Par Chantal Delsol, professeur de philosophie à l’Université de Marne la Vallée

Francis Jacques : Avant les spécialistes des sciences sociales, et après le Père Rouvillois qui nous a parlé de la signification biblique du travail, nous sommes réunis ce soir autour du philosophe. Nous avons la chance d’accueillir Chantal Delsol, pour intervenir sur le concept même de travail, à l’intérieur d’une problématique d’histoire des idées politiques. Une philosophe dont l’attitude est constructive, ce qui n’est pas si fréquent dans ce pays.

Cette attitude, nous l’avons en commun tous les deux, je crois, avec la critique des idéologies, encore que nous n’ayons ni les mêmes têtes de Turc ni les mêmes chevaux de bataille. Pendant que je m’attachais à préparer à Rome l’encyclique Fides et ratio dans la cellule épistémologique réunie aux fins de consultation vaticane, en tâchant d’assouplir certains a priori dogmatiques, Chantal Delsol était présente sur tant d’autres terrains : elle avait notamment pour passion l’Europe centrale, où elle se rend souvent, et qui fait l’objet de l’ouvrage collectif qu’elle vient de codiriger avec Michel Maslowski et Joanna Nowicki. Car l’histoire des idées politiques de l’autre Europe, celle du Centre-est et de l’Est, constitue un domaine pour lequel elle a joué en effet un rôle de « passeur » et de femme de dialogue. Auparavant elle adoptait un jeune garçon d’origine laotienne, son sixième enfant, et militait pendant cinq ans au sein d’une association vouée à l’aide aux immigrés (l’Alatfaqui). Elle dirigeait une collection aux éditions de la Table Ronde. Elle était aussi l’épouse d’un ambassadeur et ancien ministre.

Même si Chantal Delsol est spécialiste de philosophie politique, de l’histoire des idées politiques et de philosophie de la culture, et moi d’épistémologie, de philosophie du langage et de théologie, cela ne nous a pas empêché de coopérer : à Varsovie, à l’Institut européen réuni à Royaumont, à Marne la Vallée pour discuter du statut de l’interculturel, à la Sorbonne et à l’association des philosophes chrétiens dont elle est membre. Suffisamment pour avoir apprécié sa largeur de vues, sa robustesse de pensée active, sa justesse de jugement. Il me plait que l’on soit dure dans les idées mais plutôt souple de caractère. Et surtout que l’on pense avec panache sans se plier aux modes.