nous la posons tous les jours. Est-ce que nous, militants pour ces écoles, indépendantes, financées partiellement par l’État, nous ne sommes pas en train de permettre à certaines personnes de créer, demain, des écoles coraniques peut-être ?

D’abord, la première chose, c’est que l’État français ne s’oppose pas à la création de ces écoles coraniques aujourd’hui, qu’elles soient sous contrat ou indépendantes ; il ne vérifie pas ce qu’il devrait vérifier ; et ne se donne pas les moyens d’aller vérifier. Déjà en se donnant les moyens d’aller vérifier le respect d’un certain nombre de règles, la plupart de ces écoles devraient fermer.

Nous, ce que l’on prône, c’est qu’il y ait une évaluation, une ouverture, une transparence ; qu’il y ait le respect de chartes. Et si on applique une charte où les garçons et les filles ont droit à la même éducation, par exemple, si les cours doivent être en français, cela peut exclure très vite un certain nombre d’initiatives que vous suggérez.

La confiance n’exclut pas le contrôle. Donc si on contrôle, avec un organisme tiers indépendant qui ne soit pas l’Éducation nationale parce que l’Éducation nationale, elle est juge et parti, donc il faut faire émerger cet acteur tiers.

Nous, nous n’avons pas de souci avec les contrôles ; et on peut très bien contrôler, à mon avis, le dispositif.

Le Président : Quel est le public ? C‘est en banlieue, donc on imagine que ce sont des enfants des banlieues, des enfants défavorisés. Mais est-ce que, finalement, cet aspect religieux prime, est-ce que ce sont des familles essentiellement musulmanes qui y mettent leurs enfants ? Est-ce qu’ils sont musulmans d’origine mais peu pratiquants ou au contraire sont-ce les plus pratiquants parmi eux ? Est-ce que ce sont d’autres catégories de la population avec des références communautaires mais pas religieuses ? Est-ce qu’il y a des gens qui habitent la banlieue mais qui sont européens de souche puisque vous avez utilisé cette expression ?

Éric Mestrallet : Il y a 85 % des populations qui sont d’origine étrangère, principalement musulmane – c’est le constat – plutôt des gens, estimables en soi, qui pratiquent leur religion.

Quand je vais à Pierre-Bénite où je vois moitié Blancs et moitié personnes d’origine étrangère, la culture des Blancs me fait peur, c’est une vraie sous-culture.

Les musulmans ne demandent pas à pratiquer à l’école : ce n’est pas le lieu. On est dans une institution, on prépare à rentrer dans la société et donc il y a des codes à respecter. Le jour de l’Aïd, il faut venir en classe, même si nous avons beaucoup de défections. L‘idée, c’est de faire reculer cette espèce d’état de droit qu’ils essaient de nous imposer et de donner la raison, la même pour tous. Pour les musulmans, c’est le début de la fin dans leur rapport à la vérité.

Nous semons ; nous essayons d’en faire des hommes de bonne volonté.
L’enjeu d’Espérance banlieue c’est d’abord la prospérité locale – c’est-à-dire le fait qu’il n’y ait pas de communautarisme ; la deuxième étape, c’est de les ouvrir aux savoirs fondamentaux ; la troisième (c’est une marche), c’est en faire des hommes de bonne volonté.

Le reste ne nous appartient pas mais à travers l’anecdote que je vous ai citée – qui est à prendre évidemment avec toute la délicatesse qu’il faut – on s’aperçoit que le Bon Dieu travaille.

Rémi Sentis : Vous avez évoqué rapidement la possibilité d’un organisme tiers parce qu’effectivement, dans le système français on s’aperçoit que le ministère de l’Éducation nationale est à la fois juge et parti dans la mesure où il gère tout l’enseignement public et en même temps il contrôle le privé sous contrat et hors contrat.

Est-ce qu’il vous semble envisageable, à échéance, au niveau politique, de demander aux hommes politiques de scinder en deux le ministère de l’Éducation nationale pour faire en sorte qu’il y ait une partie “enseignement public” et puis une autre partie qui gérerait le hors contrat et le sous contrat ?

Éric Mestrallet : Je pense que c’est possible, mais je ne vois pas forcément la séparation que vous avez faite.

Je pense qu’il faut un organisme qui soit un organisme d‘évaluation. Comme il y a un corps des inspecteurs, un corps qui évalue, peut-être avec des prestataires extérieurs : une sorte de Véritas de l’école peut s’organiser ; ou mettre autour de la table tous ces organismes d’évaluation et chacun vient prester pour voir la conformité au cahier des charges qui a été établi par le gouvernement ou l’État français.

Je pense que c’est possible. On va y arriver. Ce que je vise – après tout il n’y a que ceux qui tentent qui ratent –, c’est que tout le monde se dise : il faut des écoles Espérance banlieues, en masse, – il y a là un aspect marketing que vous aurez bien vu. Il y a bien d’autres endroits où il y a des besoins, mais il se trouve que pour les banlieues on mobilise plus facilement les moyens et les médias, profitons-en.

Si l’on veut ce développement, il faut qu’il y ait cet organisme tiers d’évaluation. Si cet organisme tiers d’évaluation fait correctement son travail, il est obligé de comparer aux autres établissements de ces zones-là et comme cela, non-frontalement, on réussit à imposer cet organisme tiers, pour le bon développement de l’éducation en France.

Je pense que c‘est ce qu’il faut essayer de faire. C’est la tactique du contournement que j’essaie de mettre en place, il ne faut pas le faire frontalement.

Catherine Berdonneau : Vous avez dit, ce qui est gratuit n’a pas de valeur, ce avec quoi je suis assez d’accord. Est-ce que vous pensez qu’il serait souhaitable de traduire cela sur notre enseignement dit gratuit mais qui ne l’est pas, parce qu’il est quand même financé quelque part, les enseignants ne font pas de bénévolat. Mais pour beaucoup de gens, quand on leur dit : Non, l’enseignement n’est pas gratuit, il y en a qui tombent vraiment des nues.

Et comment concilierez-vous cela avec une position récente de François-Xavier Bellamy, non pas d’instaurer un chèque scolaire mais d’envisager quelque chose du type crédit d’impôt ?

Éric Mestrallet : On peut peut-être imaginer que tout établissement ait, pour son fonctionnement, une espèce de dotation. Plus que le crédit d’impôt ou le chèque-éducation qui avait été évoqué il y a quelques années, je suis plutôt pour une dotation au prorata du nombre d’élèves des établissements.

C’est une vision, elle est à débattre et peut évoluer. Mais je trouve qu’elle est moins individualiste dans sa conception, alors que nous avons une société très éclatée.

Dans cette société très individualiste, entrer dans une notion de crédit d’impôt ou de chèque scolaire, me semble porteur d’un germe qui peut ne pas être très favorable à une vie en société commune.

Ce sont donc des modalités un tout petit peu différentes de mise en œuvre qui, pour moi, permettraient de financer le socle commun de ce que doit faire une école. Ensuite une école peut proposer une offre un peu plus large, notamment culturelle, qui peut nécessiter un complément de versement ou de paiement par les familles, cela ne me choquerait pas, si cela reste dans des proportions raisonnables. Et je pense que si l’on veut vraiment que les parents adhèrent à un projet pédagogique, il faut que cela les concerne et les touchent d’une certaine manière. C’est pour cela que j’évoquais cette notion : Ce qui n’a pas de prix n’a pas de valeur.

Séance du 16 mars 2017